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May Al-Maghrabi, Mardi, 10 septembre 2013

L'Onu dispose de plusieurs mécanismes de lutte contre le terrorisme, mais leur objectivité est parfois mise en cause.

Onu
Depuis 2001, et sur impulsion américaine, l’Onu fait de la lutte contre le terrorisme l’une de ses mission.

L’Onu dispose de deux comités de lutte anti-terroriste. Le premier, créé en 1999, est le comité dit 1 267 (en référence à la résolution 1 267). Sa mission consiste à « renforcer l’aptitude des Etats membres des Nations-Unies à empêcher les actes de terrorisme à l’intérieur de leurs frontières et dans l’ensemble des régions ». La résolution 1 267 met en place un régime de sanctions (embargo sur les armes, interdictions de voyager, gels d’avoirs) contre les entités et individus liés à Al-Qaëda et aux talibans. Le comité 1 267 se réfère à la résolution de l’Onu pour classer des mouvements ou des individus sur la liste d’organisations terroristes. Il bénéficie, pour achever son travail, de l’appui d’une « équipe de surveillance » (monitoring team) constituée d’experts indépendants nommés par le secrétaire général. Après les attentats du 11 septembre, les fonctions du comité 1 267 ont été élargies. Et un deuxième comité régissant la lutte contre le terrorisme et s’appuyant sur une autre résolution de l’Onu, la résolution 1 373, est créé en 2001. Mesures préventives, sanctions et poursuites judiciaires sont parmi les dispositifs de ce dernier avec un objectif affiché : renforcer l’aptitude des Etats membres des Nations-Unies à empêcher les actes terroristes à l’intérieur de leurs frontières et dans l’ensemble des régions.

L’Onu qualifie de terroriste tout acte commis avec l’intention d’influencer ou de déstabiliser un gouvernement ou un organe public, ou visant à susciter la crainte et l’insécurité dans toute ou une partie de la population à l’appui d’un objectif politique, religieux, ethnique, idéologique ou d’ordre similaire. En vertu de ces critères élargis, mais reconnus par les Etats membres, le comité place des dizaines de mouvements, d’entités et d’individus à travers le monde sur la liste des sanctions. Cette « labellisation » entraîne, entre autres, des interdictions de voyager et des gels des avoirs. Dans sa résolution 1 989 (2011), le Conseil de sécurité encourage les Etats membres à communiquer les noms des personnes, groupes, entreprises et entités susceptibles d’être inscrits sur la liste des sanctions contre Al-Qaëda. Mais les Etats membres doivent également fournir un mémoire aussi détaillé que possible exposant les motifs de la demande d’inscription, et surtout des éléments de preuves.

Une liste parfois contestée, vu la perplexité des critères de la classification et l’ambiguïté de la définition du terrorisme.

Mais l’Onu ne prend pas en compte la classification faite indépendamment par ses pays membres. Par exemple, le Hezbollah libanais figure sur la liste des organisations terroristes de pays comme les Etats-Unis, le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Le 22 juillet dernier, l’Union européenne a, elle, classé la branche militaire du mouvement sur sa liste des organisations terroristes. L’Onu, elle, ne classe pas le Hezbollah sur sa liste des mouvements terroristes, et le Conseil de sécurité appelle juste à son désarmement.

Onu

Depuis 2001, et sur impulsion américaine, l’Onu fait de la lutte contre le terrorisme l’une de ses missions essentielles. Cinq ans plus tard, en 2006, les Etats membres adoptent une stratégie anti-terroriste mondiale. Elle vise à mettre en cohérence les mécanismes de lutte contre le terrorisme existant et à renforcer la coopération entre les Etats et les organisations internationales ou régionales traitant de la lutte contre le terrorisme. Il s’agit d’éliminer les conditions favorisant le terrorisme, comme la pauvreté, la discrimination, l’exclusion politique, la marginalisation socioéconomique et l’absence de gouvernance.

Le politologue égyptien Gamal Zahrane estime qu’il est nécessaire de revoir la neutralité des critères et des procédures selon lesquels on traite un régime ou un mouvement de terroriste. « Il faut dire que l’Occident applique une politique de deux poids deux mesures et traite la question du terrorisme en fonction de ses intérêts politiques. On se demande, à titre d’exemple, pourquoi on soutient l’opposition armée en Syrie et on la combat au Mali. Pourquoi on refuse d’intégrer la confrérie des Frères musulmans, impliquée directement dans la violence, sur la liste des organisations terroristes alors qu’on y maintient la Gamaa islamiya qui a renoncé à la violence ? Des paradoxes qui révèlent un manque d’objectivité », explique Zahrane. Il trouve que la lutte contre le terrorisme est devenue aussi bien une arme politique qu’un instrument de guerre. C’est pourquoi il appelle à inclure les pays touchés par le terrorisme au comité contre le terrorisme, et ne pas le restreindre aux membres du Conseil de sécurité. « La représentation des pays arabes et musulmans est essentielle pour pouvoir s’expliquer sur la différence entre le droit à la résistance contre l’occupation et le terrorisme, entre une opposition pacifique et une autre armée », conclut-il.

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