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Changements climatiques : L’Egypte sur tous les fronts

Aliaa Al-Korachi, Lundi, 23 août 2021

Un récent rapport onusien affirme que le réchauffement climatique s’accélère à un rythme alarmant. L’Egypte a lancé une stratégie globale pour faire face au phénomène.

Changements climatiques : L’Egypte sur tous les fronts
(Photo : Bassam Al-Zoghby)

Le changement climatique n’est plus une menace potentielle. C’est une réalité bien visible. « Il est généralisé, il s’accélère et s’intensifie ». C’est l’avertissement lancé par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations-Unies dans son rapport d’évaluation publié le 9 août. Selon ce rapport le seuil de +1,5°C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle sera atteint en 2030, soit 10 ans plus tôt que prévu par cet organisme onusien en 2018. En fait, cette étude intervient au moment où de nombreux phénomènes météorologiques extrêmes frappent plusieurs régions du monde : incendies meurtriers en Algérie, en Grèce et en Turquie, famine à Madagascar, inondations en Chine, pluies torrentielles en Allemagne et canicule record au Canada (voir page 3). Juillet 2021 était le mois le plus chaud jamais enregistré sur terre. La hausse du niveau de la mer s’est considérablement accélérée : 20 cm entre 1901 et 2018. Elle pourrait encore monter, d’environ 50 cm d’ici 2100. En Méditerranée, le changement climatique sera l’un des plus sévères au monde. Quant à l’Afrique, bien qu’elle soit responsable de moins de 4 % des émissions de carbone, son développement socioéconomique est frappé de plein fouet. Dans la région du Sahel, en particulier, les températures augmentent une fois et demie plus vite que dans le reste du monde. Le GIEC a consacré tout un chapitre aux événements climatiques exceptionnels. « Les activités humaines ont réchauffé le climat à un rythme sans précédent depuis 2 000 ans », note le rapport qui prévoit « une accentuation de ces transformations climatiques exceptionnelles qui seront plus régulières et plus dévastatrices ».

Quelles répercussions sur l’Egypte ? Tout comme la pandémie de coronavirus, le changement climatique n’a pas de frontière. « Le changement climatique n’affecte pas un pays en particulier, mais le monde entier, y compris l’Egypte. L’Etat égyptien ne reste pas les bras croisés, il cherche par tous les moyens à faire face à ce phénomène », souligne Ahmed Abdel-Al, ex-chef de l’Autorité météorologique égyptienne (voir entretien page 4).

Une nouvelle normalité ?

Ces événements climatiques extrêmes pourraient-ils devenir la norme ? Le rapport du GIEC passe en revue 5 scénarios potentiels d’émissions de gaz à effet de serre : le plus optimiste correspond à un réchauffement de 1,5°C en 2100, alors que le pire scénario prévoit un réchauffement compris entre 3,3 et 5,7°C (voir infographie page 4). « Ce qui se passe n’est pas du tout surprenant. Le changement climatique n’est plus un phénomène futur auquel le monde devra faire face plus tard. Les preuves sont irréfutables : le changement climatique est à nos portes. C’est ici et maintenant », explique Madgi Allam, climatologue. Et d’ajouter : « Le dérèglement climatique a causé la disparition de deux saisons, à savoir le printemps et l’automne, et une perturbation incessante des températures tout au long de l’hiver comme en été ». Est-il trop tard pour freiner les changements climatiques ? Dans sa conclusion, le rapport du GIEC lance « l’alerte de la dernière chance » pour sauver la planète d’un scénario catastrophique. « Il est encore temps de limiter les dégâts. Des réductions fortes et durables des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et des Gaz à Effet de Serre (GES) pourraient rapidement améliorer la qualité de l’air et d’ici 20 à 30 ans, les températures mondiales pourraient se stabiliser », souligne Panmao Zhai, coprésident du groupe de travail du GIEC. Tous les regards sont désormais tournés vers la Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques (COP26) prévue en novembre à Glasgow, en Ecosse, où se réuniront les dirigeants de 196 pays. Un sommet crucial pour ne pas perdre la dernière chance de maîtriser les changements climatiques. Ce sera également l’occasion de dresser le bilan de l’Accord de Paris sur le climat depuis 2015. Cet accord prévoit une baisse des émissions de GES de 45 % en 2030 pour atteindre la neutralité carbone en 2050. C’est-à-dire « l’équilibre entre les émissions de carbone et son absorption de l’atmosphère ».

L’adaptation au climat, un enjeu majeur

S’adapter aux changements climatiques est un enjeu capital dans la lutte contre le dérèglement climatique. Selon le GIEC, l’adaptation au changement climatique est l’ensemble des activités qui, d’une part, limitent les impacts négatifs de ce changement et, d’autre part, favorisent l’accès aux nouvelles possibilités offertes par ce même changement. « Il est très important de placer la question de l’adaptation au centre de l’agenda de la COP26 en raison de ses effets énormes sur les ressources naturelles de nombreux pays. Il faut engager des discussions sur l’économie verte et son rapport avec l’adaptation », a déclaré la ministre de l’Environnement, Yasmine Fouad, avant d’ajouter : « L’Egypte a pris des mesures sérieuses ces dernières années pour s’adapter et atténuer les effets des changements climatiques tant au niveau national que régional et remplir ses engagements envers les accords écologiques internationaux ». L’Egypte est en train d’élaborer sa stratégie relative aux changements climatiques d’ici 2050. La transition vers les énergies renouvelables n’est plus un choix, mais une nécessité. Pour réaliser cet objectif, l’Egypte travaille en vue de diversifier son bouquet énergétique. Elle compte produire 42 % de son électricité à partir de sources renouvelables d’ici 2035. Sur le plan régional, l’Egypte a lancé en 2015 « l’initiative africaine d’adaptation au climat » et a coprésidé avec la Grande-Bretagne une « alliance pour l’adaptation face au changement climatique ».

L’Afrique doit être au coeur des négociations du climat, puisque c’est le continent qui produit le moins d’émissions, mais qui subit les plus grandes conséquences. Selon l’Onu, plus de la moitié des pays africains sont susceptibles de connaître des conflits liés au climat. Faire entendre la voix de l’Afrique sera la mission de l’Egypte qui a été choisie par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, en avril dernier, comme le représentant de l’Afrique pour accueillir la COP27 en novembre 2022. « L’Egypte est déterminée à conduire les efforts internationaux pour transmettre les demandes urgentes des pays africains qui réclament davantage de soutien international à leurs programmes et initiatives nationaux d’adaptation au climat. La COP26 sera également une occasion pour l’Egypte de tenter de coordonner les vues sur les sujets controversés entre les pays en développement et ceux développés », a affirmé la ministre de l’Environnement. « Il n’y a pas de temps à perdre et il n’y a pas de place pour les excuses », a insisté Antonio Guterres, secrétaire général de l’Onu, demandant à ce que la COP26 soit un « succès » après cette alerte rouge pour l’humanité lancée par le GIEC.

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