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La Révolution 8 ans après : La naissance d’une nouvelle République

Aliaa Al-Korachi, Lundi, 28 juin 2021

L’Egypte célèbre ce mercredi le 8e anniversaire de la Révolution du 30 Juin. Une révolution qui a réussi à sauver l’identité nationale, à rétablir la force globale du pays et qui a donné un coup d’envoi à une énorme carte de développement.

La naissance d’une nouvelle République

Un nouveau départ. Au centre de la Nouvelle Capitale administrative se dresse avec grandeur l’« Iconic Tower », la plus haute tour d’Afrique, autour de laquelle se dessine une nouvelle géographie de développement en Egypte. « La Nouvelle Capitale administrative est le projet d’avenir qui marquera après son inauguration la naissance de la deuxième République », a déclaré le premier ministre, Moustapha Madbouli. Tout un symbole. Huit ans après la Révolution du 30 Juin, le visage de l’Egypte a changé. Comment ? Et pourquoi parle-t-on aujourd’hui d’une nouvelle République ? Le terme « nouvelle République » reflète les transformations de fond qu’a connues le pays au cours des 7 dernières années.

Sauver « l’identité nationale égyptienne » et rétablir « la force globale » de l’Egypte à tous les niveaux étaient le moteur de ce dynamisme, comme l’explique Mohamed Mansour, expert au Centre de la pensée et des études stratégiques (ECSS). Le 30 juin 2013, la grogne était à son comble partout en Egypte. Des dizaines de milliers de citoyens sont descendus dans les rues pour dire non au projet de la « frérisation » du pays. Les Egyptiens se révoltent également contre l’incompétence du régime de l’islam politique dans la gestion des affaires de l’Etat et de ses rapports avec le monde. Les indicateurs économiques sont alors au rouge et l’Egypte n’est pas loin des scénarios d’effondrement qui se déroulaient dans la région. Le pays vit les dix jours les plus décisifs de son histoire qui a commencé le 23 juin avec le premier avertissement lancé par les forces armées, proclamant leur « devoir national et moral d’intervenir pour empêcher l’effondrement des institutions de l’Etat ». Le 3 juillet, le pays est en fête après l’annonce de la fin du régime de la confrérie et le lancement « d’une feuille de route » pour une période transitoire, après la passation du pouvoir au président de la Haute Cour constitutionnelle.

Le 8 juin 2014, Abdel-Fattah Al-Sissi est investi président de l’Egypte. Et la bataille de la reconstruction commence. Dans son article intitulé « La gestion de la richesse égyptienne », publié récemment par le journal Al-Ahram, l’écrivain Abdel-Moneim Saïd écrit : « L’un des signes de la Révolution du 30 Juin 2013 c’est qu’elle a choisi de gérer la richesse et non pas la pauvreté à travers une mobilisation continue des ressources humaines et matérielles. Ce qui signifie que le chemin vers la modernité doit passer par un processus difficile et complexe pour développer la richesse égyptienne, non seulement en termes de quantité et de taux de croissance, mais aussi en termes de qualité. C’est ce qui la rend plus durable et plus apte à s’intégrer dans le monde contemporain avec ses avancées technologiques et créatives ».

Une panoplie de chantiers

La naissance d’une nouvelle République

En 2015, l’Egypte lance sa stratégie de développement durable baptisée « La vision Egypte 2030 », visant à « situer l’Egypte parmi les trente premiers pays du monde ». Routes, transport, nouvelles villes, logements, bidonvilles, agriculture, découvertes gazières … Une multitude de méga-projets nationaux a été mise en chantier pour moderniser les infrastructures essentielles de l’Egypte. Pour faire face à la forte croissance démographique, l’Egypte lance un plan de planification urbaine ambitieux visant la création de 30 nouvelles villes de la 4e génération, afin d’augmenter l’espace urbain de 7 à 14 % d’ici à 2050. En 7 ans, l’Egypte bondit de 90 places en passant de la 118e à la 28e place dans le classement mondial des meilleures routes. 7 000 km de nouvelles routes sont réalisés avec un coût de 175 milliards de L.E., alors que 5 000 km d’anciennes routes sont réhabilités.

Sur un autre volet, l’Egypte construit 5 nouveaux aéroports, à savoir les aéroports de la Nouvelle Capitale administrative, Bardawil, Sphinx, Bérénice et Ras Sedr. Autre réalisation, le statut de hub énergétique régional de l’Egypte se consolide grâce à l’accroissement de sa capacité de production d’électricité. En fait, l’Egypte réussit à atteindre l’autosuffisance en électricité après avoir souffert de longues périodes de pénurie. Elle exporte même le surplus de production vers des pays comme la Libye, le Soudan, la Jordanie et bientôt l’Iraq. De même, en 2018, l’autosuffisance en gaz est atteinte grâce au champ Zohr en Méditerranée, mais aussi grâce aux autres champs entrés en production ces dernières années sur toute l’étendue du territoire. D’autres projets ont été réalisés comme le développement du Canal de Suez, le projet national pour le développement du Sinaï, le projet agricole du Nouveau Delta, le projet du Triangle d’or pour faire de cette région une nouvelle capitale industrielle, le projet du plateau Al-Galala avec la construction d’une route principale, d’un complexe touristique et d’une ville nouvelle, la construction d’une centrale nucléaire à Al-Dabaa, etc.

Des réformes économiques réussies

Au lendemain du 30 Juin, les chiffres étaient alarmants après que le taux de croissance économique eut régressé pour atteindre 2 %. Pour redresser l’économie, un programme urgent et ambitieux de réformes économiques est lancé. « Pour assurer la stabilité monétaire et budgétaire et reconstituer son stock de devises étrangères », la Banque Centrale d’Egypte (BCE) décide le 3 novembre 2016 de libérer le taux de change et d’exposer la livre égyptienne à la dynamique de l’offre et de la demande. En un an, ces politiques portent leurs fruits. Fin octobre 2017, la balance des paiements dégage un excédent de 13,7 milliards au cours de l’exercice 2016-2017, contre un déficit de 2,8 milliards de dollars au cours de l’exercice 2014-2015.

Aujourd’hui, et selon nombre d’institutions financières internationales, l’Egypte est sur la bonne voie. Le Fonds Monétaire International (FMI) a annoncé que l’Egypte est le seul pays arabe à avoir enregistré une croissance économique en 2020 malgré la pandémie et a qualifié de « tranchantes » les mesures prises par l’Egypte pour contrôler les répercussions de la crise sanitaire. Selon un rapport publié par la Banque Mondiale (BM) en avril 2020, « le programme national de réforme économique, mis en oeuvre en Egypte depuis 2016, a réussi à maintenir la stabilité macroéconomique, soutenir les niveaux de croissance, dégager un fort excédent du budget primaire, réduire le ratio de la dette au PIB et reconstituer les réserves de change ». Le rapport souligne que le taux de croissance est passé à 5,6 % au cours de l’exercice 2018-2019, un taux qui s’est poursuivi au premier trimestre de l’exercice 2019-2020, contre 5,3 % au cours de l’exercice 2017-2018.

Au niveau de l’industrie, le nombre de nouvelles usines ne cesse d’accroître, comme le souligne Mansour. Depuis 2014, le gouvernement égyptien a lancé un plan de mise en oeuvre de 45 projets avec un coût total de 92 milliards de L.E., y compris la création de 8 cités industrielles, 16 complexes et une zone économique pour les petites et moyennes industries. Parmi les projets exécutés figurent la première phase de la ville d’Al-Robeiki, avec un coût total de 2,2 milliards de L.E., la première phase de Damietta Furniture City, pour un coût total de 1,1 milliard de L.E., et la mise en place de 3 complexes pour les petites et moyennes industries avec un total de 501 usines dans 3 villes : Sadate, Badr et Port-Saïd, avec un coût total estimé à environ un milliard de L.E.

Renforcer sa force de dissuasion

La naissance d’une nouvelle République
L’Egypte multiplie les démarches visant à garantir la réussite du processus politique libyen.

Sur un autre volet, après la Révolution du 30 Juin, l’Egypte a cherché à maximiser sa puissance militaire afin de passer d’une « capacité défensive » à une « capacité de dissuasion stratégique ». Ainsi, depuis 2014, le pays engage une modernisation de ses forces armées pour que l’armée soit prête à tout moment à faire face aux défis sur tous les fronts stratégiques. Diversifier les sources d’armement et se doter d’armes modernes sont les principaux points de ce plan. De nouvelles bases militaires ont été construites, telles que la base de Mohamad Naguib, la plus grande de la région arabe, et les bases de Bérénice et de Sidi Barrani.

D’après le Global Fire Power Index 2021 pour le classement des armées les plus puissantes, l’armée égyptienne a réalisé un progrès notable, occupant la première place au niveau arabe et la 9e place à l’échelle mondiale. Selon le président, « l’armée égyptienne est parmi les plus puissantes mais c’est une armée rationnelle. Elle protège plutôt qu’elle ne menace ». Par ailleurs, le développement des capacités de l’armée et de la police contribue largement à la réduction du nombre des opérations terroristes en Egypte. L’année 2015 fut l’apogée des actes terroristes en Egypte avec plus de 650 attentats. Ce nombre a baissé progressivement pour atteindre 200 attentats en 2016, 50 en 2017, 8 en 2018 et 2 en 2019. De même, le ministère de la Production militaire a élaboré un plan global pour augmenter les capacités d’industrialisation des armes et des équipements d’un montant de 7,3 milliards de L.E. L’armée égyptienne joue également un rôle important dans le processus de développement et dans le soutien de l’économie égyptienne, et ce, à travers sa participation dans la mise en oeuvre d’un certain nombre de méga-projets.

Une diplomatie active et équilibrée

Autre volet. La diplomatie égyptienne a réussi, depuis 2014, à renforcer le rôle de l’Egypte aux niveaux régional et international. Le Caire, adoptant des positions constantes envers les crises du Moyen-Orient, devient le médiateur incontournable dans la région. La médiation égyptienne réussit à parvenir à un accord de cessez-le-feu entre les factions palestiniennes et Israël en mai 2021. Le Caire joue également un rôle central dans la conclusion de l’accord de cessez-le-feu global en Libye en octobre 2020. Le même mois, elle participe au processus de paix de Juba au Soudan du Sud. Sans oublier le soutien politique que l’Egypte apporte à la transition politique au Soudan ou pour régler la crise politique libanaise. « La vision de l’Egypte dans ses relations étrangères est fondée sur la coopération, la coordination, la diversité, l’équilibre, le rejet des complots et des ingérences dans les affaires internes des pays et la préservation des intérêts de l’Etat et de la sécurité nationale égyptienne », comme la définit le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri. Cette stratégie a porté ses fruits : l’Egypte a été élue pays membre non permanent du Conseil de sécurité de l’Onu en octobre 2015. L’Egypte a également présidé le Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité, et grâce à la diplomatie égyptienne, l’Egypte était également chef du Comité des chefs d’Etat et de gouvernement africains sur le changement climatique (CAHOSCC) et membre du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.

La reconstruction de l’Etat est ainsi bel et bien en train d’être finalisée. L’Egypte entame aujourd’hui une nouvelle phase, celle d’une nouvelle République.

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