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Economie verte : Le pari gagnant du futur

Racha Darwich, Lundi, 21 juin 2021

L’Egypte se lance dans un plan ambitieux pour la transformation vers l’économie verte. Malgré les défis, les chances sont énormes.

Economie verte : Le pari gagnant du futur
La centrale solaire de Benban est la plus grande au monde avec une capacité de production de 1 465 mégawatts.

« Les étapes de la transformation vers une économie verte ont commencé par la rationalisation de la consommation des ressources naturelles, en accordant la priorité aux modes de production et de consommation durables et aux normes de durabilité environnementale ». Tels étaient les propos du premier ministre, Moustapha Madbouli, la semaine dernière, lors du troisième forum des stratégies pour la transformation à l’économie verte « Finance durable et investissement vert », prononcés en son nom par la ministre de l’Environnement, Yasmine Fouad, en présence de grandes entreprises du secteur privé, d’organisations de la société civile, d’organisations internationales, du secteur bancaire et d’un certain nombre de partenaires au développement. Le premier ministre a ainsi souligné les mesures sérieuses adoptées par l’Etat au cours des dernières années pour traduire en projets concrets le concept de l’économie verte, y compris l’amélioration de la qualité de vie des citoyens et la réalisation de la justice sociale en tenant compte des dimensions environnementales. Bien que l’Egypte n’ait commencé à adopter la transformation vers l’économie verte qu’en 2016, elle a réalisé de grands pas sur cette voie. En effet, c’est en 2016 que l’Egypte a lancé sa stratégie nationale de l’économie verte en marge de la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement tenue au Caire, au cours de laquelle les ministres africains avaient appelé à l’élaboration d’une vision de développement claire pour l’Afrique à la lumière de l’Agenda 2030 du développement durable et de l’Accord de Paris.

La notion de l’économie verte elle-même est assez récente. En 2010, l’Onu définit l’économie verte comme étant l’activité économique « qui entraîne une amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie de ressources ». De manière pratique, l’économie verte est l’économie qui garantit un développement durable sans porter atteinte à l’environnement. « En fait, la notion de l’économie verte est apparue lorsque les taux de pollution, la surexploitation des ressources naturelles et le réchauffement climatique ont commencé à représenter un danger pour l’avenir des générations futures. Pendant des décennies, la seule préoccupation de l’humanité était l’investissement et le développement sans aucune pensée pour les conséquences sur l’avenir de la planète », explique l’économiste Ahmad Chadi.

Projets grandioses

Selon les chiffres publiés par le Conseil des ministres, le portefeuille des projets verts de l’Egypte a atteint, jusqu’en septembre 2020, 1,9 milliard de dollars dont 16 % dans le domaine de l’énergie renouvelable, 19 % dans le domaine des transports propres, 26 % dans le domaine de l’eau et du drainage sanitaire et 39 % dans le domaine de la réduction de la pollution, alors que 14 % du total des investissements publics sont consacrés aux projets verts dans le budget de 2020-2021. Le coût de l’exécution de 691 projets verts atteint 447,3 milliards de L.E. dans le plan de l’exercice financier de 2020-2021. Ces projets sont essentiellement axés autour des énergies renouvelables, des transports propres, du traitement des eaux usées, du dessalement des eaux de mer et de la gestion des déchets tels que le biogaz, la réduction de l’utilisation des sacs en plastique, le recyclage de la paille de riz et des déchets électroniques.

Selon le rapport des Prévisions de l’énergie solaire 2020, l’Egypte est devenue, grâce aux politiques adoptées dans le domaine des énergies renouvelables, un pays pionnier au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, au niveau des politiques et des mesures de la transformation vers l’économie verte. En effet, l’Egypte possède la plus grande centrale solaire au monde à Assouan, Benban, avec des investissements de 2 milliards de dollars et une capacité de production de 1 465 mégawatts. Elle exécute le projet de la centrale pompage-turbinage de Attaqa avec un coût de 2,7 milliards de dollars et une capacité de production de 2 400 mégawatts et elle a signé un accord de 4,3 milliards de L.E. pour exécuter un parc d’énergie éolienne dans le golfe de Suez avec une capacité de production de 250 mégawatts. « Notre objectif est que les énergies renouvelables atteignent 42 % de l’équation énergétique d’ici 2035 », précise le ministre du Pétrole et des Ressources minérales, Tarek El-Molla.

Energie, transport, eau et drainage sanitaire

« L’Egypte accorde depuis quelques années un intérêt particulier aux énergies renouvelables car son projet national est de devenir un hub énergétique et d’exporter l’électricité. Nos ressources en pétrole et en gaz naturel ne sont pas suffisantes. Partant, tous les investissements dans les énergies renouvelables servent cet objectif », explique Ahmad Chadi. Par ailleurs, l’Egypte a amendé sa stratégie des énergies renouvelables 2035 pour y introduire l’élément de l’hydrogène vert dans la production de l’électricité (voir page 3). Dans ce contexte, depuis la promulgation de la loi de l’énergie renouvelable n°203 pour l’année 2014, l’Etat a commencé à encourager le secteur privé à se lancer dans le domaine de l’énergie renouvelable pour contribuer à l’exécution de la stratégie de la transformation vers l’économie verte. Le parc solaire de Benban est d’ailleurs le fruit de la coopération entre l’Etat, le secteur privé et les institutions internationales de financement.

Economie verte : Le pari gagnant du futur

Dans le domaine des transports verts, l’Egypte exécute actuellement un réseau de trains électriques rapides de 7 lignes d’une longueur de 2 000 km et d’un coût total de près de 23 milliards de dollars, ainsi que 2 lignes de monorail (la Nouvelle Capitale, la cité du 6 Octobre) d’un coût de 2,7 milliards d’euros. En outre, un large projet de remplacement et de recyclage des voitures a été entamé en coopération avec le secteur privé, des banques commerciales et des compagnies d’assurance afin d’augmenter le nombre de véhicules fonctionnant au gaz naturel. Selon les chiffres du ministère du Pétrole, 42 000 véhicules ont été convertis au gaz naturel en 2020, alors que ce chiffre devrait passer à 75 000 à 100 000 voitures par an.

« L’économie verte vient résoudre les problèmes du pays. Face à la croissance démographique galopante, la pénurie d’eau s’accentue de jour en jour en Egypte. Mais le dessalement des eaux de mer et le traitement des eaux usées sont à même de couvrir les besoins hydriques de l’Egypte », explique l’économiste Ahmad Chadi. En effet, l’Egypte possède la plus grande station de traitement des eaux agricoles au monde au Sinaï : la station d’Al-Mahmassa qui, avec sa capacité d’un million de m3 d’eau par jour, permet d’irriguer 70 000 feddans. L’Etat s’est également élargi dans les projets de traitement des eaux du drainage sanitaire et de dessalement des eaux de mer comme les stations de traitement des eaux usées de Bahr Al-Baqar d’une capacité de 5,6 millions de m3/jour, d’Al-Gabal Al-Asfar d’une capacité de 3,5 millions de m3/jour et la station de dessalement d’Al-Alamein d’une capacité de 150 000 m3/jour.

Dans le cadre du projet de la gestion durable des déchets organiques, 6,7 millions de dollars ont été dépensés de juillet 2014 à juin 2020 pour le traitement des déchets organiques. Des projets ont également été exécutés pour la réduction de l’influence des changements climatiques et la protection de la couche d’ozone d’un coût de 42,1 millions de dollars, alors que le financement du programme national de la gestion des déchets solides a atteint 77,9 millions d’euros. Dans ce contexte, le ministère de l’Environnement a déclaré que l’année 2020 avait été une année spéciale sur la voie de la gestion des déchets. En effet, au cours de cette année a été promulguée la première loi de l’organisation et la gestion des déchets en Egypte après que le ministère de l’Environnement eut effectué toutes les études, les discussions et les arrangements nécessaires pour garantir la durabilité et l’efficacité du système de gestion des déchets en Egypte. « Le nouveau système de gestion des déchets solides est un projet national qui tient compte de la transformation vers l’économie verte, dans le but d’établir 80 sites d’enfouissement, 60 usines de recyclage des déchets et 120 usines intermédiaires à l’échelle nationale », a précisé le premier ministre au cours du forum.

Quels enjeux ?

Malgré tous les progrès réalisés, la transformation totale vers l’économie verte n’est pas toujours facile. Les défis sont énormes. « L’intégration de la dimension environnementale dans les secteurs du développement est le plus grand défi auquel est confrontée la transformation vers l’économie verte à l’échelle mondiale. Raison pour laquelle l’idée de combiner le développement rapide de l’Etat avec les dimensions environnementales a toujours figuré en tête des priorités du Conseil des ministres au cours des dernières années », a précisé le premier ministre dans son allocution. En effet, ce transfert nécessite un cadre organisationnel clair, des sources de financement à long terme, des partenariats solides entre les gouvernements et les institutions internationales de financement et surtout, un engagement du gouvernement. « Le coût de la transformation à l’économie verte est élevé car le seuil de rentabilité de l’économie verte est faible au présent, fort au futur. Par exemple, le seuil de rentabilité des stations d’énergie solaire est de 7 ans, alors que celui des stations de génération de l’électricité à partir des combustibles fossiles est de 2 ans seulement. Cependant, à l’avenir, c’est l’inverse. Le rendement des stations solaires est très grand par rapport aux dépenses qui se limitent à l’entretien des panneaux solaires, alors que les dépenses des stations à combustibles fossiles demeurent grandes à cause de l’utilisation permanente des combustibles et l’usure des machines et des équipements. Mais l’Etat égyptien a décidé d’assumer le coût élevé de ce transfert à l’heure actuelle pour en cueillir les fruits à l’avenir », explique Ahmad Chadi. Et d’ajouter : « C’est la raison pour laquelle l’Egypte a émis pour la première fois les obligations vertes en octobre dernier, premier pays à le faire au Moyen-Orient et en Afrique. Le ministère des Finances a émis les obligations vertes d’un montant de 750 millions de dollars sur 5 ans avec un taux d’intérêt de 5,25 % après avoir reçu des demandes d’achat de plus de 3,7 milliards de dollars. Auparavant, les investisseurs craignaient de se lancer dans les projets verts. Mais les choses commencent à changer. Je pense même que l’économie verte connaîtra un intérêt croissant au cours des prochaines années », conclut Ahmad Chadi.

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