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La nouvelle dynamique du partenariat égypto-libyen

Aliaa Al-Korachi, Lundi, 26 avril 2021

Accompagné d’une importante délégation, le premier ministre, Moustapha Madbouli, était à Tripoli le 20 avril où il a signé plusieurs mémorandums d'entente. Objectif : soutenir la réconciliation et favoriser le développement dans ce pays. Explications.

La nouvelle dynamique du partenariat égypto-libyen

11 accords et protocoles de coopération. Tel est le bilan de la visite du premier ministre, Moustapha Madbouli, en Libye le 20 avril, durant laquelle il était accompagné de 11 ministres. Cette visite, la première du genre depuis 2010, était d’une grande importance sur les plans économique, politique, social et sécuritaire. « Notre visite est un message clair qui affirme le soutien de l’Egypte à la stabilité et au développement en Libye », a déclaré Madbouli, après une séance de pourparlers élargie avec son homologue libyen, Abdel-Hamid Dbeibah, au cours de laquelle des mémorandums d’entente ont été signés dans différents domaines : infrastructures, transport, énergie, santé et éducation. Et d’ajouter : « L’Egypte est pleinement prête à transmettre à la Libye son expertise dans tous les domaines de développement ». En fait, le Forum de Dialogue Politique Libyen (FDPL) avait élu, le 5 février, sous les auspices des Nations-Unies, une autorité exécutive intérimaire unifiée, mettant fin à plusieurs années de division politique en Libye. Celle-ci comprend un gouvernement dirigé par Abdel-Hamid Dbeibah et un Conseil présidentiel présidé par Mohamed Al-Menfi. « Nous avons ouvert la porte et vous êtes les premiers invités à entrer », a déclaré le premier ministre libyen, en s’adressant à la délégation égyptienne, avant d’ajouter : « Les circonstances politiques, économiques et sécuritaires dans la région exigent que nous concluions des partenariats stratégiques dans divers domaines ». Les deux parties ont également convenu de fixer une date précise à la reprise des travaux du Haut Comité mixte égypto-libyen au cours des prochaines semaines, et ce, pour la première fois depuis leur suspension en 2009. A la fin de la visite, le premier ministre a invité son homologue libyen à visiter l’Egypte. Cette visite s’inscrit dans le contexte favorable d’un règlement global qui fraie la voie à la reconstruction de la Libye.

Une reconstruction dont le coût, selon des estimations, pourrait dépasser les 100 milliards de dollars (voir page 3). Selon beaucoup d’observateurs, cette visite confirme la volonté de l’Egypte de consolider les bases de l’Etat-nation en Libye. « Le rétablissement de la stabilité en Libye est vital pour la sécurité nationale égyptienne. Il faut donc redoubler d’efforts pour achever la mise en oeuvre de la feuille de route à l’élaboration de laquelle l’Egypte a activement participé », explique Hassan Salama, politologue. Le soutien de l’Egypte au peuple libyen ces dernières années, pour régler la crise libyenne et réaliser la réconciliation entre les Libyens, n’a jamais été interrompu, et ce, via la Déclaration du Caire annoncée en juin 2020 et l’accueil, à Hurghada, du comité militaire commun en septembre 2020. « L’Egypte entend continuer à jouer ce rôle dans l’avenir afin de favoriser le passage en Libye de la phase de transition à celle d’une stabilité politique et sécuritaire durable », explique Salama. En outre, le partenariat égypto-libyen est vital pour « accélérer la reconstruction en Libye, maintenir le cessez-le-feu et mettre en oeuvre les résultats de la Conférence de Genève qui exige le départ des mercenaires hors du territoire libyen, ainsi que l’unification des institutions nationales libyennes dans les domaines politique, économique et militaire », ajoute Salama. Selon Mohamad Chadi, expert économique, la Libye, pays pétrolier riche, offre des opportunités d’investissement prometteuses pour les entreprises égyptiennes. « La Libye a besoin de l’expérience égyptienne pour retrouver sa vitalité économique et son rôle politique », ajoute l’expert.

La déclaration commune publiée à l’issue de cette visite est « un document stratégique » qui met l’accent sur plusieurs principes, comme la sécurité nationale commune, la création d’un organe de sécurité commun pour lutter contre le terrorisme, la reprise du processus d’unification de l’institution militaire libyenne, la neutralisation des ingérences régionales et internationales et le lancement d’un programme de partenariat à plusieurs dimensions.

Un partenariat à multiples facettes

La signature de 11 mémorandums d’entente représente un bon départ pour un partenariat à multiples facettes entre les deux pays. Selon Chadi, l’Egypte jouera un rôle majeur dans la reconstruction de la Libye après la reprise officielle et effective des relations diplomatiques, économiques et politiques. Sur le plan diplomatique, un accord pour rouvrir les missions diplomatiques égyptiennes dans la capitale, Tripoli, et à Benghazi dans les deux semaines à venir a été conclu. « Nous avons convenu de la reprise des vols directs entre les aéroports libyens et égyptiens, ainsi que du renforcement de la présence diplomatique des deux pays, grâce à la réouverture de l’ambassade d’Egypte à Tripoli fermée depuis 2014, et ce, après l’Aïd Al-Fitr », a précisé Dbeibah. De son côté, Madbouli a déclaré : « Le ministère de l’Aviation égyptien a ordonné que toutes les mesures nécessaires soient prises afin d’accueillir les vols en provenance de Libye à l’aéroport du Caire », et ce, après un arrêt de près d’un an. Sur le plan économique, cette visite a été également fructueuse. « Nous nous sommes accordés sur nombre de méga-projets dans les domaines de l’électricité, de l’énergie, des télécommunications et des infrastructures », a précisé Madbouli. De son côté, le premier ministre libyen a demandé à l’Egypte de soutenir la Libye, en prenant des mesures urgentes pour le retour des travailleurs égyptiens et en facilitant le déplacement entre les deux pays. « La période à venir verra une grande contribution égyptienne au processus de reconstruction en Libye », estime l’ambassadeur Gamal Bayoumi, secrétaire général de l’Union des investisseurs arabes.

Par ailleurs, la délégation égyptienne a déclaré avoir l’intention de tenir une exposition de produits égyptiens à Benghazi et d’organiser un forum pour les hommes d’affaires des deux pays. En fait, les échanges commerciaux entre les deux pays ont chuté ces dernières années, de 2,5 milliards de dollars en 2010 à environ 500 millions de dollars en 2018. Le montant des exportations égyptiennes est tombé à 241 millions de dollars à la fin de l’année dernière, contre environ 1 milliard de dollars en 2014. « Les entreprises égyptiennes dans tous les secteurs sont prêtes à saisir les opportunités à venir, une fois que les plans et les priorités de reconstruction en Libye seront annoncés », affirme Nasser Bayan, président de l’Association égypto-libyenne des hommes d’affaires (voir entretien page 3).

Retour des travailleurs égyptiens

Le retour des travailleurs égyptiens a été au centre des discussions. Les deux parties ont convenu de mettre en place dès que possible « les mesures nécessaires pour réglementer le travail de la main-d’oeuvre égyptienne, ainsi que le recours aux entreprises égyptiennes, surtout dans les secteurs de l’électricité, des infrastructures, du logement et du transport ». Le ministre libyen du Travail et le ministre égyptien de la Main-d’oeuvre ont signé à la mi-mars un accord pour faciliter les procédures d’entrée des travailleurs égyptiens en Libye. L’Union des travailleurs libyens vient d’annoncer que les travailleurs égyptiens auront la priorité dans le processus de reconstruction. L’Egypte a toujours fourni à la Libye la main-d’oeuvre nécessaire à la construction. Celle-ci bénéficie de la proximité géographique et du coût bas des transports, et partage plusieurs valeurs avec la population libyenne. Avant 2010, environ 3 millions d’Egyptiens travaillaient en Libye, mais ce chiffre a beaucoup diminué pour atteindre 250 000 travailleurs seulement en 2020. Ainsi, selon des estimations, la reconstruction en Libye nécessiterait environ 3 millions de travailleurs qualifiés. La Fédération égyptienne des chambres de commerce a annoncé la création d’une commission chargée de gérer l’inventaire des projets de reconstruction en Libye et de fournir les informations nécessaires aux entreprises égyptiennes.

Par ailleurs, la Compagnie égyptienne de transport d’électricité étudie actuellement la possibilité d’augmenter le potentiel de la ligne d’interconnexion électrique entre l’Egypte et la Libye d’une capacité de 240 mégawatts, pour atteindre 500 mégawatts. L’Egypte dispose d’une réserve quotidienne dans le réseau national d’électricité estimée à 15 000 mégawatts, alors que la Libye produit 4 250 mégawatts d’électricité et en consomme 6 750 mégawatts. Elle a donc actuellement un déficit de production d’environ 2 500 mégawatts. Le président Sissi a clairement indiqué que « l’Egypte dispose d’un excédent d’électricité par lequel elle peut aider la Libye ... Nous pouvons lui exporter entre 1 000 et 2 000 mégawatts, selon ses besoins, et pouvons faire de même avec le Soudan, la Jordanie et l’Iraq ». Lors de cette visite, les deux parties ont convenu de procéder au renforcement des lignes de connexion et de finaliser les travaux de maintenance le plus tôt possible afin de garantir leur fonctionnement.

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