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Chronique d’une semaine pleine de défis

Racha Darwich, Mardi, 30 mars 2021

Le renflouement de l’Ever Given a nécessité détermination et volonté de la part des hommes du Canal de Suez. Retour, jour par jour, sur une semaine riche en péripéties.

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Mardi 23 mars :

Au petit matin, le MV Ever Given, un porte-conteneurs géant long de 400 mètres et large de 59 mètres, en provenance de Chine et à destination de Rotterdam, franchit l’entrée sud du Canal de Suez alors qu’une tempête de sable bat son plein. A 7h45, le navire s’échoue sur la largeur du canal à la marque 151 km du canal, empêchant donc tout trafic. L’incident est d’abord signalé par Julianna Cona, une internaute qui se trouve à bord du Maersk Denver, navire bloqué derrière l’Ever Given : « Un navire devant nous s’est échoué alors qu’il franchissait le canal et il est maintenant bloqué en travers ».

Un comité de gestion des crises est aussitôt formé sous la direction du président de l’Autorité du Canal de Suez (SCA), l’amiral Osama Rabie. Remorqueurs, dragues et bulldozers sont aussitôt mis à l’oeuvre pour tenter de libérer l’énorme navire. Objectif : briser des rochers et creuser la berge pour dégager le navire.

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Mercredi 24 :

Le navire ne semble pas avoir bougé d’un pouce alors que les efforts se poursuivent. D’une part et d’autre du canal, la queue des navires en attente se prolonge. Les marchés sont déjà préoccupés : le cours du pétrole monte jusqu’à plus de 5 % aux Bourses de New York et de Londres.

Jeudi 25 :

Le matin, la SCA annonce la suspension temporaire de la navigation dans le canal alors que les efforts se poursuivent pour la troisième journée consécutive pour débloquer le navire. Egalement dans la matinée, la société japonaise Shoei Kisen Kaisha révèle qu’elle est la propriétaire du porte-conteneurs posant problème et présente ses « excuses sincères pour l’inquiétude générée » sur son site Internet, qualifiant l’opération de renflouage du bateau d’« extrêmement difficile ». Elle précise que l’incident n’a fait aucun blessé au sein de l’équipage et qu’aucune fuite de carburant n’a été détectée.

Dans l’après-midi, on apprend que la société propriétaire du navire a embauché les services d’une compagnie néerlandaise de sauvetage, Smit Salvage, connue pour avoir participé à de grandes opérations de sauvetage ces dernières années. Smit Salvage tient une réunion avec le comité de gestion de crises de la SCA pour discuter des moyens de renflouage du navire et proposer les scénarios possibles comme le dragage autour du navire à l’aide des dragues de la SCA. La compagnie néerlandaise présente ses conseils techniques à l’organisme de sorte que ce sont les unités maritimes de la SCA qui agissent. Commencent alors les travaux de dragage avec les deux dragues Machhour et le 10 Ramadan. En parallèle, se poursuivent les efforts de retirer le sable autour de l’étrave du navire alors que 9 remorqueurs, avec en tête les remorqueurs Baraka 1 et Ezzat Adel, d’une puissance de 160 tonnes chacun, continuent les travaux de remorquage. L’objectif : retirer entre 15 000 et 20 000 mètres cubes de sable autour de l’étrave pour atteindre une profondeur de 12 à 16 mètres et remettre le navire à flot. A ce stade, la SCA estime que 87 % du processus de retrait du sable a été effectué par les dragues. Par ailleurs, l’Egypte reçoit plusieurs propositions d’aides internationales, dont celle des Etats-Unis.

Vendredi 26 :

Au soir, la SCA annonce le début des manoeuvres de renflouage du navire par le biais de 9 remorqueurs géants, menés par Baraka 1 et Ezzat Adel, confirmant que le succès des manoeuvres dépend de plusieurs facteurs comme la direction du vent et la marée, ce qui en fait une opération technique complexe. Mais cette première tentative de renflouage échoue.

Samedi 27 :

Le président de la SCA, l’amiral Osama Rabie, organise une conférence de presse pour expliquer les dernières évolutions des efforts de renflouage, précisant que le nombre de navires en attente a atteint 321 navires. De plus, il explique que la stratégie de renflouage de la SCA se base sur 3 principales étapes, l’utilisation des remorqueurs pour tirer le navire, puis le dragage avec l’utilisation des dragues de la SCA pour revenir aux manoeuvres de tirage et de poussée. Enfin, l’allégement du poids du navire en retirant des conteneurs, un processus difficile et long. Les manoeuvres se poursuivent.

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Dimanche 28 :

Les efforts de renflouage se poursuivent. Le dragage se poursuit pendant la journée, alors que les manoeuvres de tirage et de poussée sont effectuées selon les circonstances de la marée et les directions du vent. Le dragage via la drague Machhour atteint ce jour-là 27 000 m3 de sable, pour arriver à une profondeur de 18 mètres. Douze remorqueurs oeuvrent désormais dans 3 directions différentes. Les remorqueurs Baraka 1 et Ezzat Adel tirent l’avant du navire, alors que 6 remorqueurs poussent l’arrière du navire vers le sud et 4 autres tirent l’arrière du navire vers le sud. Par la suite, 2 nouveaux remorqueurs, surnommés Abdel-Hamid Youssef et Mostafa Mahmoud, rejoignent les manoeuvres de tirage après leur construction dans l’arsenal maritime de Port-Saïd avec une puissance de 70 tonnes.

Lundi 29 :

Au petit matin commencent les manoeuvres de poussée du navire à l’aide de 10 remorqueurs géants oeuvrant dans 4 directions différentes. Pour la première, le remorqueur néerlandais APL GUARD, d’une puissance de 285 tonnes, arrivé dimanche soir, prend part aux travaux. Dans la matinée, l’amiral Osama Rabie annonce que l’Ever Given « a été renfloué avec succès. Ce résultat est le fruit de manoeuvres de poussée et de remorquage réussies qui ont permis de rétablir le cap du navire de 80 %, la poupe se trouvant désormais à 102 mètres de la rive du canal au lieu de 4 mètres avant le renflouement ». De nouvelles opérations se déroulent dès que la marée haute atteint les 2 mètres vers 11h30. Le fait qui permet de rétablir complètement la direction du navire et de le positionner au milieu de la voie navigable. Les quelque 360 navires en attente commencent, progressivement, à poursuivre leur navigation. La SCA estime à trois jours et demi le temps de désengorgement et donc d’un retour à une fluidité normale du trafic.

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