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Cité de l'or : un rêve qui se concrétise

Nada Al-Hagrassy et Ola Hamdi, Mardi, 16 février 2021

Le projet de créer une cité de l'or en Egypte vise à relancer le commerce du métal précieux, à booster le secteur minier et à optimiser l’exploitation des réserves dans ce secteur. Explications.

Cité de l
L’Egypte possède 7 % des réserves mondiales d’or.

Activité intense au sein du Conseil des ministres et d’un certain nombre de ministères. La raison ? On est occupé à mettre en oeuvre les directives du président de la République de construire une cité intégrale à la pointe de la technologie pour accueillir l’artisanat et le commerce de l’or en Egypte. Toute l’industrie de l’or serait ainsi réunie en un seul lieu. La cité en question dont la localisation reste encore à définir sera conçue sur une superficie de 150 feddans. Elle accueillera quelque 400 ateliers d’orfèvrerie et 150 ateliers d’apprentissage pour former les artisans aux techniques les plus sophistiquées. La cité englobera également des services relatifs à l’industrie de l’or comme l’estampage. Des salles d’exposition seront également ouvertes tout au long de l’année, ainsi qu’un musée de l’or et un centre logistique. Elle englobera de même une école pour les formateurs, un club sportif, une mosquée et une église pour les habitants de la cité. Car une partie de la ville sera destinée à l’hébergement des ouvriers. « Cette cité a une grande importance », explique l’économiste Ali Al-Idrissi. « Outre les emplois directs et indirects créés, la cité va permettre d’augmenter la production des bijoux en or, et donc d’augmenter la contribution de l’industrie de l’or au Produit Intérieur Brut (PIB) et au taux de croissance économique. La production sera d’une grande qualité, compte tenu de la présence de centres de formation au sein même de la cité », ajoute l’expert.

Samah Nabil, consultante auprès du Conseil mondial de l’or, explique que cette cité va permettre d’exporter l’orfèvrerie égyptienne à l’étranger. « Les ateliers actuels seront transformés en véritables usines spécialisées dotées des derniers moyens technologiques. Des capitaux et de l’expertise étrangère seront recueillis au profit de l’industrie égyptienne », ajoute Nabil.

En fait, un protocole a été signé en 2019 entre le ministère de l’Education et le groupe Egypt Gold afin de créer la première école sur l’industrie de l’or en Egypte baptisée Egypt Gold. Située à la ville d’Al-Obour, dans le gouvernorat de Qalioubiya, cette école délivrera aux étudiants des certificats accrédités. La durée des études y sera de 3 ans. « Cette école est un rêve devenu réalité. L’objectif est d’augmenter le nombre d’artisans hautement qualifiés, car nous voulons être un centre éducatif régional spécialisé dans l’industrie de l’or et des bijoux », affirme Moustapha Nassar, président du groupe Egypt Gold.

La place de l’Egypte

En 2019, la société publique Chalatine pour les ressources minières a mis au jour la plus grande mine d’or jamais découverte jusqu’ici située dans la région d’Ikat dans le désert oriental. L’or de cette mine a un degré de pureté de 95 %. « L’objectif au cours des cinq premières années est de purifier un million d’onces d’or qui iront au Trésor public », explique Nagui Farag, conseiller du ministre de l’Approvisionnement et du Commerce intérieur. Selon le Conseil mondial de l’or, le marché égyptien a consommé, en 2018, 27,2 tonnes d’or dont 24,6 tonnes sous forme de bijoux et 2,6 tonnes sous forme de lingots et de livres. En 2020, la consommation de l'Egypte en or s'est élevée à 55 tonnes. Toujours selon le Conseil mondial de l’or, l’Egypte possède 7 % des réserves mondiales d’or avec 78,8 tonnes. Elle occupe la 40e place au niveau mondial et la 7e au niveau arabe.

« Pourtant, l’Egypte importe de l’or et cela coûte à l’Etat 600 millions de dollars chaque année », explique Nagui Farag. L’or est un bon investissement pour les individus et une valeur importante pour le Trésor public, car il augmente les réserves de la Banque Centrale. En fait, l’Egypte possède des réserves de l’ordre de 45 millions d’onces pures d’or réparties sur plusieurs zones, notamment dans les mines de Wadi Al- Alaqi au sud d’Assouan, celles de Wadi Hemch, la région du Triangle d’or, la région d’Al-Sokkari, où se trouve la très célèbre mine d’Al-Sokkari à Halayeb et Chalatine dont le roi Farouq avait arrêté l'exploitation dans les années 1940 pour préserver ses richesses et les garder pour les futures générations.

En dépit des réserves significatives d’or, l’Egypte n’avait pas de présence significative sur le marché de l’or au cours de la dernière décennie en raison des taxes élevées sur les exportations des bijoux en or et de pierres précieuses, ce qui augmente considérablement leurs prix et les rend moins concurrentiels sur le marché international. Ce n’est qu’à partir du début 2020 et en dépit de la pandémie de Covid-19 que les exportations égyptiennes en or et en pierres précieuses ont enregistré une augmentation significative de 76 % rapportant 2,4 milliards de dollars durant les 9 premiers mois de l’année 2020, contre 1,392 milliard de dollars durant la même période de l’année 2019.

Investir dans l’or

L’idée de fonder cette cité globale est de profiter des richesses en or, de consolider l’économie et d’attirer les investissements étrangers. L’Etat veut attirer les investissements étrangers dans le secteur minier pour atteindre 375 millions de dollars au cours des deux prochaines années et augmenter les investissements attendus en 2030 à 700 millions de dollars.

Pour atteindre cet objectif, l’Egypte a promulgué en 2020 une nouvelle loi qui régit la richesse minière. « La nouvelle loi a réussi à créer un climat d’investissement attractif dans le domaine des richesses minières. Notre stratégie de développement du secteur minier vise à tirer le maximum de profit économique des richesses minérales de l’Egypte et à obtenir une valeur ajoutée, grâce à l’exploitation des minerais dans les industries manufacturières, qui se caractérisent par leur grand rendement économique », souligne Tarek El-Molla, ministre du Pétrole et des Ressources minières. En outre, cette nouvelle loi a tenu compte des dernières évolutions dans la prospection de l’or et a tenu à séparer le droit de chercher l’or de celui de son exploitation, comme l’indique Hamdi Abdel-Aziz, porte-parole du ministère du Pétrole et des Ressources minières. Les efforts de l’Etat ont porté leurs fruits. 23 sociétés locales et multinationales ont exprimé leur intention de profiter de ce changement majeur dans la stratégie de l’Egypte, telles Barrick Gold, Australian Centamin et La Mancha Mining Group. 17 ont offert, à leur tour, leurs plans de travail et après des études minutieuses, 11 d’entre elles ont effectivement gagné l’offre et sont désormais autorisées à exploiter 82 secteurs répartis sur une superficie de 14 000 km2 dans le désert oriental. Le montant des investissements est de l’ordre de 60 millions de dollars.

Que disent les bijoutiers ?

Par ailleurs, les bijoutiers, à leur tour, ne cachent pas leur enthousiasme vis-à-vis de ce projet qui « peut résoudre d’énormes problèmes ». Pour Ahmad Al-Sayed, bijoutier depuis 30 ans, cette nouvelle cité est « une très bonne étape que nous attendions depuis longtemps ». « Il existe un certain nombre d’usines privées dans l’industrie de l’or à Al-Obour, mais leur production se limite à certains modèles, j’ai donc été obligé d’importer de l’or de Turquie et d’Italie pour que je puisse proposer à mes clients des pièces d’or différentes et de haute qualité. Dans la cité de l’or, nous avons besoin d’usines de haute technologie comparables à celles des pays développés, car il faut arrêter d’importer l’or », propose Ahmad Al-Sayed. Afin de profiter pleinement de l’industrie de l’or, George Wahib Philips, bijoutier et chef de la branche de l’orfèvrerie de l’or à la Chambre de commerce en mer Rouge, estime nécessaire de fonder une grande usine centrale qui englobe toutes les étapes essentielles à la fabrication de l’or, à commencer par sa séparation des autres métaux au lieu de faire cette opération à l’étranger. « Ainsi, nous économiserons des devises et réduirons les prix. Nos produits seront en outre plus concurrentiels sur le marché international », conclut-il.

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