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Les dessous de la construction du Haut-Barrage

May Al-Maghrabi, Mardi, 19 janvier 2021

Plus important projet du siècle en Egypte, le Haut-Barrage est le témoin d’une nouvelle ère pour le pays, mais aussi un révélateur des tensions qui existaient alors dans cette région du globe.

Ce gigantesque projet a été exécuté pendant 11 ans par les mains de 34 000 ouvriers égyptiens et 400 experts soviétiques dans un contexte politique crispé. Le coût total de la construction du Haut-Barrage était d’un milliard de dollars, dont l’Union soviétique a assumé le tiers, alors que le reste fut prélevé à même les bénéfices engendrés par la nationalisation du Canal de Suez. Un premier projet d’accord est signé avec les Etats-Unis fin 1955 et le Royaume-Uni promet d’être partie prenante. Les Etats-Unis proposent 50 millions de dollars et suggèrent que le reste soit fourni par la Banque mondiale. Mais l’hostilité de Nasser, héraut du panarabisme et du mouvement des non-alignés, au « pacte de Bagdad », une alliance régionale impulsée par Washington et Londres qui vise à endiguer l’influence de Moscou dans la région, et l’adhésion de l’Egypte à la Conférence des non-alignés de Bandung (avril 1955) conduisent les Etats-Unis à retirer en juillet 1956 leur offre de financement. Leur retrait est alors un facteur dans la décision ultérieure de Nasser de nationaliser le Canal de Suez, alors que l’ex-URSS propose aussitôt de financer le projet de Nasser. La nationalisation devait permettre à l’Egypte de profiter des ressources financières ainsi générées pour remplacer le prêt qui lui avait été refusé par la Banque mondiale et les Etats-Unis pour la construction du barrage. Les Egyptiens l’ont salué comme le moment où leur pays a finalement abandonné des décennies de contrôle impérialiste, et Nasser a été qualifié de patriote.

Une décision qui conduirait, trois mois plus tard, à l’attaque anglo-franco-israélienne de1956 contre l’Egypte avant que les Etats-Unis et l’Union soviétique ne leur ont ordonné de se retirer. Ce qui a été perçu dans le monde arabe comme une victoire décisive pour Nasser et le nationalisme arabe. Le 9 janvier 1960, Nasser lance le début des travaux de construction et le 14 mai 1964, Nasser et le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev assistent à la mise en eau du Haut-Barrage. « Ce projet glorieux n’aurait pu voir le jour sans la détermination de l’exécuter en dépit des complots impérialistes tissés pour l’avorter », avait déclaré le président Nasser, rendant hommage à l’URSS, à ses ingénieurs et ouvriers, qui ont collaboré à l’édification du barrage « symbole durable de l’amitié » entre les deux pays. Nasser a salué une aide soviétique « basée sur un principe d’égalité et d’appui amical », alors que l’aide occidentale est « utilisée par les impérialistes pour piller les richesses de ces pays ».

Le 15 janvier 1971, trois mois après la mort de Nasser, son successeur, le président Anouar Al-Sadate, accompagné du président du Soviet suprême, Nikolaï Podgorny, inaugurent l’ouvrage et visitent le gigantesque central hydroélectrique. L’Egypte devant protéger sa souveraineté face à des nations aussi importantes que la France, Israël et la Grande-Bretagne, pays qui avaient tenté sans succès de l’envahir en 1956. Selon les historiens, Abdel-Nasser sort de ces combats renforcé et sa défaite militaire s’est muée en triomphe diplomatique au niveau arabe, africain et international. Ce qui lui a valu de devenir l’icône absolue et omniprésente du panarabisme, d’indépendance nationale d’autant plus que l’Egypte moderne doit à Nasser l’essor agricole, industriel et urbain que connaît le pays.

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