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Le Soudan à l’épreuve de l’afflux de réfugiés

Amira Samir, Dimanche, 15 novembre 2020

Le conflit du Tigré a poussé des milliers de personnes, dont plus de la moitié sont des enfants, à trouver refuge au Soudan. Ce pays voisin de l’Ethiopie, qui devrait accueillir, selon l’Onu, jusqu’à 200 000 personnes dans les semaines qui viennent, fait face à plusieurs dilemmes sécuritaire, politique, mais aussi humanitaire.

Le Soudan à l’épreuve de l’afflux de réfugiés
Des Ethiopiens fuyant les combats au Tigré se préparent à traverser la rivière Setit qui marque la frontière entre l'Ethiopie et le Soudan.

Alors que les combats s’intensifient dans la région du Tigré, l’exode des Ethiopiens vers le Soudan pour chercher refuge continue d’affluer. Un défi est de taille. Puisque d'un côté, la guerre en Ethiopie est en passe de déclencher un exode massif de réfugiés dans la région de la Corne de l’Afrique. Et d’un autre côté, les affrontements militaires en Ethiopie mettent le Soudan voisin de l’Ethiopie face à plusieurs dilemmes sécuritaire, politique, mais aussi humanitaire. Le Soudan a reçu jusqu’à vendredi 13 novembre plus de 25 000 réfugiés éthiopiens, dont plus de la moitié sont des enfants. Et selon les estimations de l’Onu, le nombre devrait « atteindre 200 000 dans les semaines qui viennent ». Fuyant les combats qui dure plus de dix jours, ces milliers d’Ethiopiens ont traversé la frontière à pied, à vélo et en bateau. Selon l’agence de presse nationale du Soudan SUNA, la plupart des réfugiés se concentre aux alentours de la ville frontalière de Hamdayet. Ce point de passage est situé du côté soudanais de la triple frontière avec l’Ethiopie et l’Erythrée. « Le chiffre ne cesse de croitre. Nous transportons les nouveaux arrivants de la frontière vers les camps d’accueil, mais nos ressources sont limitées face à l’afflux. Nous espérons que les organisations internationales vont répondre au défi que cela représente. Ces personnes ont besoin d’un abri, de soins médicaux et de nourriture, et il y a une grande pénurie », a sonné l’alarme Alsir Khaled, directeur de l’Agence soudanaise pour les réfugiés dans la ville frontalière de Kassala.

Problèmes logistiques et craintes sécuritaires

Ces réfugiés sont temporairement hébergés dans des centres de transit situés près des points d’entrée frontaliers de Ludgi à Gederef et Hamdayet dans l’Etat de Kassala, à l’est du Soudan. Le Haut Commissariat aux réfugiés (UNHCR) s’attend à une vague massive de réfugiés, car il estime que la guerre risque de s’intensifier. « Le nombre de nouveaux arrivants dépasse de loin les capacités sur le terrain. Le HCR s’inquiète également du sort de plusieurs milliers de réfugiés érythréens hébergés dans un camp vers lequel les combats se rapprochent », s’exprime Babar Baloch, porte-parole du HCR. Le Soudan a déclaré son intention d’installer un nouveau camp de réfugiés éthiopiens à Oum Rakouba, car les déplacés tigréens ont refusé de rejoindre le camp de Shagarab peuplé de tribus érythréennes. Autre dilemme: Rakouba est aussi peuplée d’Amharas. C’est l’un des plus grands groupes ethniques d’Ethiopie dont des milices combattent aux côtés des forces fédérales dans le conflit avec le Tigré. Une situation qui attise les craintes de l’émergence de tensions communautaires parmi les réfugiés. A savoir, le Soudan accueille déjà de nombreux réfugiés issus de confrontations historiques entre l’Ethiopie et l’Erythrée. Le camp d’Oum Rakouba, près de la frontière éthiopienne, a accueilli dans les années 1980 des milliers de personnes fuyant la famine en Ethiopie.

Le conflit au Tigré place aussi le Soudan devant un autre défi sécuritaire de taille. Selon beaucoup d’observateurs, outre le cauchemar de l’exode massif de réfugiés, les tensions en Ethiopie alimentent les craintes de créer de nouveaux foyers terroristes dans la région de la Corne de l’Afrique et de lieux de transit pour le commerce d’armes et le trafic d’êtres humains. Selon l’agence SUNA, un grand nombre de combattants de l’armée éthiopienne et du Front de libération du Tigré ont traversé les frontières soudanaises, à la suite de l’intensification des combats dans la région. « Depuis plusieurs décennies, la région adjacente à la frontière orientale du Soudan, dans laquelle le Front de libération du Tigré est actif, représente une préoccupation majeure en matière sécuritaire pour le Soudan, ce qui était toujours la cause des hauts et bas dans les relations entre le Soudan et l’Ethiopie. La région de Fashaqa, cette zone frontalière entre les deux pays, a témoigné de plusieurs incidents causant la mort d’un grand nombre de soldats et de civils soudanais », explique Khaled Ammar Hassan, spécialiste des affaires africaines, avant de conclure: « Autre enjeu politique : le Tigré était depuis longtemps une carte de pression politique dans les relations entre le Soudan, l’Ethiopie et l’Erythrée en raison des longues frontières qu’ils partagent et des chevauchements ethniques entre les trois pays ».

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