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« Deux, ça suffit », le slogan qui résonne de plus en plus

Ola Hamdi, Mardi, 18 février 2020

Le projet « Deux, ça suffit », lancé en mai 2019 pour tenter de réduire le taux de natalité, gagne du terrain. Reportage.

« Deux, ça suffit », le slogan qui résonne de plus en plus
Une séance de sensibilisation au planning familial à Al-Asmarat, au quartier d'Al-Moqattam, le 13 février.

« Les contraceptifs ne sont pas haram », a affirmé le cheikh Mahmoud Moustapha, membre du comité de la fatwa d’Al-Azhar, lors d’une séance de sensibilisation sur le planning familial, organisée dans le cadre du programme lancé par le ministère de la Solidarité sociale « Deux, ça suffit » à Al-Asmarat, dans le quartier d’Al-Moqattam, au Caire, le jeudi 13 février.

Ce jour-là, plus de 350 jeunes femmes de moins de 25 ans sont assises, leurs bébés dans les bras, dans le hall principal du Palais de la culture d’Al-Asmarat. Les jeunes de l’association de développement communautaire Al-Chorafa, une ONG impliquée dans ce programme, sont chargés de les accueillir. Il s’agit de la deuxième séance organisée dans ce quartier dans le cadre du programme de « la correction des préjugés communautaires, médicaux et religieux liés à la population » dans les bidonvilles.

A 13h précise, le docteur Désirée Labib, directrice du programme « Deux ça suffit » au ministère de la Solidarité sociale, commence la conférence en précisant les objectifs du programme et l’importance de corriger les fausses idées que se font les femmes, en particulier sur le planning familial. « Notre objectif est de sensibiliser les femmes aux avantages des petites familles », a expliqué Dr Désirée Labib.

L’initiative « Deux ça suffit », dans le cadre du programme Takafol du ministère de la Solidarité sociale, a ciblé 1,14 million de familles. Il fournit des services de santé aux mères et aux enfants, ainsi qu’une aide en espèces aux familles les plus pauvres du pays.

Lancée sur le terrain en janvier 2019, cette campagne a été menée dans 10 gouvernorats où les taux de natalité sont compris entre 3,7 et 4,6 enfants par femme. Il s’agit de gouvernorats comme Guiza et d’autres en Haute-Egypte comme Fayoum, Béni-Soueif, Minya, Assiout, Sohag, Qéna, Louqsor et Assouan et dans le Delta, Al-Béheira. A son tour, le Dr Salah Aboul-Enein, expert en santé et population au ministère de la Santé, prend la parole et explique aux jeunes femmes les divers moyens de contraception. D’abord réticentes au thème de l’intervention du médecin, celles-ci sont rapidement séduites par sa manière simple de s’exprimer et écoutent attentivement ses informations. Puis, les questions commencent à fuser de toutes parts.

Pression sociale et religieuse

Le rôle des associations de la société civile est une nécessité, comme le précise la directrice du projet. C’est pour cette raison qu’il existe 108 ONG en Egypte qui oeuvrent pour la sensibilisation des femmes, et qui ouvrent leurs propres cliniques du planning familial, avec l’aide du ministère de la Solidarité sociale. « L’ONG fournit les locaux de la clinique et les équipements, alors que le ministère de la Santé fournit des moyens de contraception gratuits », explique Dr Désirée Labib. Selon les statistiques du ministère, 33 cliniques de planning familial ont été ouvertes en décembre 2019 et 32 autres ouvriront en mars prochain dans les 10 gouvernorats ciblés. « Notre association participe via deux axes : la sensibilisation contre le mariage précoce dont les taux sont élevés dans cette région et la correction des préjugés sur les contraceptifs et le planning familial », explique Ahmad Helmi, directeur exécutif de l’association de développement communautaire Al-Chorafa.

« Ma belle-mère et mon mari ne cessent de me demander quand le prochain bébé arrivera, alors que j’ai déjà trois enfants, deux garçons et une fille ! », confie Mervat Moustapha, 35 ans. Et d’ajouter : « Grâce à cette campagne, ma réponse est devenue : nous n’avons ni les moyens, ni la santé d’élever plus de trois enfants ». Zeinab, 24 ans, n’a pas le courage de Mervat de tenir tête à son entourage. Son mari refuse catégoriquement l’idée de limiter les naissances. « Il faut que ce programme s’adresse aussi aux maris », propose alors la jeune femme. D’ailleurs, les responsables du projet ont confirmé que la deuxième phase vise à s’adresser directement aux hommes via une campagne de porte-à-porte, des réunions de sensibilisation et des campagnes médiatiques. Pour Ahmad Helmi, l’un des plus grands défis du projet est de corriger les idées religieuses erronées et de faire face à l’influence du courant salafiste à ce sujet. C’est ainsi qu’assiste à chaque séminaire de sensibilisation un cheikh d’Al-Azhar, répondant à toutes les questions des femmes pour dissiper leurs doutes. « Le Très-Haut dit : Ne vous exposez pas au péril par vos propres mains », confirme le cheikh Mahmoud pour mettre fin aux doutes d’un bon nombre de femmes, qui s’en vont très satisfaites à la fin de la séance. « Les indices de la première phase révèlent un changement positif dans tous les gouvernorats. Nous allons continuer sur cette voie », conclut Dr Désirée.

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