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L’effet domino de la crise

Ola Hamdi, Lundi, 23 décembre 2019

Tous les indicateurs sont au rouge au Liban qui vit depuis le 17 octobre au rythme d’un mouvement de contestation inédit. Retour sur trois secteurs touchés par la crise.

L’effet domino de la crise
L’agence Fitch a réduit la note de la dette du pays à CC, l’un des niveaux les plus bas.

Une économie au bord du gouffre
Après plus de deux mois de contestation, la crise financière au Liban ne cesse de s’amplifier. Avec 86 milliards de dollars dettes, le Liban est le 3e pays le plus endetté au monde par rapport à son PIB, 155%. Le déficit public devrait, lui, se chiffrer à 11% du PIB en 2019. Ce taux est comparable à celui de la Grèce en 2010 lors de la crise de la zone euro. En pleine crise politique, en novembre 2019, le Trésor libanais a remboursé 1,5 milliard de dollars et en mars 2020 c’est 1,2 milliard de dollars qu’il faudra encore verser. La Banque mondiale prévoit une récession économique pour 2019 avec un recul du PIB de 0,2%. Environ un tiers des Libanais vivent en dessous du seuil de pauvreté, selon l’organisation. Le chômage, qui a dépassé les 30% chez les jeunes, n’a eu de cesse de grimper ces dernières années. Selon des observateurs, c’est la crise des liquidités qui est à l’origine de la révolte actuelle au Liban. Les 16 plus grandes banques libanaises ont connu une baisse de leur profit de 6,6% au premier semestre 2019. L’inflation moyenne dépasse les 6%. Le cours du dollar— principale devise utilisée— a explosé au marché noir, un dollar s’échangeant à 2,250 lires liba­naises alors que le cours officiel est fixé à 1,507 lires. La semaine dernière, l’agence Fitch a réduit la note de la dette du pays à CC, l’un des niveaux les plus bas, alors que les réserves de la Banque du Liban, la Banque Centrale, ont chuté de 4 milliards de dollars pour tomber à 28 milliards de dollars, en raison du retrait des fonds des déposants.

Le tourisme en banqueroute
Ce n’est pas la première fois que le secteur du tourisme au Liban est en crise. Mais cette année, il a reçu le coup le plus dou­loureux. En effet, le Liban compte beaucoup sur le secteur du tou­risme, en particulier en décembre, qui est le mois des fêtes dans le pays. En raison des manifestations qui persistent depuis plus de deux mois, le secteur a enregistré une baisse de 80% par rapport à l’année dernière, selon les dernières données du ministère du Tourisme. De nombreux hôtels et restaurants sont au bord de la banqueroute, alors que le taux d’occupation des hôtels a connu une baisse dramatique, avec seulement 10% d’occupation pour la capitale en novembre, voire 4% en octobre. Selon le syndicat des Hôtels, 150000 emplois sont ainsi mis en péril. Certains hôtels et restaurants sont aussi confrontés à un autre problème, celui du paiement des salaires des ressortissants étrangers qui y travaillent. Certains restaurants ont dû limiter le paie­ment des salaires à 50%, voire même 60%, des montants normaux. Outre le secteur hôtelier, le secteur des agences de voyages souffre aussi de la crise. Le chiffre d’affaires des agences de voyages qui atteignait 55 millions de dollars par mois a chuté à moins de 10 mil­lions au cours des deux derniers mois. Plusieurs agences seraient ainsi menacées de fermeture .

Culture : Le Salon du livre de Beyrouth reporté fin 2020
L’impact de la crise actuelle au Liban a touché tous les secteurs, y compris le livre. Le Salon international du livre de Beyrouth est l’un des événements culturels les plus importants que connaît le Liban chaque année. En effet, il représente le rendez-vous que de nombreux écrivains et éditeurs arabes choisissent pour la publication de leurs ouvrages. Initialement prévue pour le 28 novembre 2019, la 63e édition du salon a été reportée à décembre 2020, selon un com­muniqué officiel de l’Union des éditeurs au Liban. Il s’agit du deuxième report après une date annoncée pour fin février 2020. Selon l’union, le report serait dû aux « conditions politiques, sociales et écono­miques qui secouent le Liban ». L’unique fois où le salon a été reporté dans le passé était en 2008 en rai­son de sit-in dans le centre de Beyrouth. Inauguré pour la première fois le 23 avril 1956 dans le West Hall de l’Université américaine de Beyrouth, il était le premier Salon du livre au Moyen-Orient. Le report du Salon du livre de Beyrouth est un coup dur pour le secteur de l’édition au Liban et pour toutes les profes­sions qui y sont liées comme l’impression, la distribu­tion, la vérification, la traduction... d’autant plus que le salon représente une sorte de « rentrée littéraire », pour laquelle les éditeurs réservent leurs meilleurs titres et impriment les trois quarts des livres de l’an­née. Les pertes résultant de ce report sont non seule­ment financières, mais aussi morales. Le secrétaire général de l’Union des éditeurs arabes et propriétaire de la maison d’édition Difaf, Bachar Chebaro, déplore le report du salon sur sa page Facebook: « Ce salon était l’une des caractéristiques de Beyrouth depuis 1956. Les éditeurs y ramenaient leurs publications et leurs programmes pour toute l’année ».

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