Vendredi, 29 mars 2024
Dossier > Dossier >

Forum d’Assouan : La grand-messe africaine

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 17 décembre 2019

Organisé les 11 et 12 décembre à Assouan, le 1er Forum pour la paix et le développement durables a axé ses travaux sur la promotion des solutions africaines aux problèmes africains, l’autonomisation des femmes et l’accélération de la mise en oeuvre de l’initiative « Faire taire les armes ». Bilan.

Forum d’Assouan : La grand-messe africaine

Une colombe blanche étendant ses ailes bleues sous forme d’une voile d’un bateau du Nil. Tel est le logo du Forum d’Assouan pour la paix et le développement durables qui offre une double lecture : pas de paix sans développement et pas de développement sans paix. La ville d’Assouan, porte de l’Egypte vers l’Afrique, a accueilli les 11 et 12 décembre une grand-messe africaine.

Organisé dans le cadre de la présidence égyptienne de l’Union africaine, ce forum a réuni autour d’une dizaine de tables rondes des chefs d’Etat et de gouvernement africains, des experts, des représentants d’organisations internationales et d’institutions financières, d’autres du secteur privé et de la société civile, pour examiner les enjeux sécuritaires du continent. « Les participants au forum ont réussi à décrire et à analyser de façon précise les défis auxquels le continent est confronté en matière de reconstruction post-conflits, de développement et de paix », a fait savoir le président Abdel-Fattah Al-Sissi, dans son discours de clôture. De nombreuses recommandations ont été adoptées au terme du forum, qui se tiendra désormais annuellement, telles que la promotion des solutions africaines aux problèmes de l’Afrique, l’autonomisation des femmes et l’accélération de la mise en oeuvre de l’initiative « Faire taire les armes d’ici 2020 ».

La route vers Assouan a commencé tôt. L’idée de l’organisation de ce forum avait été lancée par le président Sissi en février dernier lors d’un sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, en vue d’« instaurer un dialogue entre les acteurs régionaux et internationaux sur les défis de l’Afrique ». En collaboration avec 18 partenaires mondiaux et régionaux, le Centre international du Caire pour le règlement des conflits et le maintien de la paix en Afrique (CCCPA), qui assumait la tâche du secrétariat du forum, a organisé 5 ateliers d’experts de haut niveau entre Le Caire et Addis-Abeba. Les ateliers ont réuni plus de 300 experts du continent et du monde entier. Les recommandations-clés issues de ce processus préparatoire à plusieurs niveaux ont été déposées dans le « Rapport sur la paix et le développement à Assouan », qui a été publié avant le forum. « Ce forum fournit une plateforme politique unique en son genre en Afrique. La nouveauté réside dans le fait qu’il ne s’agit pas d’un événement, mais plutôt d’un processus qui s’inscrit dans la vision égyptienne préconisant les solutions africaines aux problèmes africains », explique Ahmed Amal, expert des affaires africaines à l’ECSS.

Selon Amani Al-Taweel, cheffe du département des études africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, le choix du lieu et du timing est significatif. « Le choix de la ville d’Assouan vise à diversifier les lieux de la tenue des conférences internationales, en vue de promouvoir le tourisme et consolider les économies des villes », estime-t-elle. Quant au timing, il était également important d’organiser un tel forum avant l’inauguration au Caire du siège permanent du Centre de l’Union Africaine (UA) pour la reconstruction et le développement post-conflit (centre AU-PCRD), qui aura lieu au début de l’année 2020. L’accord portant sur la création du centre UA-PCRD a été signé en marge du forum par le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, et le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat.

L’Afrique de demain : Les dirigeants parlent

Placée sous le thème de « L’Afrique que nous voulons », la session inaugurale du Forum d’Assouan a réuni un panel de haut niveau animé par les chefs d’Etat africains. Cinq chefs d’Etat ont pris part à ce rendez-vous aux côtés du président Sissi, il s’agit notamment du Nigérian Muhammadu Buhari, du Tchadien Idriss Déby Itno, du Sénégalais Macky Sall, du Nigérien Mahamadou Issifou et du Comorien Azali Assoumani, ainsi que des chefs de gouvernement dont le Togolais Komi Selom Klassou représentant le président de la République Faure Essozimna Gnassingbé. Chacun à son tour est intervenu pour présenter sa vision de l’Afrique de demain. S’agissant de la paix en Afrique, les leaders africains ont réaffirmé leur volonté de maintenir des initiatives communes de solidarité aux fins de faire face aux défis sécuritaires. Selon le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, les défis de l’Afrique sont le terrorisme, la criminalité transfrontalière, en soulignant « la nécessité d’accélérer la mise en oeuvre des projets phare de l’agenda 2063, comme le marché unique du transport aérien en Afrique, la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECA), le réseau électronique panafricain et le programme spatial africain même s’ils ont déjà connu des avancées significatives ».

Pour Macky Sall, président du Sénégal, « on ne peut pas faire la paix à notre place … Tout effort, que ce soit Cedeao, UA, Nations-Unies, partenaires extérieurs, doit s’appuyer et doit venir appuyer les efforts nationaux et africains. C’est devenu vital ». Pour sa part, le président Sissi a souligné la nécessité de renforcer « le système d’action collective » et « d’élaborer une approche globale pour relever les défis auxquels le continent africain est confronté ».

L’Egypte présente son expérience

Dans ce contexte, le président a passé en revue l’expérience égyptienne. Il a rappelé qu’en 2013, l’Egypte avait affronté plusieurs défis avec en tête le terrorisme et la possibilité d’une guerre civile. « Nous avons agi sur ces deux volets : la lutte contre le terrorisme et le développement ; c’est pour cela qu’en Afrique, nous devons progresser dans le développement durable et renforcer en parallèle la sécurité et la paix africaines ».

Les dirigeants africains se sont mis d’accord que la crise libyenne est l’une des plus menaçantes pour la stabilité du continent, surtout la région du Sahel. Le président Sissi a espéré qu’un règlement politique global de la crise en Libye serait trouvé dans les prochains mois. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, Sissi a affirmé que les Etats africains doivent traiter d’une « manière décisive » les pays qui supportent le terrorisme. En fait, la lutte contre le terrorisme consomme de 18 à 24 % du budget du continent africain, ce qui entraîne un déficit budgétaire significatif.

Sécurité, énergie et enjeux humanitaires

« Faire taire les armes en Afrique : Appropriation du programme de prévention du conflit » est une autre session importante, animée par des experts du continent. Selon Akinwumi Adesina, président de la Banque Africaine de Développement (BAD), le continent africain souffre du « triangle des catastrophes » que sont l’extrême pauvreté, le taux élevé du chômage, ainsi que la dégradation de l’environnement. Adesina a estimé que l’initiative « Faire taire les armes » adoptée par l’UA était capable d’adapter le continent au développement économique si ledit triangle était éradiqué. Selon des estimations, l’Afrique a besoin de 400 milliards de dollars américains par an pour mettre en oeuvre les plans de développement.

Outre les enjeux sécuritaires, le forum a consacré une place importante dans son agenda pour les défis humanitaires dont souffre le continent. « Renforcer le rôle de la femme africaine en faveur de la paix et du développement », et « s’attaquer aux causes profondes des déplacements forcés en Afrique » étaient parmi les principaux thèmes du forum. « Le phénomène des nomades ne cesse de croître en Afrique, notamment dans la région du Sahel. Lutter contre le déplacement forcé en Afrique est devenu indispensable. Car quand les initiatives africaines échouent, l’intervention étrangère, sous prétexte de présenter des aides humanitaires, devient une affaire très accessible », estime Amal.

Autre atelier : Comment garantir une sécurité énergétique inclusive et durable ? A ce sujet, les intervenants se sont mis d’accord, lors d’une session consacrée aux défis énergétiques de l’Afrique, sur le fait que « le recours aux énergies renouvelables devient un indicateur majeur du développement des pays ». En marge du sommet, le premier ministre, accompagné par le président sénégalais, a inauguré le parc solaire de Benban à Assouan, le plus grand d’Afrique. Le parc comprend 32 centrales solaires d’une capacité de 1465 MW, équivalant à 90 % de l’énergie produite par le Haut-Barrage d’Assouan.

A Assouan, le rideau tombe, mais il s’ouvre sur une autre ville égyptienne, Charm Al-Cheikh qui a accueilli du 14 au 17 la troisième édition du Forum mondial de la jeunesse (voir page 5). Deux forums, deux villes, un seul objectif : propager un message de paix au monde.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique