
Manifestations en Cisjordanie à l'occasion de la commémoration de la Journée de la terre, le 30 mars. (Photo : AFP)
« Ce que les Etats-Unis nous préparent est encore plus dangereux. Ils diront à Israël d’annexer une partie de la terre palestinienne, de donner ce qu’il en reste en autogestion et d’accorder à la bande de Gaza un Etat nominatif avec lequel le Hamas pourra jouer ». C’est le cri d’alarme lancé par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, au sommet de la Ligue arabe tenu le 31 mars en Tunisie. Après Jérusalem et le Golan, quelle sera la prochaine étape ? Pour de nombreux analystes, la dernière initiative du président américain pourrait être un pas vers l’annexion de plus de territoires arabes occupés. Les regards se tournent surtout vers la Cisjordanie et les fermes libanaises de Chebaa. Pour ce qui est de la Cisjordanie, territoire majoritairement peuplé de Palestiniens et où les colonies israéliennes s’étendent de plus en plus, des voix s’élèvent déjà en Israël pour une annexion, au moins partielle. Le président de la Knesset, Yuli Edelstein, a même déclaré en commentant la décision de Trump sur le Golan qu’il s’agissait d’un premier pas important vers la reconnaissance de la souveraineté israélienne en Cisjordanie. « Je crois sincèrement que si les élections du 9 avril sont un succès pour le Likoud, il y aura au moins un débat très sérieux sur l’annexion de la Judée et de la Samarie (la Cisjordanie) », révèle-t-il. Netanyahu, lui, a promis, une fois réélu, de « laisser une forme d’autonomie aux Palestiniens dans le chapelet de villes qui s’étale du nord au sud de la Cisjordanie et d'asseoir la souveraineté israélienne sur le reste ».
Pourtant, la séparation est physiquement impossible. L’énorme différence entre le cas du Golan et celui de la Cisjordanie réside dans le nombre de la population dans les deux côtés. Le Golan abrite environ 27 000 Druzes et 20 000 Israéliens. Quant à la Cisjordanie, plus de 2,5 millions de Palestiniens y vivent et environ 450 000 colons israéliens (contre 110 000 il y a 25 ans). C’est pour cela que la décision de l’annexion de la Cisjordanie sera beaucoup plus difficile pour les Israéliens, même s’ils le souhaitent.
Chebaa, un flou dangereux
La décision américaine sur le Golan aura-t-elle des répercussions sur le sort des fermes de Chebaa ? La crainte gagne du terrain, surtout au Liban. Ces fermes, situées à la frontière entre le Liban, le Golan syrien et Israël, sont sous occupation israélienne depuis 1981. Ce secteur stratégique de 25 kilomètres carrés, situé au Sud-Liban, est l’un des nombreux territoires litigieux de la région. En 2007, une étude cartographique de l’Organisation des Nations-Unies affirme que les fermes de Chebaa font partie du territoire libanais et non de la Syrie comme cela était considéré auparavant. L’Onu a demandé ainsi à Israël, qui occupe ce territoire depuis la guerre israélo-arabe de 1967, de l’évacuer. Pour Israël, les fermes de Chebaa font partie du Golan syrien, conquis en 1967.
Or, la Syrie a annexé de facto le secteur dans les années 1950 en y déployant des unités de police syrienne. Damas refuse ainsi de procéder ni à un tracé de la frontière commune ni à une reconnaissance officielle de la libanité de ces fermes. En effet, les frontières entre la Syrie et le Liban sont mal délimitées en plusieurs endroits, notamment dans le secteur controversé des fermes de Chebaa. Toutefois, maintenir le flou sur le statut du secteur de Chebaa pourrait être une brèche offerte aux Israéliens pour légitimer sa présence dans la région.
Face à ces menaces, les pays arabes réunis à Tunis se sont contentés à dénoncer dans leur communiqué final la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté israélienne sur le plateau occupé du Golan syrien, tout en soulignant « la libanité des fermes de Chebaa et des hauteurs de Kfar Chouba » .
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