Al-Ahram Hebdo : Quelle importance revêt la tournée-marathon du secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, dans la région ?
Tareq Fahmi: La visite de Mike Pompeo au Moyen-Orient intervient à un moment opportun en termes des arrangements sécuritaires et politiques que l’Administration américaine veut entreprendre pour combler le vide que créera le retrait de ses troupes en Syrie. Sur recommandation du ministère américain de la Défense, l’Administration américaine propose en effet le déploiement de forces arabes très bien formées pour remplacer les forces américaines, qui doivent se retirer de six emplacements stratégiques en Syrie. Dans son discours au Caire, Pompeo a invité ouvertement les pays arabes, les partenaires de Washington, à s’impliquer davantage en Syrie pour prendre le relais après le départ des Américains. Je pense que cette tournée est plutôt exploratoire et qu’elle ne vise pas à parvenir à un accord dans des dossiers spécifiques. Les Américains veulent écouter ce que le monde arabe a à offrir.
— Comment percevez-vous la visite du conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, en Turquie et en Israël, en parallèle à la tournée de Mike Pompeo ?
— Ces deux visites effectuées par deux hauts responsables américains sont en fait une distribution des rôles. La tournée de Bolton en Turquie et en Israël vise également à s’accorder avec ces deux pays autour des arrangements sécuritaires de l’après-retrait. Pourtant, le flou règne encore autour du plan de retrait américain de Syrie. Le calendrier du retrait n’a pas encore été fixé. Je pense que les Américains ne font qu’exercer une pression psychologique sur les pays arabes en annonçant le début du retrait de leurs forces, car ce retrait n’est pas réalisable. En effet, les 2500 soldats américains ne rentreront pas au pays comme on peut l’imaginer. Ils seront transférés à la base de Ain Al-Assad en Iraq, à 40 km seulement de la Syrie. En fait, il s’agit d’un simple redéploiement des forces.
— Pompeo a parlé, lors de son discours au Caire, de la mise en place d’une alliance stratégique entre les pays arabes pour contrer Téhéran. Qu’en pensez-vous ?
— L’Administration américaine continuera à forger l’idée de cette alliance et à trouver un mécanisme arabe incluant les six pays du CCG, l’Egypte et la Jordanie pour faire face aux évolutions régionales, notamment aux menaces iraniennes contre la sécurité de l’ensemble de la région. Pour ce faire, une coordination des positions et des tendances arabes s’avère indispensable. C’est dans ce cadre que l’Administration américaine va également développer ses relations avec les pays arabes, selon le principe des intérêts mutuels. La vision de l’Administration américaine concernant la création de cette alliance n’est pas encore claire. Cependant, elle affrontera des défis, comme les divergences entre le Qatar et les pays arabes ou le refus d’Oman, un pays qui a un poids considérable, d’installer des bases militaires sur ses territoires à cause de ses relations avec l’Iran. L’Egypte n’a pas caché ses réserves quant aux objectifs et à la portée politique de cette alliance, surnommée par les médias « l’Otan arabe ». Pour la sécurité de la région, l’Egypte disposait d’une idée alternative, proposée par le président il y a plus de deux ans, soit celle de former une force arabe commune.
— Comment voyez-vous les relations américano-égyptiennes et quels sont les fruits de la visite de Mike Pompeo au Caire ?
— Les relations égypto-américaines deviennent de plus en plus étroites et la visite de Pompeo au Caire, ses rencontres avec les dirigeants égyptiens et son discours sont la preuve que l’Egypte est la plus grande capitale régionale au Moyen-Orient, stable et un pivot. Plusieurs résultats directs sont attendus : reprise du dialogue stratégique et augmentation des aides américaines versées à l’Egypte. Sans oublier l’appui constant apporté par les Etats-Unis à l’Egypte dans sa guerre contre le terrorisme, surtout que l’Egypte a besoin d’une aide en matière de sécurité et de renseignement pour poursuivre ses opérations antiterroristes.
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