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Tareq Fahmi : Cette tournée est plutôt exploratoire

Ola Hamdi, Mardi, 15 janvier 2019

Tareq Fahmi, professeur en sciences politiques à l’Université américaine du Caire et spécialiste des relations internatio­nales, décrypte les enjeux de la tournée du chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, au Proche-Orient et l'avenir des relations américano-arabes. Entretien.

Tareq Fahmi

Al-Ahram Hebdo : Quelle importance revêt la tournée-marathon du secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, dans la région ?

Tareq Fahmi: La visite de Mike Pompeo au Moyen-Orient intervient à un moment oppor­tun en termes des arrangements sécuritaires et politiques que l’Administration américaine veut entreprendre pour combler le vide que créera le retrait de ses troupes en Syrie. Sur recommandation du ministère américain de la Défense, l’Administration américaine propose en effet le déploiement de forces arabes très bien formées pour remplacer les forces améri­caines, qui doivent se retirer de six emplace­ments stratégiques en Syrie. Dans son discours au Caire, Pompeo a invité ouvertement les pays arabes, les partenaires de Washington, à s’impliquer davantage en Syrie pour prendre le relais après le départ des Américains. Je pense que cette tournée est plutôt exploratoire et qu’elle ne vise pas à parvenir à un accord dans des dossiers spécifiques. Les Américains veu­lent écouter ce que le monde arabe a à offrir.

— Comment percevez-vous la visite du conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, en Turquie et en Israël, en parallèle à la tournée de Mike Pompeo ?

— Ces deux visites effectuées par deux hauts responsables américains sont en fait une distri­bution des rôles. La tournée de Bolton en Turquie et en Israël vise également à s’accor­der avec ces deux pays autour des arrange­ments sécuritaires de l’après-retrait. Pourtant, le flou règne encore autour du plan de retrait américain de Syrie. Le calendrier du retrait n’a pas encore été fixé. Je pense que les Américains ne font qu’exercer une pression psychologique sur les pays arabes en annonçant le début du retrait de leurs forces, car ce retrait n’est pas réalisable. En effet, les 2500 soldats améri­cains ne rentreront pas au pays comme on peut l’imaginer. Ils seront transférés à la base de Ain Al-Assad en Iraq, à 40 km seulement de la Syrie. En fait, il s’agit d’un simple redéploie­ment des forces.

— Pompeo a parlé, lors de son discours au Caire, de la mise en place d’une alliance stratégique entre les pays arabes pour contrer Téhéran. Qu’en pensez-vous ?

— L’Administration américaine continuera à forger l’idée de cette alliance et à trouver un mécanisme arabe incluant les six pays du CCG, l’Egypte et la Jordanie pour faire face aux évolutions régionales, notamment aux menaces iraniennes contre la sécurité de l’en­semble de la région. Pour ce faire, une coordi­nation des positions et des tendances arabes s’avère indispensable. C’est dans ce cadre que l’Administration américaine va également développer ses relations avec les pays arabes, selon le principe des intérêts mutuels. La vision de l’Administration américaine concer­nant la création de cette alliance n’est pas encore claire. Cependant, elle affrontera des défis, comme les divergences entre le Qatar et les pays arabes ou le refus d’Oman, un pays qui a un poids considérable, d’installer des bases militaires sur ses territoires à cause de ses relations avec l’Iran. L’Egypte n’a pas caché ses réserves quant aux objectifs et à la portée politique de cette alliance, surnommée par les médias « l’Otan arabe ». Pour la sécu­rité de la région, l’Egypte disposait d’une idée alternative, proposée par le président il y a plus de deux ans, soit celle de former une force arabe commune.

— Comment voyez-vous les relations amé­ricano-égyptiennes et quels sont les fruits de la visite de Mike Pompeo au Caire ?

— Les relations égypto-américaines devien­nent de plus en plus étroites et la visite de Pompeo au Caire, ses rencontres avec les diri­geants égyptiens et son discours sont la preuve que l’Egypte est la plus grande capitale régio­nale au Moyen-Orient, stable et un pivot. Plusieurs résultats directs sont attendus : reprise du dialogue stratégique et augmenta­tion des aides américaines versées à l’Egypte. Sans oublier l’appui constant apporté par les Etats-Unis à l’Egypte dans sa guerre contre le terrorisme, surtout que l’Egypte a besoin d’une aide en matière de sécurité et de renseignement pour poursuivre ses opérations antiterroristes.

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