
John Bolton a rassuré Benyamin Netanyahu : le retrait doit se faire de sorte que la défense d'Israël soit « absolument assurée ». (Photo : Reuters)
Deux soldats britanniques de la coalition internationale anti-djihadiste emmenée par les Etats-Unis ont été blessés, samedi 5 janvier, dans le tir d’un missile par Daech dans l’ultime poche du groupe terroriste dans la province de Deir Ezzor (est), tandis qu’un combattant kurde des Forces Démocratiques Syriennes (FDS) a été tué. C’est ce qu’a déclaré à l’AFP le directeur de l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH), Rami Abdel-Rahmane. L’information, presque anodine dans ce pays en guerre depuis plus de sept ans, intervient pourtant dans un contexte particulier : les soubresauts de l’annonce faite avant Noël par le président américain, Donald Trump, d’un retrait des soldats américains déployés en Syrie pour combattre le groupe djihadiste.
Depuis cette annonce en effet, les secousses n’en finissent pas aussi bien à l’intérieur des Etats-Unis qu’au Moyen-Orient. Et l’Administration américaine semble tergiverser. Donald Trump est ainsi resté vague sur le calendrier du retrait des quelque 2 000 soldats actuellement déployés en Syrie, indiquant seulement que « cela se ferait sur un certain temps ». Et le Département d’Etat a déclaré qu’il n’y avait « pas de calendrier », et que le retrait serait « extrêmement coordonné », afin de ne « pas laisser de vides que les terroristes pourraient exploiter ».
Alors que la décision du président américain a pris de court — et mécontenté — ses alliés occidentaux engagés dans la coalition anti-djihadiste, mais aussi inquiété ses alliés dans la région, Washington veut rassurer tout le monde. En effet, au sein de l’Administration américaine et chez les Occidentaux, la décision du président américain a déplu, car elle est considérée présenter un risque sur la lutte anti-Daech. Dans la région, c’est surtout la question de l’influence de l’Iran qui inquiète le plus.
Washington veut donc en premier lieu tranquilliser ses alliés occidentaux engagés dans la coalition anti-djihadiste, assurant que la lutte anti-Daech ne sera pas affectée. Ensuite, il tient à rassurer ses alliés dans la région. Pour ce, Washington a dépêché deux hauts responsables dans la région cette semaine : le conseiller pour la sécurité nationale de la Maison Blanche, John Bolton, en visite en Israël et en Turquie du 4 au 7 janvier, et le chef de la diplomatie, Mike Pompeo, qui a entamé, mardi 8 janvier, une tournée dans la région.
Washington multiplie ainsi les messages pour gommer l’impression initiale de départ précipité donnée par le locataire de la Maison Blanche. Des messages destinés à plusieurs parties. D’abord aux Kurdes. John Bolton a affirmé que des conditions devaient être réunies avant le retrait des troupes américaines de Syrie, telle la sécurité de leurs alliés kurdes. Alors que Mike Pompeo a dit que Washington continuerait de « faire en sorte que les Turcs ne massacrent pas les Kurdes », Ankara menace d’une offensive contre une milice kurde qu’elle accuse de « terrorisme ».
L’Iran en toile de fond
Ensuite et surtout, les Américains veulent rassurer leur principal allié dans la région : Israël. A Jérusalem, John Bolton a affirmé que le retrait devait se faire de telle sorte que la défense d’Israël et « d’autres amis » de Washington dans la région soit « absolument assurée ». Auparavant, un autre responsable américain avait confirmé que « le retrait de Syrie de toutes les forces sous commandement iranien » demeurait parmi les « objectifs » de Washington, mais par « d’autres moyens » que la simple présence militaire américaine. Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, s’est, pour sa part, engagé à poursuivre ses efforts pour empêcher l’Iran de s’implanter militairement en Syrie.
Au cours de sa tournée d’une semaine dans une dizaine de pays, Mike Pompeo doit évoquer le retrait américain, mais aussi le conflit au Yémen. Des questions qui s’enchevêtrent en quelque sorte puisqu’elles ont en toile de fond les efforts pour contrer l’Iran. L’objectif premier de M. Pompeo est ainsi de ressouder les alliances régionales dans l’effort des Etats-Unis pour contrecarrer l’influence de l’Iran. Fait rare, Mike Pompeo se rendra au cours d’un même voyage dans les six pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), en proie aux divisions entre le Qatar et ses voisins arabes, pour les appeler à l’unité contre l’Iran chiite qui reste « la plus grande menace à la stabilité » selon le département d’Etat.
La décision de Donald Trump a fait ainsi bouger les lignes changeantes du conflit syrien, une crise dont la complexité n’a cessé de s’accroître depuis 2011. Mais aussi ébranlé les équilibres régionaux.
Israël pêche en eau trouble
Israël le répète sans cesse : il ne permettra pas à l’Iran de menacer sa sécurité. Les Etats-Unis le répètent aussi sans cesse : rien ne doit toucher à la sacro-sainte sécurité d’Israël. Et les deux pays ont réitéré leur position à ce sujet à l’occasion de la décision de retrait américain. « Notre position est claire », a déclaré dimanche 6 janvier M. Netanyahu. « Nous continuons à agir pour le moment contre le renforcement de l’armée iranienne en Syrie et contre quiconque saperait ou tenterait de menacer la sécurité d’Israël », alors que Mike Pompeo assurait au premier ministre israélien que le retrait de la Syrie n’affecterait pas le soutien américain et la protection d’Israël.
Mais cette fois-ci, Israël a franchi un nouveau pas : il a appelé les Etats-Unis à reconnaître l’annexion israélienne du plateau syrien du Golan conquis en 1967. « Le plateau du Golan (...) est extrêmement important pour notre sécurité, et je pense que lorsque vous y serez, vous serez en mesure de comprendre parfaitement que nous ne quitterons jamais le plateau du Golan et pourquoi il est important que tous les pays reconnaissent la souveraineté israélienne sur le Golan », a affirmé M. Netanyahu en s’adressant à M. Bolton, dont le pays a déjà lancé des centaines de frappes aériennes en Syrie contre ce qu’il qualifie de cibles de l’armée iranienne et de livraisons d’armes perfectionnées au Hezbollah, soutenu par Téhéran.
Mais entre ces frappes et la demande de reconnaître le Golan comme israélien, il y a une grosse différence. L’annexion du Golan n’a jamais été reconnue par la communauté internationale y compris les Etats-Unis. Et demander sa reconnaissance signifie tout simplement remettre en cause les frontières de 1967, c’est-à-dire balancer le processus de paix.
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