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Les choix difficiles de Beyrouth

Amira Samir, Mardi, 08 janvier 2019

La classe politique libanaise reste divisée sur la présence ou non de la Syrie au Sommet arabe pour le développement économique prévu les 19 et 20 janvier à Beyrouth. Plus que tout autre pays, au Liban, la question du retour de la Syrie a des enjeux particuliers.

Les choix difficiles de Beyrouth
La question de l'invitation officielle de la Syrie au Sommet économique arabe suscite un vif débat au Liban.

Les préparatifs vont bon train pour la tenue, pour la première fois à Beyrouth, de la quatrième session du Sommet arabe pour le développement économique et social, prévue les 19 et 20 janvier. Mais la classe politique reste divisée : faut-il ou non une invitation officielle à la Syrie ? Car au Liban plus qu’ailleurs dans le monde arabe, la question du retour de la Syrie à la Ligue arabe préoccupe sérieusement. Organisé sous la supervision de la Ligue arabe, ce sommet se tient au niveau des chefs d’Etat pour répondre aux questions de développement économique et social des pays membres de la Ligue arabe. Il doit aborder la proposition d’un accord d’investissement et une vision stratégique pour promouvoir et activer des travaux conjoints entre les secteurs du tourisme et de la culture des pays membres. Il doit aussi examiner un rapport sur la Grande Zone Arabe de Libre-Echange (GZALE).

Aussi, ce sommet est très important pour le Liban dont l’économie connaît actuellement une période de stagnation, à cause de la formation du gouvernement qui se fait toujours attendre depuis sept mois. L’organisation d’une telle conférence pourrait donc rétablir le rôle du Liban sur la scène arabe et encourager le retour des investissements arabes au pays du Cèdre. La levée de la suspension de l’adhésion de la Syrie à la Ligue arabe serait au centre des discussions du Sommet économique de Beyrouth.

Mais comme d’habitude, la scène politique libanaise est profondément divisée entre ceux qui prônent une normalisation des relations politiques et commerciales avec le régime syrien, proche du mouvement du Hezbollah, et ceux qui refusent catégoriquement un rétablissement de ces relations, notamment le courant du Futur de Saad Al-Hariri. Lors d’une commémoration organisée au Sud-Liban, le 30 décembre dernier, le ministre libanais sortant des Finances, Ali Hassan Khalil, a appelé les hauts responsables libanais à inviter la Syrie au sommet. « Il est insensé d’organiser un tel événement sans la présence de Damas. C’est étonnant de ne pas inviter la Syrie, alors qu’on parle d’un sommet économique, et que les intérêts économiques du Liban passent normalement par la Syrie, dans le commerce, le transit et les échanges », a-t-il dit. Le débat n’a même pas lieu d’être, a rétorqué le ministre libanais des Affaires étrangères, Gebran Bassil, précisant que c’est « le Conseil de la Ligue arabe qui est le seul responsable de déterminer les invités ».

Enjeux particuliers pour le Liban

Selon beaucoup d’analystes, l’invitation de la Syrie au Sommet de Beyrouth pourrait accélérer le processus de son retour à la Ligue arabe. Or, pour le Liban, le retour de la Syrie a des enjeux très particuliers. « Il existe un grand chevauchement entre les affaires libanaises et syriennes. La guerre en Syrie a fortement influencé le climat politique au Liban. Aujourd’hui, le Liban souffre des répercussions de cette longue guerre en Syrie, que ce soit à cause de la présence de plus d’un million de réfugiés syriens sur son sol, soit de l’implication du Hezbollah dans la guerre. La société libanaise est divisée entre pro et anti-Assad. Mais maintenant, tout le monde sait que la guerre en Syrie est sur le point de s’achever et le régime syrien est le vainqueur », explique Rabha Allam, chercheuse au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, avant d’ajouter : « Un groupe appelle aujourd’hui à la distanciation et au respect des décisions de la Ligue arabe, tandis que l’autre appelle à respecter les relations privilégiées entre les deux pays voisins. C’est au gouvernement attendu de trancher cette question ».

Deux scénarios sont possibles et peuvent ouvrir ainsi la voie à la présence du président syrien, Bachar Al-Assad, non seulement au Sommet économique arabe au Liban, mais aussi au Sommet de la Ligue arabe organisé en Tunisie en mars prochain. Le premier, c’est que le Conseil de la Ligue arabe se réunit à titre exceptionnel et prend la décision du retour de la Syrie. Ainsi, le Liban pourrait inviter immédiatement la Syrie à participer au Sommet économique. Le second, c’est qu’au cours de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères à Beyrouth, le 18 janvier, pour préparer l’agenda du Sommet économique, une réunion aura lieu et décidera du retour de la Syrie.

D'ores et déjà, Gebran Bassil a lancé une initiative pour que la rencontre de Beyrouth soit celle de la réconciation avec Damas.

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