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Abdessalam Ould Ahmed : L’Egypte a considérablement développé ses ressources en eau

Ola Hamdi, Mardi, 23 octobre 2018

Dans un entretien accordé à Al-Ahram Hebdo, Abdessalam Ould Ahmed, sous-directeur général de l’Organisation de l’alimentation et de l’agriculture (FAO) et représentant régional pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA), explique les défis d’une gestion durable des ressources en eau dans la région.

Abdessalam Ould Ahmed

Al-Ahram Hebdo : La gestion des eaux pour le développement durable était au coeur de la Semaine de l’eau du Caire à laquelle la FAO a participé. Quels sont, selon vous, les défis du développement durable notamment dans la région MENA ?

Abdessalam Ould Ahmed : Notre processus de développement ne tient toujours compte ni des limites de nos ressources naturelles ni de la capacité de notre terre à absorber les effets du processus de production de plus en plus intensif. La dégradation des terres agricoles et des ressources en eau, et les changements climatiques sont les manifestations de cette situa­tion. L’ensemble des pays membres des Nations-Unies ont adopté en 2015 l’agenda du développement durable 2030 avec 17 objectifs. Pour les atteindre, les défis à relever sont considérables. Par exemple, le 2e objectif vise à éradiquer la faim, à améliorer la nutrition et à promouvoir l’agriculture durable. Cependant, le nombre de personnes qui souffrent de la faim ne cesse d’augmenter, en rai­son des conflits et des changements climatiques. Des menaces sérieuses pèsent sur la durabilité des ressources en eau qui jouent un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire. Et ce, particulièrement dans le monde arabe, à cause de l’aridité du climat. La croissance démographique conti­nue l’urbanisation aux dépens des terres agricoles aussi. La demande d’énergie est toujours en hausse. Dans le monde arabe, 16 pays — considérés comme des « pays pauvres en eau » — ont moins de 1 000 m3 d’eau par personne par an.

— Quels sont les défis auxquels l’Egypte doit faire face concernant la gestion de l’eau et de l’agricul­ture, secteur d’activité qui repré­sente 35 % du PIB ?

— La demande en eau de l’Egypte dépend aujourd’hui de plus de 90 % du Nil. Toutes les terres agricoles sont situées dans le bassin du Nil et irriguées par les eaux du fleuve. Mais aujourd’hui, les terres agricoles s’éloignent du fleuve et utilisent d’autres sources d’eau.

Sur ces nouvelles terres, on utilise des eaux souterraines dont les sys­tèmes sont de nature fossile, profonde et saline. La gestion des ressources en eau exige donc un niveau plus élevé de compétences agricoles, la révision des systèmes de production tels que l’intégration de l’aquaculture, l’intro­duction de serres et l’adoption des énergies renouvelables. L’irrigation devra réutiliser les eaux usées muni­cipales traitées, dont la production actuelle dans la région arabe est d’en­viron 18 milliards de m3 par an. Aujourd’hui, seules 45 % des eaux usées sont traitées, dont 37 % seule­ment sont réutilisées. D’ici 2030, les eaux usées produiront environ 30 milliards de m3 par an, soit un cin­quième de la capacité de stockage du Haut-Barrage d’Assouan. Le dessale­ment de l’eau est aussi une source supplémentaire d’eau. Elle com­mence â être utilisée dans l’agricul­ture au Maroc, par exemple. Cependant, d’importantes mesures de gestion influant sur les ressources en eau doivent aussi être envisagées, telles que la réduction du gaspillage alimentaire, estimé dans la région du MENA à 30 %, et à 45 % pour les fruits et légumes.

— La FAO appelle les pays à mieux tenir « leur comptabilité de l’eau » … De quoi s’agit-il exacte­ment ?

— La comptabilité de l’eau, c’est la quantification et le suivi de toutes les ressources en eau et de toutes ses utilisations. Elle consiste à com­prendre le cycle hydrologique, à éva­luer les variations spatiales et saison­nières des débits des rivières, l’épui­sement des nappes phréatiques et des précipitations avec des inondations imprévisibles et des sécheresses. Elle prend en compte les change­ments de la demande à moyen et à long terme pour tous les utilisateurs d’eau et nous informe sur les inves­tissements nécessaires dans les infrastructures liées au pompage, au stockage et à la planification des changements climatiques. La com­patibilité de l’eau est un outil fonda­mental d’aide à la décision pour la planification stratégique, l’orienta­tion des investissements et l’élabora­tion de politiques. Des efforts sont en cours dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord pour tester et établir des normes interna­tionales et des systèmes de responsa­bilité de l’eau scientifiquement fon­dés, adaptés aux réalités des pays et fondés sur les progrès de la technolo­gie spatiale et des mesures au sol. D’ailleurs, l’Egypte est très en avance dans la création de son unité de responsabilité de l’eau.

— Comment évaluez-vous la stratégie adoptée par le gouverne­ment égyptien pour la gestion des ressources hydriques ?

— L’Egypte a considérablement développé ses ressources en eau. Le Haut-Barrage d’Assouan et le réseau complexe d’irrigation dans le Delta du Nil en sont la démonstration. Le gouvernement égyptien est engagé dans un chantier de modernisation. La gouvernance décentralisée par le biais d’associations d’utilisateurs de l’eau, l’introduction d’une irrigation mécanisée en surface surélevée du terrain et l’extension du goutte-à-goutte ont amélioré les performances en matière d’irrigation. Le ministère des Ressources hydriques a aussi mis en place un système de télémesure avancé pour surveiller et contrôler les débits et la distribution de l’eau ainsi que l’épuisement des eaux souter­raines. Avec l’appui de la FAO, le ministère est en train de créer une unité de comptabilité de l’eau.

— 40 ans après l’ouverture du bureau de la FAO en Egypte, com­ment envisagez-vous l’alignement entre l’expertise de la FAO et les priorités de développement de l’Egypte ?

— Le bureau de la FAO, présent en Egypte depuis 1978, fournit un sou­tien technique pour la mise en place de politiques qui favorisent l’agricul­ture durable et l’élaboration de pro­grammes visant à améliorer la pro­ductivité, à développer les systèmes de production et de conservation du bétail et des volailles, à réduire les maladies transfrontières et à nationa­liser les bonnes pratiques agricoles.

170 projets ont ainsi été mis en oeuvre, d’une valeur d’environ 3 milliards de L.E. La FAO apporte aussi un soutien institutionnel et technique visant à développer les capacités autonomes et avancées dans le pays, comme pour les études techniques des sols pour la construc­tion du Haut-Barrage d’Assouan. Nous soutenons aussi le ministère des Ressources hydriques et de l’Ir­rigation pour mettre en place le Centre de prévision du Nil.

Le cadre de coopération actuel est parfaitement aligné sur les objectifs du programme Vision Egypte 2030 et la stratégie de développement agri­cole. Les objectifs sont : améliorer la productivité agricole, relever le niveau de sécurité alimentaire dans les produits alimentaires stratégiques et avoir recours à l’utilisation durable des ressources agricoles naturelles. Définitivement, la FAO et l’Egypte travaillent ensemble depuis long­temps de manière exemplaire.

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