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Ahmad Qandil : La coopération Egypte-Chine-Afrique sera l’un des piliers de la politique étrangère égyptienne

Ola Hamdi, Mardi, 28 août 2018

Dr Ahmad Qandil, expert des affaires asiatiques au CEPS d’Al-Ahram, revient sur les enjeux de la visite prochaine du président Abdel-Fattah Al-Sissi en Chine et l’importance économique de l’initiative chinoise « La Ceinture et la route » pour la région.

Dr Ahmad Qandil

Al-Ahram Hebdo : Il s’agit de la cinquième visite présidentielle en Chine. Comment voyez-vous l’approche égyptienne vis-à-vis de la Chine ?

Dr Ahmad Qandil : Les multiples visites du président en Chine s’inscrivent dans une stratégie plus large de la diplomatie égyptienne, qui s’affirme année après année : celle de se diriger vers l’Est. L’orientation égyptienne vers l’Asie a débuté avec l’élection du président Abdel-Fattah Al-Sissi en 2014. Elle s’accorde parfaitement avec l’évolution de la structure du système mondial depuis le début de ce siècle, qui s’avère être le siècle asiatique. En effet, les pays asiatiques ont réalisé d’énormes progrès économiques, notamment la Chine et l’Inde. Ces puissances ont émergé sur la scène mondiale et ont confirmé leur impact sur les relations internationales. Sans oublier la propagation des langues asiatiques, tels le chinois, le japonais, le hindi et le coréen, ainsi que la large diffusion du cinéma et des chaînes asiatiques. Au niveau économique, la Chine est devenue la deuxième économie mondiale, le Japon se situe à la troisième place et la Corée du Sud à la douzième, alors que l’Inde a réalisé un bond en avant. En termes de commerce mondial, la Chine est devenue le premier partenaire commercial de 130 pays à travers le monde, son impact sur le commerce mondial ne peut donc pas être ignoré. De plus, les investissements étrangers chinois se sont largement répandus, surtout en Afrique. La visite du président Abdel-Fattah Al-Sissi au Sommet Chine-Afrique est une reconnaissance du rôle important joué par la Chine en Afrique, qui va de pair avec l’intérêt de l’Egypte pour l’Afrique. La coopération tripartite entre l’Egypte, la Chine et l’Afrique sera l’un des piliers de la politique étrangère de l’Egypte. L’Egypte est au bénéfice d’expériences importantes en Afrique et sera présidente de l’Union africaine en 2019.

— Voulez-vous dire que l’Egypte a un poids important et que les grands pays comme la Chine cherchent à en profiter ?

— L’Egypte jouit d’un grand respect auprès des Chinois, non seulement pour son emplacement géographique, mais aussi pour sa culture. L’Egypte est au centre des intérêts de la Chine, non seulement parce qu’elle fait partie de l’Afrique, mais surtout parce qu’elle fait partie du Proche-Orient. En effet, ce qui se passe en Egypte est un indicateur de ce qui se passera dans la région. Cela signifie pour la Chine que, puisque l’Egypte est stable et joue un rôle de premier plan au Moyen-Orient, l’ensemble de la région sera stable. Une stabilité qui lui rapporte beaucoup en termes de commerce et d’investissement. D’où l’intérêt de la Chine à consolider ses liens avec l’Egypte et à consulter le président Al-Sissi pour réaliser la stabilité et la sécurité dans la région. Quant aux relations bilatérales, la coopération économique et commerciale sino-égyptienne se renforce de plus en plus. Les investissements chinois en Egypte n’ont cessé de croître au cours des dernières années. En fait, grâce à sa situation géographique stratégique, l’Egypte joue un rôle-clé dans l’initiative « La Ceinture et la route » lancée par la Chine et attire de plus en plus d’investissements chinois, notamment dans la zone du Canal de Suez.

— Cinq ans après le lancement de l’initiative « La Ceinture et la route », quel a été son impact sur l’Egypte et la région ? La Chine a-t-elle vraiment appliqué son concept de partenariat gagnant-gagnant dans la région ?

— L’initiative « La Ceinture et la route » s’est fait un nombre croissant d’amis depuis son lancement il y a cinq ans. Plus de 100 pays et organisations internationales y ont apporté leur soutien et quelque 40 pays et organisations internationales ont signé des accords de coopération avec la Chine. L’initiative est très importante et nous, Arabes, devons bien comprendre ses dimensions et bien connaître la mentalité chinoise. La philosophie chinoise repose sur les avantages mutuels et ne donne pas d’argent gratuitement. Les Chinois appliquent très bien le concept de partenariat gagnant-gagnant dans tous leurs projets ou investissements. L’Egypte doit tirer profit des avantages de l’initiative, surtout parce qu’elle peut y jouer un rôle très important grâce à son emplacement géographique. La partie égyptienne doit prendre cette initiative au sérieux, la comprendre, suivre son développement et les projets qu’elle a soutenus, ainsi que ses mécanismes internes. Il existe une forte relation entre cette initiative et le développement de l’axe de l’est du Canal de Suez, vu que la Chine y a installé une ville industrielle. Après les réformes économiques audacieuses, la promulgation de lois en faveur de l’investissement et le prêt du Fonds monétaire international, l’Egypte entre dans une nouvelle ère, qui attire les investissements de géants internationaux comme la Chine, la Corée du Sud, l’Inde et l’Europe, car les rendements de l’investissement en Egypte sont parmi les plus élevés au monde.

— Après la guerre commerciale lancée par les Etats-Unis contre la Chine, cette dernière s’orientera-t-elle vers l’ouverture de nouveaux marchés en Egypte et dans les pays arabes et africains ?

— Je pense que c’est une excellente occasion pour l’Egypte, mais aussi pour les pays arabes et africains, de renforcer ses relations avec la Chine et de coopérer avec ce géant asiatique émergent. Par conséquent, l’orientation égyptienne vers l’Est est tout à fait judicieuse. L’Egypte doit maintenant obtenir une meilleure compréhension de son partenaire chinois en donnant la chance aux centres de recherche de présenter des idées qui profitent aux deux parties. Les médias, quant à eux, doivent être actifs des deux côtés pour transmettre ce qui se passe dans l’autre pays. De même, les hommes d’affaires doivent être actifs dans le domaine des co-entreprises. Quant aux services de sécurité, ils doivent échanger des informations avec leurs homologues chinois dans la lutte contre le terrorisme. Tout cela donnera un coup de pouce aux relations entre les deux pays.

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