Dossier > Dossier >

Egypte-Chine : Vers un partenariat optimum

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 28 août 2018

Participer au Forum sino-africain à Pékin, renforcer le partenariat économique avec la Chine et finaliser des projets d’investissements, tels sont les objectifs de la visite du président Abdel-Fattah Al-Sissi en Chine, prévue au cours de la première semaine du mois de septembre.

Egypte-Chine : Vers un partenariat optimum
Le président chinois, Xi Jinping, avec le président Abdel-Fattah Al-Sissi lors de sa visite en Egypte en janvier 2016.

A quelques jours de la visite du président Abdel-Fattah Al-Sissi en Chine pour participer au Forum sino-africain prévu les 3 et 4 septembre à Pékin, les va-et-vient dans les milieux d’affaires des deux pays ne s’interrompent pas. Alors qu’une délégation d’investisseurs et de chefs d’entreprises chinois était en visite la semaine dernière en Egypte pour y découvrir les champs d’investissements, le Conseil des ministres a consacré une grande partie de ses réunions pour examiner les préparatifs de la visite. Objectif : préparer les projets d’investissements que l’Egypte vise à finaliser avec la partie chinoise dans plusieurs secteurs : électricité, logement, transport et éducation.

Il s’agit essentiellement du financement de la zone centrale des travaux dans la Nouvelle Capitale administrative, la mise en place d’un train électrique qui doit relier les nouvelles villes aux zones industrielles et l’installation d’une centrale électrique à charbon propre à Hamraweine, sur les côtes de la mer Rouge. Le déplacement du président dans le pays du dragon asiatique, le cinquième depuis 2014, intervient aussi après une visite de deux jours à Bahreïn. « Ce forum constitue l’événement le plus important, cette année, en Chine », a déclaré le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, à la presse.

Le chef de la diplomatie chinoise prévoit également l’adoption « de la Déclaration de Pékin », et d’« un plan d’action commun 2019-2021 », à l’issue du forum, ainsi que la signature de conventions de coopération bilatérale « qui doit tracer les contours de la coopération entre la Chine et l’Afrique pour les trois prochaines années » (voir page 4).

Le gouvernement se prépare en parallèle pour un autre rendez-vous en Chine également important, prévu en novembre prochain. Il s’agit de la première exposition internationale des importations qui se tiendra à Shanghai avec la participation de 2 800 entreprises de plus de 130 pays et régions. Choisie par le gouvernement chinois, comme étant « l’invitée d’honneur » de l’exposition, l’Egypte sera sous le feu des projecteurs. Cette exposition sera une grande opportunité pour l’Egypte d’accroître ses exportations vers la Chine.

En fait, les relations égypto-chinoises sont en pleine ascension depuis 2014. Le volume commercial entre les deux pays a dépassé les 11 milliards de dollars. Les exportations égyptiennes vers le marché chinois sont estimées à 408 millions de dollars en 2017, contre 255 millions de dollars en 2016, soit une augmentation de 60 %. Le chiffre des touristes chinois est aussi en constante augmentation. L’ambassade de Chine au Caire a dévoilé en mai dernier qu’environ 300 000 touristes chinois se sont rendus en Egypte en 2017. 1 558 entreprises chinoises opèrent actuellement en Egypte contre 1 200 en 2016.

La question qui s’impose alors est de savoir comment l’Egypte peut tirer profit de cette visite en Chine, notamment pour accroître les investissements chinois dont les chiffres, bien qu’ils soient en constante augmentation depuis trois ans, ne sont pas encore à la hauteur des potentiels économiques que les deux pays pourraient offrir l’un à l’autre. « Nous oeuvrons à ce que la Chine soit classée parmi les 10 premiers investisseurs en Egypte », a déclaré la ministre des Investissements, Sahar Nasr. La Chine occupe actuellement le 21e rang dans la liste des pays investisseurs en Egypte.

L’Egypte, porte d’entrée vers de nombreux marchés

Egypte-Chine : Vers un partenariat optimum
La zone économique du Canal de Suez attire les investissements chinois. (Photo : AFP)

Selon Nourhane Al-Sheikh, spécialiste des affaires asiatiques, « il est très important que l’Egypte ne soit pas absente de la carte de coopération Chine-Afrique. Ce forum sera une bonne occasion pour renforcer notre partenariat avec la deuxième puissance économique dans le monde ». Avis partagé par Shérif Al-Khareiby, expert économique et membre du Conseil égyptien des affaires étrangères, qui pense que l’importance de la visite, cette fois-ci, réside dans le fait qu’elle « intervient en pleine guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis », dit l’expert, avant d’ajouter : « Il est prévu donc que la Chine offre au cours du forum un paquet de facilités commerciales afin de remplacer le marché américain par le marché africain ». En d’autres termes, comme l’explique Al-Khareiby, « la Chine mise beaucoup sur ce forum pour surmonter rapidement les entraves commerciales imposées par Washington à son économie et transférer le surplus commercial vers l’Afrique ». D’où l’intérêt de la Chine pour organiser, en marge du forum, la 6e conférence des chefs d’entreprises sino-africains. Il s’agit de l’organisation d’un débat de haut niveau entre les dirigeants chinois et africains et les représentants des milieux d’affaires et des bailleurs de fonds. Selon des déclarations récentes du ministre du Commerce et de l’Industrie, Amr Nassar, « l’Egypte doit tirer profit de la tendance accrue de la Chine pour transférer une partie de ses industries en dehors de ses territoires, notamment vers la région de l’Afrique du Nord en raison de sa proximité avec le marché européen. Il sera alors facile pour les industries chinoises portant l’étiquette Made in Egypt d’accéder facilement au marché européen».

Une participation active

Selon Al-Khareiby, l’Egypte est actuellement un acteur incontournable dans le partenariat sino-africain, vu sa présence accrue dans le continent noir. « L’Egypte a marqué un grand retour en Afrique. Depuis 2014, le président a effectué 35 visites dans des pays africains. L’influence de l’Egypte, élue présidente de l’Union africaine pour l’année 2019, va prendre autant d’ampleur dans la période à venir », ajoute-t-il. Youmna Al-Hamaky, professeure d’économie à l’Université du Caire, ajoute d’autres raisons qui rendront cette fois-ci la participation de l’Egypte « plus remarquable et plus active ». « L’Egypte vient d’accueillir à Charm Al-Cheikh la 41e réunion annuelle de l’Association des Banques Centrales Africaines (ABCA), à l’issue de laquelle elle est nommée à la tête de cette association pour l’exercice 2018-2019. La présidence de l’ABCA va donner certes à l’Egypte une grande occasion de soutenir la complémentarité au niveau du continent », précise Al-Hamaky.

Mais il s’agit en fait d’une relation d’intérêts réciproques. « Si l’Egypte est la porte d’entrée pour la Chine vers l’Afrique, dans le sens inverse, le partenariat égyptien avec la Chine, le premier partenaire commercial de l’Afrique, pourra renforcer la coopération égypto-africaine », dit Nourhane Al-Sheikh, avant d’ajouter : « On a certes réussi récemment à marquer un grand retour dans le continent africain sur le plan diplomatique, mais il reste encore une longue voie à parcourir pour renforcer la complémentarité économique et coopérative avec l’Afrique. La Chine pourrait servir comme un modèle à suivre en nous guidant sur les champs et les moyens pour investir dans le continent ».

Sur la route de la soie

Donner une nouvelle impulsion à l’initiative de « La Ceinture et la route » est le grand thème du forum. Cette initiative lancée en 2013 se trouve actuellement au coeur du partenariat sino-africain (voir page 4). L’Egypte, « le pivot dans la mise en place de cette initiative », comme a assuré le président chinois lors de sa visite au Caire en 2016, n’a pas tardé de la rejoindre. Essam Charaf, ancien premier ministre, fait partie du comité formé par le gouvernement chinois pour ce projet. « La Chine accorde un grand intérêt à coopérer avec l’Egypte en tant que pays axial au Proche-Orient comme en Afrique. L’ouverture du Nouveau Canal de Suez, deux ans après le lancement de cette initiative, a donné une forte impulsion pour la coopération sino-égyptienne. C’est autour de ce couloir, qui se trouve au coeur de la route de la soie, que les investissements chinois ne cessent d’accroître », dit Al-Khareiby, avant d’ajouter que « la Chine vise à faire de la zone industrielle chinoise dans le Canal de Suez une zone de stockage et de transit des produits chinois vers de nombreux marchés en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe ».

Lien court: