Depuis des années, Le Caire et Paris multiplient les initiatives de rapprochement dans le domaine militaire. Pour preuve : la visite, cette semaine, du nouveau ministre égyptien de la Défense, le général Mohamad Zaki, à Paris à la tête d’une délégation militaire de haut rang. Zaki s’est entretenu avec de hauts responsables militaires français des moyens de renforcer la coopération militaire entre les forces armées des deux pays.
En effet, la coopération militaire s’est considérablement renforcée entre Paris et Le Caire depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdel-Fattah Al-Sissi en 2014. La France est devenue, au cours des dernières années, l’un des plus importants fournisseurs d’armes à l’Egypte.
Depuis 2014, Le Caire a signé avec la France des contrats d’armement d’une valeur de 6 milliards d’euros. Le groupe industriel français DCNS, spécialisé dans l’industrie navale militaire, et le groupe Thales, spécialisé dans l’aérospatiale, la défense et la sécurité, ont vendu à l’Egypte 4 navires de guerre, dont 2 corvettes Gowind, un patrouilleur hauturier Adroit et un patrouilleur de moindre envergure de 54 m de type P400, fourni par le chantier naval Piriou de Concarneau. Soit un contrat de 500 à 600 millions d’euros. Le groupe électronique Airbus Space Systems et Thales Alenia Space ont aussi signé un accord portant sur la vente d’un satellite de télécoms militaires pour un montant estimé à environ 600 millions d’euros. De même, Dassault Aviation a fourni 4 Falcon 7X (autour de 300 millions d’euros) à l’Egypte en vue de remplacer l’actuelle flotte composée d’avions américains.

Ces ventes ont propulsé la France en tête de liste des pays exportateurs d’armes à l’Egypte. La France est le deuxième plus grand fournisseur d’armes au monde, derrière les Etats-Unis, à quasi-égalité avec la Russie. Le développement rapide de la coopération militaire franco-égyptienne s’est concrétisé en 2017 par la création d’un Haut comité militaire présidé par les chefs d’état-major des deux armées. En septembre 2017, la première des quatre corvettes du type Gowind 2500 produite par le site Naval Group de Lorient, « Al-Fateh » a été livrée à l’Egypte. Ces corvettes mettront en oeuvre un système surface-air VL Mica (16 missiles), 8 missiles antinavire Exocet MM40 Block 3, une tourelle de 76 mm, 2 canons de 20 mm et des tubes lance-torpilles. Elles disposent d’un sonar de coque de la famille Kingklip, ainsi qu’un sonar remorqué Captas 2. Pour Mona Soliman, chercheuse à la faculté des sciences politiques de l’Université du Caire, la coopération militaire entre l’Egypte et la France reflète le rapprochement politique entre les deux pays et leurs efforts communs pour lutter contre le terrorisme. « La vente par la France de ces armes à l’Egypte émane de sa volonté de soutenir l’Egypte dans sa guerre contre le terrorisme », indique Soliman. Elle ajoute que l’Egypte reste pour la France un partenaire essentiel dans une région en pleine recomposition. « La France, qui craint l’expansion du terrorisme en Europe, partage le point de vue de l’Egypte sur les dossiers régionaux. Avec l’arrivée du président Emmanuel Macron au pouvoir, les relations bilatérales ont connu un élan assez important dans tous les domaines », explique la chercheuse.
Vaste coopération
Le plan annuel de coopération en matière de défense entre l’Egypte et la France comporte une centaine de domaines. Il englobe la formation, l’échange d’expériences, les exercices conjoints et le dialogue stratégique. C’est ce qu’explique l’expert militaire Nasr Salem selon qui la coopération militaire entre l’Egypte et la France « ne se limite pas à la vente des armes, mais elle comprend aussi des domaines comme les exercices militaires et la coopération stratégique ». En effet, dans le cadre du renforcement de la coopération et de l’échange d’expériences entre les forces armées égyptiennes et françaises, des exercices militaires, aériens et maritimes ont lieu continuellement entre les deux pays. Les derniers, baptisés « Cléopâtre 2018 » ont mobilisé notamment des bâtiments, des navires égyptiens et français, plusieurs frégates et des avions égyptiens de combat. « Il s’agit de renforcer les capacités de la Marine égyptienne dans les deux mers, en Méditerranée et en mer Rouge, et de protéger les cibles économiques, pour prévenir l’infiltration et le trafic dans les zones côtières égyptiennes. Une protection qui intéresse aussi la France qui craint comme tous les pays l’expansion du terrorisme », souligne Salem.
Formation et échange d’expérience
De même, sur le plan de la formation, des rencontres annuelles ont lieu en France où des officiers égyptiens sont admis pour suivre des stages dans les différents centres de formation militaires français comme l’Ecole de guerre, le Centre d’Analyse et de Simulation pour la Préparation des Opérations Aériennes (CASPOA), et les écoles d’officiers. Des stages sont également organisés dans les différents centres de formation et d’entraînement de la marine française ou encore dans les hôpitaux d’instruction des armées au profit du personnel médical.
Par ailleurs, de nombreuses visites croisées sont organisées chaque année, sous l’impulsion des états-majors, pour des échanges entre les hautes autorités et pour partager les expériences opérationnelles.
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