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L’âge des ambitions

Dalia Chams, Jeudi, 18 mai 2017

Des téléfeuilletons, des films, des centres pour apprendre le chinois, d'autres pour enseigner l'anglais, sont autant d'éléments développés par Beijing pour séduire la planète.

L’âge des ambitions
Un film sur Bruce Lee, la légende.

L’heure est à la réinvention de soi. La Chine s’essaie depuis une dizaine d’années au soft power, ce concept développé en 1990 par Joseph Nye, professeur et doyen à Harvard. Disposant d’outils de base pour devenir une superpuissance, grâce à son excédent commercial et sa force de frappe financière, le pays poursuit son opération de charme sous la présidence Xi, afin d’améliorer son image de par le monde. Beijing dépense un budget colossal afin de séduire et faire en sorte que les autres agissent en harmonie avec ses intérêts.

L’ancien président Hu Jianto a commencé par ouvrir des centaines d’instituts Confucius à l’étran­ger, par accueillir des étudiants étrangers (aujourd’hui, il y a plus de 40 000 étudiants africains en Chine et 15 000 étudiants chinois en Afrique), par tenir une exposition universelle à Shanghai, par avoir en 1993 une publication spéciale du quotidien China Daily pour aider les jeunes à apprendre l’an­glais, mais quelques-uns de ses efforts passaient sous silence comme ses démarches diplomatiques pour résoudre les petits conflits de voisinage, avec la Russie, le Vietnam, etc.

L’audiovisuel a été aussi largement mis à contri­bution. En l’an 2000, la Chine lance CCTV inter­national (télévision centrale de Chine), une chaîne d’information en continu diffusée en anglais, laquelle sera remaniée et changera de nom en 2010, pour s’appeler CGTN (China Global TV Network), dans le but de donner une meilleure impression. La Chine s’est mise également à diffu­ser des oeuvres légères et amusantes, notamment destinées à l’Afrique et l’Amérique du Sud, et à investir dans le cinéma, en se lançant dans des coproductions qui facilitent à ces films d’accéder aux salles obscures, comme ce fut le cas avec Le Dernier loup de Jean-Jacques Annaud, en 2014.

Dans cette même optique, le film sino-américain Little Dragon, qui raconte l’histoire de la jeunesse du célèbre comédien Bruce Lee, est tourné cet été en Chine et en Malaisie par le réalisateur indien Shekhar Kapur. La fille de Bruce Lee, Li Xiangning, a été invitée comme cinéaste et productrice du film, et le directeur de casting d’Hollywood, Mary Vernieu, a déjà commencé à chercher dans le monde entier le jeune acteur qui est censé incarner cette légende du cinéma.

« Derrière les célèbres soap operas américains, il y a toujours eu de la public diplomacy (conduite d’une politique extérieure qui s’adresse aux peuples étrangers). On a voulu réitérer par exemple aux Chinois que le socialisme laisse à désirer, alors que le capitalisme est cool. Les Américains, voire même les Suisses et tous les autres pays, dépensent des millions pour améliorer leur image, nous ne sommes pas les seuls à le faire », souligne Jiang Weiqiang, du bureau d’information du Conseil d’Etat. Et à sa com­patriote, vice-directrice de Radio Chine Internationale, Guan Juanjuan, d’affirmer : « Doubler des téléfeuilletons, comme Let’s Get Married, en arabe, en ordou, en swahili et en plein d’autres langues et dialectes, a le vent en poupe depuis 2012. Cela peut introduire une autre image du pays, en évoquant les histoires de jeunes gens à l’âge du mariage ».

Mais l’élaboration d’un soft power à même de promouvoir le rêve chinois et d’y adhérer lui faut bien longtemps pour s’établir dans l’esprit collectif. Les intérêts économiques, le rapport « gagnant-gagnant » promu par l’initiative de « la Ceinture et la Route » (voir article page 3) pour la coopération internationale, rapprochent les pays. Montrer les bénéfices concrets des projets économiques, convaincre le reste du monde de l’absence de visées hégémoniques, tels sont les objectifs que devra atteindre, à long terme, le soft power chinois. Celui-ci mise surtout sur le fait qu’il n’a pas de passé colonialiste, par exemple en Afrique, qu’il ne cherche ni à renverser les gouvernements ni à convertir d’autres pays au socialisme-capitaliste « à caracté­ristique chinoise ». Bien au contraire, le message martelé par la plupart de ces organes est clair : il faut agir au cas par cas, suivant le contexte et la culture locaux. C’est la logique que sous-tend l’initiative économique de la Route de la Soie, encourageant aussi bien les populations locales que les entreprises chinoises à maintenir de bonnes relations, allant encore au-delà des politiques.

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