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Le Caire-Washington : Nouveau départ

Ola Hamdi, Mardi, 04 avril 2017

La visite du président Abdel-Fattah Al-Sissi à Washington, la première d'un chef d'Etat égyptien depuis 2004, confirme le rapprochement entre Le Caire et la nouvelle Administration américaine.

Le Caire-Washington : Nouveau départ
Les deux délégations, égyptienne et américaine, lors de leur rencontre à Washington.

Une nouvelle page des relations égypto-américaines. Le président américain, Donald Trump, a rendu lundi un hommage au président Abdel-Fattah Al-Sissi, jugeant qu’il faisait « un travail fantastique » dans des conditions « difficiles ». « Nous sommes clairement derrière le président Sissi … Nous sommes clairement derrière l’Egypte et le peuple égyptien », a déclaré M. Trump, à l’occasion de cette première visite d’un président égyptien à la Maison Blanche depuis 2004. Et d’ajouter : « Vous avez, avec les Etats-Unis comme avec moi-même, un grand ami et un grand allié ». Trump n’a jamais caché son admiration du président Sissi. « C’est un type fantastique. Il a pris le contrôle de l’Egypte », déclarait-il en 2016 dans une interview à la chaîne de télévision américaine Fox Business.

Le président Abdel-Fattah Al-Sissi était arrivé dimanche à Washington pour une visite officielle de 5 jours, accompagné d’une importante délégation comprenant notamment Sameh Choukri, ministre des Affaires étrangères, Tareq Qabil, ministre du Commerce et de l’Industrie, Sahar Nasr, ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale, et Amr Al-Garhi, ministre des Finances, ainsi que le général Khaled Fawzi, directeur des renseignements généraux, et Abbas Kamel, directeur du bureau du président. Au cours de son séjour dans la capitale américaine, le président Sissi s’est entretenu avec un certain nombre de personnalités américaines dans les cercles de prise de décision aux Etats-Unis. Il a notamment rencontré des membres du Congrès, des partis républicains et démocrates, et les chefs d’un certain nombre de comités de la Chambre des députés et du Sénat, d’instituts de recherche, d’associations d’hommes d’affaires et d’ONG. Toutes ces rencontres visaient à « expliquer la vision de l’Egypte sur les dossiers régionaux, et à renforcer les relations bilatérales ». Cette visite du président Sissi est la première d’un chef d’Etat égyptien aux Etats-unis depuis 2004. Après la destitution de l’ancien président islamiste, Mohamad Morsi, en 2013, les relations entre Washington et Le Caire s’étaient notoirement refroidies. Les Etats-Unis avaient gelé, en octobre 2013, leurs aides militaires annuelles à l’Egypte, estimées à 1,3 milliard de dollars. Washington avait fini toutefois par renoncer à sa position, fin mars 2015, annonçant le déblocage de cette aide. Trump et Al-Sissi s’étaient rencontrés à New York en septembre, pendant la campagne électorale du président américain. Il est question désormais de relancer les relations bilatérales à tous les niveaux.

Coopération économique

Le président Al-Sissi a rencontré pendant sa visite des hommes d’affaires et les chefs des grandes sociétés américaines telles que General Electric, Lockheed Martin, spécialisée dans la fabrication d’avions militaires, et d’autres. Vendredi la Maison Blanche a indiqué que Donald Trump voulait « profiter de la visite du président Sissi pour relancer les relations bilatérales et renforcer les connexions solides établies ». « Le président Sissi a rencontré le président de la Banque mondiale, qui a des projets pour soutenir le développement économique en Egypte ainsi que la réforme économique. Le président de la Banque mondiale a exprimé sa volonté de coopérer avec l’Egypte et d’y soutenir des projets », a déclaré pour sa part Sameh Choukri. Et d’ajouter : « Le président de la Banque mondiale a fait l’éloge des décisions courageuses de l’Egypte sur la réforme économique, et la volonté de se diriger vers un avenir meilleur. Ces mesures sont sans précédent, et indispensables afin de parvenir à une meilleure situation ».

Juste avant la visite, la Maison-Blanche avait dévoilé que les aides militaires et économiques fournies à l’Egypte ne feront l’objet d’aucun changement. « Nous avons des liens de longue date impliquant une assistance militaire considérable et un soutien économique. Ce soutien se poursuit, et nous nous attendons à le poursuivre dans l’avenir », a déclaré le représentant de l’Administration présidentielle américaine. L’Egypte est le deuxième bénéficiaire dans la région de l’aide américaine après Israël, mais devant la Jordanie et l’Autorité palestinienne. L’aide militaire s’est aussi imposée avec force dans les pourparlers entre les deux présidents. « Avec ce rapprochement entre l’Egypte et l’Administration Trump, on peut s’attendre à un nouvel élan de la coopération militaire en ce qui a trait à l’armement, à l’échange d’informations et de renseignements. Ces échanges de renseignements peuvent être précieux pour l’Egypte car elle en a absolument besoin dans sa lutte antiterroriste », explique le spécialiste Amr Abdel-Atty, spécialiste des relations égypto-américaines à la revue de politique internationale Al-Siyassa Al-Dawliya.

La paix et la lutte antiterroriste

Mais outre les aides et la coopération économique, la lutte contre le terrorisme et la relance du processus de paix au Proche-Orient ont été évoquées par les deux présidents. Abdel-Fattah Al-Sissi a affiché sa volonté de travailler étroitement avec les Etats-Unis dans le cadre « d’une stratégie efficace de lutte contre le terrorisme ». Donald Trump s’est dit favorable à une telle stratégie. « Je veux que tout le monde sache que nous sommes clairement derrière le président Sissi, il a fait un travail fantastique dans un contexte très difficile », a déclaré Trump. Et d’ajouter : « Nous allons coopérer avec l’Egypte au plus haut niveau. Vous avez un grand ami aux Etats-Unis ».

« Au cours de la réunion en septembre dernier avec le président Trump, j’ai exprimé mon admiration profonde pour sa responsabilité. M. Trump a un caractère unique, notamment en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme », a déclaré pour sa part le président Sissi, affirmant : « L’Egypte se tiendra aux côtés des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme ». Pour le chef de l’Etat égyptien, Donald Trump comprend bien mieux que son prédécesseur, Barack Obama, la nécessité de lutter contre les djihadistes.

La lutte contre le terrorisme est l’un des points de convergence entre l’Egypte et la nouvelle Administration américaine. « Déjà, Trump lors de sa campagne électorale avait placé la lutte contre Daech et les groupes extrémistes comme sa priorité. C’est d’ailleurs dans ce contexte que l’Administration américaine a augmenté le nombre de ses soldats en Syrie pour la première fois. Cela signifie qu’il y a une approche différente, et c’est une tournure favorable pour l’Egypte dans sa guerre contre le terrorisme », analyse Abdel-Atty. Selon lui, l’Administration américaine pourrait demander à l’Egypte un engagement militaire en Syrie dans le cadre d’une coopération antiterroriste. « L’Egypte ne s’y opposera pas à mon avis à condition que cette intervention soit faite sous mandat international », affirme Abdel-Atty.

La question de la paix au Proche-Orient et de la situation dans la région a été enfin évoquée par les présidents Sissi et Trump. Le Caire tente de relancer l’Administration américaine, en vue d’un règlement de la question palestinienne. Les récentes déclarations de Trump, laissant entendre que la solution des deux Etats pourrait ne pas être la seule du confit israélo-palestinien, ont donné lieu à des inquiétudes dans le monde arabe. « Nous aiderons l’Administration américaine à régler la question du siècle, c’est-à-dire la question palestinienne », a déclaré le président Sissi. Nabil Mikhaïl, professeur de sciences politiques à l’Université George Washington, commente : « La visite du président Sissi à Washington a permis une meilleure compréhension entre Le Caire et Washington sur les grands dossiers régionaux. Les Etats-Unis ont besoin de l’Egypte comme une entité forte dans le monde arabe. Les Américains sont soucieux de connaître la vision de l’Egypte sur les crises en Iraq, au Yémen, en Syrie et en Libye. Les Etats-Unis encourageront le rapprochement entre l’Egypte et la Russie. Et cela donnera du poids stratégique à l’Egypte », conclut-t-il.

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