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Colère populaire: Le silence assourdissant des islamistes

May Al-Maghrabi, Mardi, 12 mars 2013

La réaction des islamistes vis-à-vis des incidents qui secouent le pays reste très limitée malgré l'ampleur des dégâts et la désobéissance civile. Un mutisme qui soulève beaucoup de questions.

Cries
La rue continue à crier, et les Frères font la sourde oreille. (Photo: Reuters)

La ville de Port-Saïd est en désobéissance civile, la violence va crescendo et le bilan des victimes s’alourdit. Le régime des Frères musulmans fait la sourde oreille laissant la situation pourrir. Les peines prononcées à la suite du procès du drame du stade de Port- Saïd, et qui ont été confirmées cette semaine, ont suscité l’explosion de la fureur des Ports-Saïdis. Ces derniers ont le sentiment qu’ils sont des boucs émissaires et que le régime s’entête à faire la sourde oreille. Puisque, face aux émeutes frappant la ville, le régime des Frères musulmans ne réagit que par des mesures répressives. Se trouvant dans une situation embarrassante, le régime des Frères musulmans a opté pour la fermeté dans une tentative de reprendre le contrôle d’une situation qui lui échappe. C’est ce que révèle la politique du président Morsi, qui a trouvé dans le durcissement de la poigne sécuritaire la seule solution à la crise de Port-Saïd.

Dès le début de la crise, fin janvier dernier, Morsi a décrété un couvre-feu d’un mois dans les trois villes du Canal de Suez : Port-Saïd, Ismaïliya et Suez, au lieu d’être à l’écoute d’un peuple frustré. Si les Frères musulmans persistent à gérer la situation en recourant au sécuritaire, c’est parce qu’il ne s’agit, pour eux, que de hooligans et de casseurs, comme les ont qualifiés le président Morsi et sa confrérie. « Ce qui se passe à Port- Saïd ne peut pas être qualifié de désobéissance civile. Ce ne sont que des actes de hooliganisme que les Egyptiens rejettent », c’est ce qu’a déclaré le président Morsi. Une position certes partagée par sa confrérie accusée d’immobilisme et de mauvaise gestion des affaires publiques. Oussama Gado, cadre de la confrérie, estime que les contestations à Port-Saïd sont limitées et ne visent qu’à discréditer le président Morsi. « Ceux qui sont à l’origine des émeutes à Port-Saïd sont des voyous et des gens appartenant à l’ancien régime et voulant semer le désordre dans le pays. Il est temps de rétablir la stabilité et de poursuivre l’instauration des institutions de l’Etat », indique Gado, estimant que la présidence a traité l’affaire de Port-Saïd avec assez de lucidité. « Pourquoi tout ce tollé ? Le verdict de Port-Saïd n’est pas irrévocable, et les familles des condamnés peuvent faire un recours. Pourquoi donc politiser un procès tranché par la justice au lieu de valoriser les intérêts publics ? », se demande Abdel-Moneim Abdel-Maqsoud, avocat de la confrérie.

Le président et la confrérie déconnectés

Selon Guehad Ouda, politologue, le président et sa confrérie semblent carrément déconnectés de la réalité. Ils ne réalisent pas l’ampleur de la situation à Port- Saïd et dans toute l’Egypte.

« L’arrogance et l’obstination politique qui caractérisent la confrérie depuis son accession au pouvoir la poussent à rejeter toute critique, suivant le principe de : plaignez-vous autant que vous voulez, nous faisons ce que nous voulons. La confrérie persiste à imputer à la contre-révolution, orchestrée par les caciques de l’ancien régime, la responsabilité des violences. Elle reproche aux médias et à l’opposition de jeter de l’huile sur le feu », explique Ouda. Selon lui, le problème du régime est dans le fait qu’il ne conçoit pas l’enjeu des contestations. Par conséquent, il ne parvient pas à résoudre les problèmes. « Les Frères musulmans ont tort d’imaginer qu’ils sont capables de leurrer ou de domestiquer un peuple qui s’est débarrassé à jamais de la soumission à toute dictature depuis janvier 2011.

C’est une catastrophe que les Frères restent dominés par la théorie de conspiration et ne réalisent pas que les Egyptiens ne s’insurgent pas contre le président Morsi, mais contre tout autoritarisme », estime Ouda.

Face à cette sourde oreille des Frères musulmans dans le traitement du dossier de Port-Saïd, ce peuple irréductible les a obligés à quitter la ville. Affaire que la confrérie a essayé d’atténuer pour sauver sa face. Un responsable du Parti Liberté et justice à Port-Saïd a indiqué qu’ils sont toujours à Port-Saïd, mais de manière plus discrète. « Nous ne nous sommes ni enfuis, ni retirés des rues. Mais nous avons fermé notre QG et nous agissons de manière individuelle. Pas par peur, mais pour éviter un bain de sang », a-t-il affirmé.

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