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Magued Karameddine Mahmoud : Il existe une volonté de développer les énergies renouvelables à grande échelle

Nourane Chérif, Mercredi, 28 septembre 2016

Magued Karameddine Mahmoud, spécialiste des énergies durables, chef de projets et des affaires techniques au Centre régional pour les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique (RCREEE), estime que face aux énergies fossiles, le solaire et l'éolien sont en posture concurrente.

Magued Karameddine Mahmoud : Il existe une volonté de développer les énergies renouvelables à grande
Magued Karameddine Mahmoud

Al-Ahram Hebdo : Comment expliquez-vous la chute, observée depuis plusieurs mois, des cours du pétrole ?

Magued Karameddine Mahmoud : Le prix du pétrole dépend de l’équilibre entre l’offre et la demande sur les marchés. Celui-ci évolue en fonction de facteurs géopolitiques, économiques et climatiques. Par exemple, le ralentissement très important de l’économie chinoise réduit la demande du pétrole, au cours des dix dernières années, la consommation chinoise de pétrole est passée de 7 à 11 Mb/jour, ce qui est équivalent à la consommation de l’Amérique latine et de l’Afrique subsaharienne combinée. Ainsi, il est évident que la non-progression de la consommation de pétrole en Chine réduit l’augmentation de la demande mondiale, ce qui mène à la baisse des prix. En outre, l’augmentation continue de la production pétrolière américaine rend la situation plus difficile. Au mois de janvier dernier, les Etats-Unis ont exporté pour la première fois à la France. Et entre 2012 et 2015, les Etats-Unis ont fait passer leur production de pétrole de 10 à 14 Mb/j, dépassant ainsi la production des principaux pays producteurs de pétrole comme la Russie et l’Arabie saoudite. On ajoute aussi le fait que l’Iraq a pu accroître sa production de brut de 3,3 à 4,3 Mb/j, après une longue absence sur le marché pétrolier. En fait, cette augmentation d’un million de barils par jour est équivalente à la totalité de la production de l’Algérie, le troisième producteur africain de pétrole. De la même manière, la levée des sanctions contre l’Iran et son retour sur les marchés pétroliers ont eu un impact important. Selon les estimations de l’Opec, la production iranienne a atteint environ 3 Mb/j. De la même façon, le Brésil a augmenté sa production pour atteindre 3 Mb/j. C’est cette grande augmentation de l’offre qui mène à la baisse des prix. Ajoutant aussi le facteur climatique, l’hiver 2015-2016 a été le plus chaud enregistré dans certaines régions de l’hémisphère nord, ce qui a mené à un recul de la demande sur les combustibles nécessaires pour les systèmes de chauffage en Europe, aux Etats-Unis et au Japon.

— Qui sont les gagnants et les perdants de cette baisse des cours ?

— Les principaux perdants de la baisse des prix sont les pays exportateurs qui dépendent du pétrole comme principale source de revenus, à savoir le Venezuela, l’Angola et le Nigeria. La souffrance de ces pays émane du fait qu’ils n’ont pas pu profiter des prix du pétrole quand ils étaient élevés, de manière à diversifier leurs secteurs industriels. Du côté des gagnants, les pays importateurs sont aux premières loges dont les consommateurs consacreront moins d’argent à l’achat de combustibles et disposeront donc d’une marge plus importante pour réaliser d’autres dépenses, une situation qui devrait donner un coup de pouce à la croissance. Par exemple, en Europe et à l’échelle des pays en voie de développement, la baisse du pétrole doit apporter un soutien non négligeable à la croissance économique.

— Y a-t-il un lien entre la baisse des cours du pétrole et les investissements dans les énergies renouvelables ?

— Sans doute. Cela pourra ralentir la prise des décisions liées à l’investissement dans le secteur des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Mais il est à noter que grâce au développement technologique, la production de l’électricité solaire et éolienne est devenue une concurrente sérieuse à la production de l’électricité à partir des combustibles fossiles, à savoir le pétrole et le gaz naturel. En fait, les estimations de l’année 2015 montrent que les différentes sources d’énergies renouvelables, y compris le soleil et le vent, garantissent actuellement environ le quart des besoins mondiaux en électricité.

— Comment évaluez-vous l’évolution de l’Egypte vers ces nouvelles sources énergétiques ?

L’Egypte est le leader de la région arabe et africaine en termes d’énergie éolienne. C’est le premier pays dans la région à produire de l’énergie grâce à plusieurs parcs éoliens le long de la côte de la mer Rouge. Le Maroc est son seul rival. Concernant l’énergie solaire, il y a plusieurs projets en Egypte qui visent à produire l’électricité à partir de cette source, mais j’estime que sa production ne dépasse pas les 90 MW. Et Bien que l’Egypte soit jusqu’à maintenant très dépendante des combustibles fossiles, il existe une volonté de développer les énergies renouvelables à grande échelle. Cette volonté est claire sur plusieurs aspects. A l’échelle législative, l’Egypte a promulgué une loi qui vise à stimuler les investissements privés dans les énergies renouvelables. Elle a aussi modifié la loi sur la création de l’Autorité gouvernementale de l’énergie renouvelable afin de faciliter la contribution des entreprises du secteur privé dans la production de l’énergie renouvelable. En plus, le ministère de l’investissement a annoncé que la deuxième phase du projet des nouveaux tarifs de la consommation d’énergies renouvelables entrera en vigueur le 28 octobre prochain, et ouvrira la voie vers plus de financements étrangers dans la production de l’énergie solaire et éolienne. Je crois qu’il est clair, à partir de la stratégie égyptienne 2030 et du lancement de l’initiative africaine pour les énergies renouvelables (AREI), que l’Egypte a une volonté de développer le secteur des énergies renouvelables. Egalement, l’Egypte, étant le siège du Centre régional pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique (RCREEE), est liée avec les 17 Etats arabes membres par un engagement politique afin de développer l’énergie provenant de sources renouvelables.

— Pensez-vous que les dernières découvertes géantes de gaz naturel méditerranéen dans les eaux égyptiennes freinent cet élan vers les énergies renouvelables ?

Je pense que cet important surplus n’affectera pas les investissements dans les énergies renouvelables. Je crois qu’il faut une conscience de la part du pouvoir politique en place pour éviter cet effet, et pour exploiter ce surplus de gaz naturel dans les domaines ayant une forte valeur ajoutée comme les industries pétrochimiques, et non dans la production de l’électricité par exemple. En outre, avec la grande diminution des prix mondiaux des équipements et des installations nécessaires pour produire les énergies renouvelables, et surtout les panneaux solaires photovoltaïques nécessaires à la production de l’énergie solaire, il est peu probable que ce surplus de gaz naturel freine le développement des investissements dans les énergies renouvelables en Egypte.

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