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Dans l’attente de lois spécifiques

Hana Afifi, Mardi, 29 mars 2016

Le parlement doit adapter l'arsenal juridique actuel à la nouvelle Constitution. Explications.

Dans l’attente de lois spécifiques
124 clauses de la Constitution exigent la promulgation ou l'amendement de lois. (Photo : Khaled Machaal)

« L’Etat s’engage à promulguer les lois qui mettent en application les dispositions de la Constitution », sti­pule l’article 224 de la Constitution. 124 articles de la Constitution néces­sitent des lois pour la voir respectée, assure Ramadan Battikh, professeur de droit constitutionnel à l’Universi­té de Aïn-Chams, au Caire. Quelques-uns nécessitent que des lois soient promulguées « lors de la première session du parlement », c’est-à-dire lors des neuf premiers mois de travail du parlement. Pour activer la Constitution, il faut aussi que d’autres lois soient modifiées ou annulées, car elles sont inconstitu­tionnelles.

La loi sur la justice transitionnelle, la loi de la construction et la restau­ration des églises, ainsi que la loi établissant une Autorité nationale pour les élections sont censées être promulguées durant cette période de 9 mois. Battikh explique que la révo­lution comptait parmi ses revendica­tions la justice, c’est pourquoi la loi sur la justice transitionnelle est une « demande pressante ». L’article 241 de la Constitution stipule ainsi « la transparence, la réconciliation ainsi que la compensation des victimes » dans les périodes politiques transi­toires.

Concernant la loi sur la construc­tion et la restauration des églises, Battikh dit que le long débat social nécessite que la loi soit rapidement finalisée en réponse aux demandes des chrétiens. « C’est une obligation constitutionnelle pour le parlement et pour le président de promulguer ces lois, sinon ils seront question­nés », estime Fouad Abdel-Nabi, professeur de droit constitutionnel à l’Université de Ménoufiya (nord).

Un certain nombre d’autres lois doit aussi être promulgué sur un plus grand intervalle de temps. Pour l’ar­ticle 242 de la Constitution concer­nant les municipalités, « Cette loi doit être modifiée dans un maximum de cinq ans », dit Abdel-Nabi. Il explique que « la Constitution déter­mine un système pour l’administra­tion locale, notamment la décentrali­sation administrative, financière et économique, la représentation des jeunes et des femmes, ainsi que la mention élection des gouverneurs, qui sont des nouveautés dans la Constitution de 2014 ».

De même, l’article 236 de la loi fondamentale stipule une nouvelle loi pour créer une stratégie écono­mique pour les zones frontalières ou les régions défavorisées, notamment en Haute-Egypte, dans le Sinaï, à Matrouh et en Nubie. Une stratégie censée entrer en vigueur dans une limite de dix ans.

En matière de services publics et d’économie, les articles 18, 19, 21, 23 et 238 de la Constitution garantis­sent dans le budget de l’Etat un minimum de 3 % pour la santé, 4 % pour l’éducation, 2 % pour l’ensei­gnement supérieur et 1 % pour la recherche scientifique. « Le gouver­nement est ainsi entre deux feux : celui du déficit du budget et celui de la Constitution », dit Battikh.

Des modifications de lois sont aussi nécessaires pour activer les dispositions constitutionnelles, tan­dis que d’autres nécessitent de nou­velles lois pour être activées, incluant des lois pour créer l’Auto­rité nationale du journalisme (article 212 de la Constitution), l’Autorité nationale des médias (art. 213) et l’Autorité pour la lutte contre la corruption (art. 218). Concernant les libertés, il se trouve dans la Constitution des disposi­tions sur la liberté d’expression artistique et littéraire (art. 67) et une pour la libre circulation de l’in­formation (art. 68).

Parmi les lois que le parlement est obligé de promulguer figurent les lois du travail (art. 12 et 13 de la Constitution), du service public (art. 14) et du terrorisme (art. 237). Selon Abdel-Nabi, il faut déjà modifier le projet de loi du travail. « Le gouver­nement dit avoir modifié sept articles de la loi, mais ce n’est pas suffi­sant », dit-il. « La nouvelle loi du travail donnera plus de garanties aux ouvriers », dit Battikh. L’article 15 de la Constitution stipule le droit à la grève pacifique, et son article 42 implique la participation des ouvriers dans la direction des projets.

Quant à la loi sur le service public, le parlement l’a déjà rejetée. Et « tout projet de loi refusé par la Chambre des députés ne peut être reconsidéré durant la même législa­tion », selon l’article 122 de la Constitution que mentionne Battikh. Abdel-Nabi soulève de plus l’article 156, selon lequel une loi promulguée en l’absence de parlement et qui est ensuite présentée au parlement qui la rejette, perd sa force de loi.

Pour la loi sur le terrorisme, Battikh pense que trois lois existent déjà qui couvrent le contenu de l’ar­ticle 237 de la Constitution concer­nant le terrorisme : la loi de la lutte contre le terrorisme, la loi des entités terroristes et la loi pénale. « Il faut juste qu’elles soient appliquées », dit Battikh. De plus, Abdel-Nabi estime que la loi sur le terrorisme promul­guée en 2015 est inconstitutionnelle car la Constitution stipule qu’il faut que la lutte contre le terrorisme et le fait d’identifier les sources de finan­cement du terrorisme soient exécutés « selon un calendrier précis ». « La loi promulguée en août 2015 n’est pas pour une durée limitée. Elle est permanente, ce qui contredit la Constitution », soutient-il. Pour lui, il fallait modifier la loi pénale pour inclure les stipulations de l’article 237 de la Constitution au lieu de créer une nouvelle loi.

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