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Aoun et Geagea : L’alliance après l’hostilité guerrière

Hana Afifi, Mardi, 26 janvier 2016

Une effusion de sang qui date des années 1980 sépare Samir Geagea et Michel Aoun. Trente ans plus tard, ils se présentent comme alliés politiques.

Aoun et Geagea : L’alliance après l’hostilité guerrière
Les phalanges de Geagea lors des affrontements dans les années 1980.

Deux leaders chrétiens ennemis de guerre sont maintenant alliés dans le marathon de la présidentielle. Une entente qui semble dépasser les douleurs de la guerre civile. Des confronta­tions avaient eu lieu entre les forces de Michel Aoun et de Samir Geagea lors de la « guerre chrétienne de suppression » ou la « guerre chrétienne de l’unification du fusil », selon deux versions de l’histoire. Le 22 septembre 1988, le président Amin Gemayel a quitté le pouvoir après avoir désigné Aoun comme chef d’un gouvernement provisoire qui se chargera d’organiser la présidentielle, écrit Alain Ménargues, journaliste d’investigation et écri­vain français, dans son livre Les Secrets de la guerre du Liban. Après avoir formé un gouver­nement militaire, Aoun a annoncé une « guerre de libération » contre les Syriens en 1989, qui mènera après à des confrontations avec les Forces libanaises de Geagea. Cette annonce de guerre est intervenue à l’issue de deux événe­ments : le refus du chef du gouvernement Selim El-Hoss de quitter le pouvoir, étant sou­tenu par son gouvernement ainsi que par les Syriens, et l’élection d’Elias Hraoui, allié des Syriens, comme président fin 1989 par le par­lement libanais. Geagea, lui, était contre cette guerre de libération parce qu’elle était vouée à la défaite.

Guerre inter-chrétienne

La guerre chrétienne de suppression ou la guerre chrétienne d’unification du fusil repré­sente la plus grande hostilité entre Aoun et Geagea. Aoun voulait que toute milice arrête ses activités pour « unifier le fusil chrétien » (tawhid al-bondoqiya), ce que Geagea a consi­déré comme une tentative de « supprimer » les forces libanaises. « Durant cette période, pen­dant laquelle Aoun était chef du gouvernement militaire, Aoun a essayé d’utiliser l’armée pour contrôler les régions chrétiennes, alors qu’il a entamé des batailles avec les forces libanaises (chrétiennes), et a combattu de même dans les régions musulmanes », écrit Hassan Fathi Al-Qichawi, dans un article publié par l’agence du Moyen-Orient la semaine dernière. Ménargues écrit que quelques semaines après l’annonce de la guerre de libération, Geagea a accepté les accords de Taëf fin 1989, comme une déclara­tion de réconciliation nationale sous l’égide de la Syrie, soutenue par environ 60 parlemen­taires libanais réunis au Taëf en Arabie saou­dite.

Ainsi, suite au déclenchement de la guerre de libération et au support de Geagea à l’ac­cord de Taëf, des combats ont éclaté fin janvier 1990 entre les troupes de l’armée de Aoun et les forces libanaises de Geagea. On compte environ 570 morts lors de 18 jours d’affronte­ments, et 2 000 blessés, selon le New York Times le 17 février 1990.

Le 13 octobre 1990, une opération syrienne a remporté une victoire. Des avions syriens ont bombardé le bastion de Aoun, le palais prési­dentiel Baabda. Les forces syriennes ont enva­hi la région est et occupé le palais présidentiel, le ministère de la Défense. Aoun a été forcé de prendre refuge à l’ambassade de France avant de partir en France où il reste pour 15 ans avant de revenir au Liban en 2005. Geagea a, lui, pris refuge dans la montagne, et en 1991, il a été condamné à vie, accusé d’avoir joué un rôle dans l’explosion de l’église Sayédat Al-Najat. Certains pensent que le verdict était politique à cause de son refus de devenir ministre suite à l’accord de Taëf, ce qui a été interprété comme opposition à la Syrie. Il a été amnistié le 25 juin 2005 après l’évacuation des forces syriennes du Liban. Les Syriens étaient entrés au Liban en 1976 sous prétexte d’es­sayer de terminer la guerre civile qui a com­mencé en 1975, lorsque des membres des phalanges ont assassiné 27 personnes dans un bus, majoritairement des Palestiniens, à Ayn Al-Remmanah à Beyrouth.

En 1990, les Syriens avaient un pouvoir absolu, après l'accord de Taëf, selon lequel le Liban serait sous contrôle syrien pour deux années. Mais ils y sont restés jusqu’en 2005 suite à l’assassinat de Rafic Al-Hariri. Et ce n’est qu’en 2005, avec la sortie des Syriens, que les deux ennemis de guerre sont retournés à la scène politique.

En 2006, Aoun a signé un « document d’en­tente » avec le Hezbollah, allié des Syriens, et donc une alliance (le 8 Mars) a été scellée. Par ailleurs, « Geagea, éprouvant une haine contre le régime syrien, les armes du Hezbollah et fort partisan de la révolution syrienne s’y oppo­sait », explique Qichawi. En 2015, les forces libanaises de Geagea et le Bloc du Changement et de la Réforme ont signé un « document d’en­tente ». De plus, Geagea est accusé d’avoir assassiné Tony Frangié, père du membre du parlement Soliman Frangié du 8 Mars. Ménargues écrit qu’en 1978, des membres des forces libanaises dirigées par Geagea ont tué Tony Frangié, sa femme, sa fille âgée de 5 ans, et environ 30 personnes de sa garde rapprochée à Eden.

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