Officiellement, la visite se déroule du 25 au 27 août, mais les rencontres du président Abdel-Fattah Al-Sissi avec les responsables russes, dont son homologue, Valdimir Poutine, commencent ce mercredi à Moscou. Et selon le porte-parole de la présidence égyptienne, ce nouveau déplacement du chef de l’Etat «
reflète la volonté commune de consolider les relations stratégiques entre les deux pays et de les porter vers des horizons plus larges et distincts ».
La visite est pour Le Caire une occasion de renforcer la coopération avec Moscou dans les différents domaines, notamment économique, d’autant plus que la Russie représente l’un des plus importants partenaires commerciaux de l’Egypte. Outre la rencontre entre les deux présidents et la conférence de presse conjointe, Sissi s’entretiendra avec les présidents des grandes entreprises russes, ce qui reflète les relations étroites entre Le Caire et Moscou. En effet, le président Sissi s’est déjà rendu 3 fois en Russie, depuis qu’il gérait le portefeuille de la Défense. Nourhane Al-Cheikh, professeure des relations internationales et experte du dossier russe, a qualifié pourtant les relations entre Le Caire et Moscou de « naissantes, posant un nouveau fondement, mais dominées dans le même temps par l’incertitude et le manque de détermination ».
Les négociations se limitent au dossier économique, avec la création de la zone industrielle russe en Egypte, les relations militaires, le projet nucléaire égyptien et la possible contribution de la Russie à ce projet. Il y a aussi les dossiers régionaux, notamment les dossiers syrien et iranien.
Les relations militaires figureront en tête des sujets discutés à Moscou, comme l’estime Hossam Khairallah, expert en sécurité internationale, surtout après le cadeau offert par la Russie à l’Egypte, il y a environ deux semaines, et qui est un navire porte-missiles de type « B 32- Moulinia », qui s’avère être l’une des unités d’armement les plus sophistiquées de la marine russe.
Des informations circulent sur un contrat de vente d’avions Mig 29 à l’Egypte. Les médias russes avaient laissé entendre, avant la visite, qu’un accord serait conclu dans ce sens. Mais l’information a vite été démentie par le constructeur de ces avions.
Une source égyptienne en Russie indique qu’il existe un important rapprochement avec la Russie autour de la guerre contre le terrorisme et notamment Daech, même si les détails sur les efforts conjoints n’ont pas été révélés. L’expert russe, Mikhaël Riaboff, joint par téléphone à Moscou, affirme qu’il existe « une coordination égypto-russe dans ce domaine. Les Egyptiens utilisent les satellites russes dans la traque des terroristes dans le Sinaï », affirme-t-il. Ceci n’empêche pas Nourhane Al-Cheikh d’évoquer quelques difficultés dans les relations bilatérales égypto-russes. « A titre d’exemple, le doute plane sur la zone industrielle russe en Egypte. Cette zone annoncée, en 2007, devait être installée dans la région de Borg Al-Arab à Alexandrie. Mais Poutine a annoncé récemment avoir convenu de l’installer à Ataqa dans le Golfe de Suez, avant que le ministre du Commerce, Mounir Fakhri Abdel-Nour, n’annonce que l’emplacement de la zone n’est pas encore déterminé et qu’il est possible qu’elle soit installée à Suez ou à Fayoum », affirme Al-Cheikh.
Sur la même piste, l’économiste, Ibrahim Al-Ghitani, précise que les relations économiques égypto-russes n’ont pas progressé comme c’est le cas par exemple des relations économiques égypto-européennes. Selon lui, l’Egypte continue à fermer ses portes au marché russe, alors que le dialogue est plus ouvert au niveau des transactions d’armes. « Outre, la controverse sur l’emplacement de la zone industrielle russe, il y a aussi un discours au sujet d’un fonds d’investissement entre les deux pays qui n’a pas encore vu le jour. Et d’après certaines sources, Sissi avait demandé une réduction sur les prix du blé russe, mais Moscou n’a pas réagi à cette demande », dit Al-Ghitani.
Peu avant la visite de Sissi, le premier ministre russe avait déclaré que les deux pays étaient sur le point de signer un accord sur la contribution russe au projet nucléaire égyptien. Le premier ministre égyptien avait abordé cette même question avec les responsables français, lors d’une visite à Paris, il y a deux mois. Yousri Abou-Chadi, ex-inspecteur auprès de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, et l’un des experts égyptiens concernés par ce dossier, a affirmé à l’Hebdo dans un appel téléphonique, qu’il espère que la visite de Sissi en Russie redonne un élan au projet nucléaire de Dabaa. Cependant, il pense que « les chances d’installer ce projet se rétrécissent, vu l’accord conclu par Sissi avec la société allemande Siemens pour construire des centrales électriques en Egypte, afin de produire 14 000 mégawatts, soit un peu plus de la moitié de la production actuelle. Par conséquent, ce projet n’a plus la priorité, bien que nous ayons besoin de cette énergie et de ce projet ».
Al-Cheikh et Ghitani pensent que de nombreux points d’interrogationdemeurent, et que plusieurs dossiers restent dans le flou entre Le Caire et Moscou. « Une partie de l’élite égyptienne n’est pas très enthousiaste ni pour ces projets, ni pour un rapprochement avec la Russie, car ses intérêts vont dans d’autres directions. Ainsi le discours sur un rapprochement renforcé avec Moscou n’est pas exact. On peut dire que pour l’Egypte, le rapprochement avec Moscou est dicté seulement par une stratégie de diversification de ses sources en armement », affirme Al-Cheikh. Pour que les relations égypto-russes aient un impact régional, il faudra attendre que celles-ci atteignent un certain degré de maturité.
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