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Départ d’un gouvernement fantôme

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 30 juin 2015

Le gouvernement d'union nationale dissous n'a pas pu exercer son autorité dans la bande de Gaza, où le Hamas détient toujours les rênes du pouvoir.

Départ d’un gouvernement fantôme
En dépit de la formation du gouvernement d'union nationale, le Hamas n'a jamais cédé le pouvoir à Gaza. (Photos : AP)

« Le Hamas a insisté tout au long de l’exercice du gouvernement d’union nationale à mettre des obstacles pour empêcher celui-ci d’assumer ses respon­sabilités dans la bande de Gaza. Il a refusé de remettre les clés des ministères, de permettre le retour des fonctionnaires à leurs postes et de livrer les postes-fron­tières », selon le communiqué publié le 1er juin suite à la réunion hebdomadaire du gouvernement à Ramallah, à l’occa­sion du premier anniversaire de sa for­mation. Ce rapport est intervenu deux semaines avant la décision de dissoudre ce gouvernement.

Depuis la formation de ce gouverne­ment, Mahmoud Abbas n’a pas cessé d’accuser le Hamas de maintenir un « gouvernement d’ombre » à Gaza qui empêche le gouvernement d’union natio­nale d’accomplir ses missions malgré l’accord de réconciliation.

Aujourd’hui, huit ans après sa prise du pouvoir en 2007 dans la bande de Gaza, le Hamas garde tout son appareil bureau­cratique, administratif et sécuritaire. Depuis la formation du gouvernement d’union, c’est cet appareil qui a continué à assurer, sans ministres, les responsabilités gouvernementales. Suite à la signature de l’ac­cord de réconciliation palestinienne, les ministres démissionnaires du gouvernement du Hamas ont été remplacés par leurs adjoints. Seuls quatre des ministres du gouvernement d’union nationale étaient originaires de Gaza.

Le Conseil des ministres du gouvernement d’union nationale n’a effectué que de rares visites à Gaza. La dernière visite date d’avril dernier. Venus pour une semaine à Gaza, les ministres sont repartis au bout d’une journée, déclarant « l’échec » de leur mission qui n’a pu réaliser d’avancée sur aucun dossier, en parti­culier le dossier des fonctionnaires du Hamas.

Le dossier épineux des fonctionnaires

Après l’accord de réconciliation signé en juin 2014, le Hamas avait réclamé que le nou­veau gouvernement se charge des salaires de ses 50 000 fonctionnaires recrutés depuis la prise de Gaza, dont 24 000 sont des civils, le reste étant formé du personnel des services de sécurité du Hamas.

« Après la réconciliation, la question cru­ciale de l’intégration totale des fonction­naires du Hamas a été l’un des principaux obstacles au règlement des différends avec le Fatah. Le Hamas a insisté sur le fait que ses effectifs conservent leur place dans l’appareil administratif pour assurer son hégémonie sur la bande de Gaza », estime Ekram Badr Al-Din, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. Le gouvernement d’union a décidé de réintégrer les 70 000 fonctionnaires en poste à Gaza avant la prise du pouvoir par le Hamas en 2007 et de recru­ter parmi les 50 000 embauchés par le Hamas « en fonction des besoins des institutions ministérielles ». En avril dernier, le gouverne­ment a également décidé de former un comité pour se charger des nominations, des promo­tions et des licenciements des fonctionnaires, du versement des salaires ou de leur arrêt. Le Hamas s’est opposé à cette initiative la consi­dérant comme « unilatérale », et hors du cadre du « consensus national ».

Les fonctionnaires du Hamas, qui ne tou­chent plus leurs salaires depuis des mois, à l’exception d’un seul versement effectué en octobre 2014, ne cessent pas de mener des grèves dans l’enclave de Gaza. Selon Mohamad Gomaa, spécialiste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, la signature de l’ac­cord de réconciliation par le Hamas n’a été qu’une manoeuvre pour se débarras­ser du fardeau financier de ses fonction­naires et exporter la crise des salaires au gouvernement national. « Le Hamas dépendait fortement des revenus prove­nant des tunnels de contrebande reliant Gaza à l’Egypte, qui ont été interrompus après la destruction de ces tunnels par l’armée égyptienne suite à la chute de l’ancien président Mohamad Morsi », explique Gomaa.

De son côté, le Hamas, pour payer les salaires de ses fonctionnaires, a imposé des taxes de « solidarité sociale » sur les marchandises entrant dans la bande de Gaza via le passage frontalier de Kerem Shalom. Une démarche qui a suscité la colère du gouvernement qui l’a vue comme une tentative de « consacrer davantage la division ».

La gestion des points de passage

Assurée toujours par les agents de sécurité du Hamas, la gestion des points de passage a été un autre dossier épineux qui a fait échouer, selon Gomaa, le gouvernement d’union et pro­longé le blocus de Gaza.

La division a retardé la reconstruction de Gaza dévasté pendant l’été 2014 par la troi­sième guerre israélienne en 6 ans. Dans un communiqué, le gouvernement palestinien d’union nationale a déclaré qu’il « ne sera pas en mesure de superviser la reconstruction de Gaza sans un contrôle administratif et sécuritaire complet sur l’enclave et les postes frontaliers ».

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