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Comme un air de déjà-vu

Amira Samir, Mardi, 23 juin 2015

Hommes d'affaires, anciennes figures de l'époque de Moubarak et de son parti, le PND, profitent du vide législatif pour se refaire une image.

Comme un air
Chahinaz Al-Naggar, ancienne membre du PND, compte déposer sa candidature aux prochaines législatives.

Les préparatifs des élections pour le parlement de 2015 rappellent des souvenirs. Le dernier ajournement de la date des élections législatives n’a fait qu’offrir une plus grande opportunité, pour quelques mois supplémentaires, aux candidats s’étant présentés à la haute commission électorale pour faire campagne.

Ces préparatifs ont commencé avant même que la date des élections ne soit fixée officiellement. Jusqu’à présent, il n’existe pas vraiment de nouvelles figures dans les différentes circonscriptions électorales. Et avec le boycott annoncé des partis d’opposition du prochain parlement, les candidats des partis alliés au régime actuel et ceux liés à l’époque de Moubarak redorent leur blason.

Les hommes de Moubarak tentent de revenir sur le devant de la scène. Car la loi d’isolement politique, qui devait mettre à l’écart les cadres du régime de Moubarak, n’a pas été conservée dans la Constitution de 2014. Ainsi, plusieurs ex-membres du Parti National Démocrate (PND) et anciennes figures emblématiques se présentent à la haute commission électorale en tant que candidats indépendants.

Certains ont préféré pousser sur le devant de la scène un proche ou un membre de la famille. « Des hommes d’affaires de l’époque de Moubarak soutiennent et financent certains candidats dits indépendants pour les prochaines législatives. Le retour masqué des membres du PND dissous à la suite de la révolution de 25 janvier 2011 était exceptionnel lors de la dernière campagne électorale », explique Yousri Al-Azabawi, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

Les fils de Moubarak saisissent, en fait, l’occasion de l’étendue de la période du vide législatif pour refaire surface en fournissant des services dans leurs circonscriptions : travail aux jeunes, facilitation des soins médicaux, etc. « C’est ce genre de services qui garantit un siège au parlement égyptien et non la politique », estime Yousri Al-Azabawi.

Ahmad Ezz est l’un de ces noms problématiques. Ancien député au cours des dix dernières années du régime de Moubarak, et proche de son fils Gamal, il a déposé sa candidature à la haute commission électorale, après sa sortie de prison, où l’avaient emmené des accusations de corruption avec le détournement de milliards de L.E. Ezz, qui était aussi un cadre impopulaire du PND, a été, finalement, mis à l’écart de la course électorale par la justice, pour dossier incomplet. Il a fait appel et rêve de se porter candidat de nouveau avec la réouverture de la commission électorale. Sa femme Chahinaz Al-Naggar tente de suivre son chemin. Ancienne membre du PND, Chahinaz présentera sa candidature aux prochaines législatives. Ezz et sa femme ne sont pas les seuls revenants. Ibrahim Kamel et son frère Mohamad sont deux autres figures du PND. Accusé d’avoir financé « la bataille du chameau » sur la place Tahrir durant la révolution, en février 2011, Ibrahim Kamel s’est présenté comme « indépendant », également à Ménoufiya comme Ahmad Ezz. Son frère a choisi, quant à lui, l’étiquette du parti Al-Wafd. Et la liste est très longue. On compte 106 des feloul (anciens du PND) dont Hani Sorour, Mohamad Aboul-Einein, Haidar Al-Baghdadi et Saad Al-Gamal.

Trouver une brèche

Autre indice du retour des hommes de Moubarak : les grandes affiches électorales dans les rues depuis le début de l’année et qui illustrent des personnalités peu connues. Il s’agit en fait d’anciens alliés du PND. Par ailleurs, certains candidats du parti salafiste Al-Nour, allié du régime actuel, essayent aussi de revenir sur le devant de la scène, tentant de trouver une brèche dans une atmosphère hostile aux islamistes. Arrivé deuxième, derrière les Frères, avec environ 24 % des suffrages (108 sièges) aux élections de 2012, Al-Nour a, en fait, de grandes ambitions pour les prochaines législatives, malgré le recul de sa popularité. Ses candidats ont déjà commencé leur campagne électorale, mais sans annonce officielle de la part du parti. Dans les campagnes et les provinces d’Egypte, les membres du parti parcourent les différents gouvernorats pour offrir des services. Et sur les réseaux sociaux, les pages d’Al-Nour, ainsi que celles de ses membres, publient de temps à autre les réalisations et les bienfaits du parti. Mais selon le spécialiste des mouvements islamistes, Ahmad Ban, le parti Al-Nour peut difficilement récolter 5 % des sièges. « Al-Nour n’est plus considéré comme un cheval gagnant », dit-il.

Le vide législatif et le retard des élections ont permis à ces hommes de rebattre leurs cartes. « Des figures du PND vont sûrement gagner beaucoup de sièges au prochain parlement, mais il est injuste de les appeler PND. Ce sont les grandes familles qui contrôlent la province égyptienne », estime Samuel Tadross, chercheur en sciences politiques. Elles étaient là avant le PND et survivent depuis longtemps aux turbulences politiques. Mais la réaction des électeurs reste inconnue.

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