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Dangereuse avancée pour le Golfe

Hana Affifi, Lundi, 08 juin 2015

Daech menace les pays du Golfe, et notamment l’Arabie saoudite, pour qui le danger se fait de plus en plus pressant.

Dangereuse avancée pour le Golfe
(Photos : Reuters)

Daech a revendiqué deux attentats anti-chiites meurtriers en Arabie saoudite le 22 et le 29 mai derniers, qui ont fait 25 morts. Le 31 mai, l’organisation terroriste a publié un enregistrement audio : « Jeunes gens des pays des deux Lieux Saints, pré­parez-vous à brûler les visages des apostats ». Daech y annonce aussi sa volonté de « purifier le Golfe des chiites » et fait appel aux jeunes Saoudiens pour les soutenir dans leur guerre contre « les ennemis de l’islam, en particulier les chiites ». Alors que Daech continue d’annexer des villes en Iraq, comme récem­ment celle de Ramadi, capitale de la province iraqienne Anbar, l’organi­sation lance aussi des messages menaçants aux pays du Golfe, affir­mant qu’ils seront sa prochaine cible.

L’organisation terroriste se pré­sente au monde avec des vidéos et des comptes divers sur les réseaux sociaux. « La stratégie de propa­gande de Daech est d’essayer d’in­fluencer les jeunes qui souffrent d’un certain manque d’identité et de liberté d’expression », explique Abir Saadi, journaliste et analyste de la stratégie de propagande mise en place par Daech. Pour Saadi, les jeunes du Golfe sont des cibles faciles à recruter. Selon des estima­tions, plus de 5 000 combattants viennent des pays du Golfe, notam­ment d’Arabie saoudite pour rejoindre les rangs de Daech.

Elle avait annoncé dans une vidéo, publiée en mai 2014, qu’elle s’éten­drait en Arabie saoudite pour arra­cher aux monarchies leur pouvoir, dénonçant leur alliance avec l’Occi­dent. « Pour les monarchies du Golfe, Daech représente un danger (à domicile) car elles sont qualifiées par Al-Baghadadi, Calife auto-pro­clamé, de (vendues) à l’Occident voire d’apostats », explique Alain Rodier, directeur de recherche au sein du Centre français de recherche sur le renseignement, lors d’un entretien publié le 3 juin sur le site d’informations Atlantico.

Le jour de la décapitation de l’Amé­ricain, James Foley, en août 2014, le grand mufti saoudien, Abdel-Aziz Al-Cheikh, a qualifié Daech et Al-Qaëda d’ennemis numéro un de l’islam. Le défunt roi Abdallah avait, quant à lui, mis en place en février 2014, une loi pour le combat du terro­risme et de son financement, qui cri­minalise la participation aux combats des djihadistes à l’étranger.

Ainsi, les pays du Golfe, bien conscients de la menace pressante, n’ont pas tardé à rejoindre la coali­tion pour mobiliser leurs forces aériennes contre Daech en septembre 2014. Selon la déclaration de Djeddah du 11 septembre 2014, suite à des réunions entre les ministres des Affaires étrangères du Golfe et le secrétaire d’Etat américain, John Kerry : « La campagne contre Daech n’est ni un enjeu religieux ni sec­taire : elle est à la base une guerre contre le terrorisme et sa brutalité ». Rodier poursuit toutefois : « Un engagement plus important des pays arabes sur le front syrio-iraqien, contre les salafistes-djihadistes qui, il faut le rappeler, sont sunnites, risque de poser des problèmes dans les opinions publiques intérieures dans ces pays ».

Pas la seule considération

La menace sécuritaire que repré­sente Daech dans le Golfe n’est pas la seule considération pour ces pays, notamment l’Arabie saoudite. Celle-ci mobilise ses ressources diverses qui peuvent parfois être dans l’inté­rêt de Daech, mais au détriment de son ennemi chiite iranien. D’une part, le Royaume soutient le Front Nosra qui combat le régime syrien, appuyé par l’Iran, ce qui est dans l’intérêt de Daech en conflit avec le régime syrien. D’autre part, le Royaume saoudien lance des attaques contre Daech, un ennemi commun de l’Iran qui attaque aussi des zones contrôlées par Daech. « Daech devient parfois l’ennemi commun de l’Iran et de l’Arabie saoudite », dit Mohamad Mohsen Aboul-Nour, spécialiste des affaires iraniennes.

Cependant, le conflit n’est pas seu­lement sectaire. Les forces de Daech attaquent les villes à majorité sunnite et chiite en Iraq. Selon Saadi, Mossoul et Ramadi ont été capitu­lées devant Daech, sans aucune résistance et sans aucun support du régime iraqien chiite qui n’a pas pu protéger les sunnites en leur permet­tant de fuir à Bagdad. Selon elle : « Si le conflit prend un caractère sectaire, Daech en sortira victo­rieuse. Il faut plutôt se concentrer sur les intérêts nationaux pour que cette organisation djihadiste soit vaincue ».

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