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La CNS en perte de vitesse

Hana Afifi, Jeudi, 16 avril 2015

Reconnue à un moment comme la principale force d'opposition au régime de Bachar Al-Assad, la Coalition Nationale Syrienne (CNS) a beaucoup perdu de son lustre.

La CNS en perte de vitesse
(Photos : Reuters)

La Russie, amie du régime syrien, n’a pas invité la Coalition Nationale Syrienne (CNS), première opposition syrienne formée en dehors de la Syrie, à participer aux négociations qu’elle a parrainées début avril. La Coalition n’a pas assisté non plus aux négociations de l’opposition syrienne accueillie par Le Caire au début du mois. Ce recul du rôle de la CNS en tant que principale force d’opposition reflète, selon les analystes, les rapports entre les puissances régionales. « La Russie a cherché à affaiblir le CNS, devenu ultérieurement la Coalition nationale syrienne », affirme Rabha Allam, spécialiste des affaires syriennes au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. « La Russie n’a invité que des parties proches du régime ou des personnes non radicales », ajoute Salameh Kaïleh, activiste et écrivain palestinien.

L'opposition, outil aux mains des puissances régionales

Pourquoi ce recul de la CNS ? Il semblerait que les puissances régionales en soient la raison, mais aussi les critiques adressées au CNS. Les accords de Genève en juin 2012 semblent avoir joué un rôle important dans ce recul, selon Kaïleh. « L’opposition est devenue un outil aux mains des puissances régionales », dit-il, ajoutant que les acteurs principaux dans la crise syrienne sont les Etats-Unis, la Russie, l’Iran et l’Arabie saoudite. Moscou a exclu la CNS des négociations sous prétexte qu’elle adopte une position radicale, car elle a refusé de négocier avec le régime syrien. La Russie et les Etats-Unis sont entrés dans les négociations de la conférence de Genève I avec l’intention de mettre en place un gouvernement de transition incluant des membres du gouvernement syrien. Selon Kaïleh, Washington a poussé vers une représentation de l’opposition plus large que le Conseil national, opposé au dialogue. Les Américains voulaient une représentation plus inclusive, prête à s’engager dans un dialogue selon les principes de Genève. C’est ainsi que la Coalition Nationale des Forces de l’Opposition et de la Révolution (CNFOR) a été formée en novembre 2012 au Qatar. « Avec la domination du Conseil au sein de la coalition et son refus de négocier, les Etats-Unis ont poussé vers un changement des rapports de force au sein de la Coalition », explique Kaïleh. C’est ainsi que le bloc des démocrates a émergé vers la fin 2012, et le Conseil a cessé d’être la force dominante au sein de la Coalition, selon lui. « Il y a certes des conflits au sein de la Coalition liés aux membres et à leurs affiliations aux forces régionales en compétition », explique Kaïleh. Ces conflits opposent les membres affiliés au Qatar et à la Turquie, où siège la Coalition, d’un côté, et ceux qui sont soutenus par l’Arabie saoudite et les Etats-Unis de l’autre. Pour Allam, le recul de la Coalition est dû au fait qu’elle a été critiquée pour avoir été dominée par les Frères musulmans et d’autres forces islamistes soutenues par le Qatar et la Turquie. Jusqu’en mars 2013, Mouaz Al-Khatib, proche des Frères musulmans qui défend l’islam politique, était son président, soutenu par le Qatar. Ahmad Jarba qui représentait les démocrates et qui était proche de l’Arabie saoudite, opposée aux Frères, lui a succédé. La Coalition est dirigée depuis janvier par Khaled Khoja, ambassadeur de la Coalition en Turquie, qui possède la nationalité turque et qui est membre fondateur du Conseil national et de la Coalition. Kaïleh explique que Khoja est affilié a Ankara plus qu’aux islamistes, précisant que la Turquie a pu imposer sa domination sur la coalition. « Toutefois, il y a maintenant des tentatives pour parvenir à une entente turco-saoudienne et aussi qatari, ce qui se traduira par une entente au sein de la Coalition elle-même », dit Kaïleh.

Même si la Coalition a bénéficié d’une reconnaissance internationale, l’opposition syrienne reste fragmentée. Kaïleh explique que les pays proches de la Coalition la considèrent comme la principale force d’opposition. « La France, la Turquie et le Qatar ont voulu promouvoir le CNS comme représentant de la révolution syrienne, alors qu’il avait peu de contact avec l’intérieur », dit-il. Pour lui, le Conseil national n’a jamais été le véritable seul représentant de l’opposition. L’opposition était depuis le début du conflit divisée et fragmentée. « Il y a deux camps au sein de l’opposition qui doivent s’unir. C’est ce que la conférence du Caire en avril essayera de faire », dit-il. Les analystes affirment qu’une telle entente aura lieu prochainement.

La neutralité de la Ligue arabe

Le siège vide de la Syrie à la Ligue arabe, auparavant alloué au CNS, est le signe qu’une entente entre l’opposition et le régime est proche, affirment les analystes. « C’est pourquoi la Ligue ne veut pas prendre partie. La Ligue veut conserver une certaine neutralité en cas d’un apaisement avec le régime », dit Allam. Kaïleh pense qu’il y a une possibilité que les deux parties, le régime et le CNS, soient mises à l’écart. « Ceci serait surtout lié à l’entente américano-iranienne qui a commencé par l’accord nucléaire préliminaire début avril, et qui ira jusqu’aux enjeux régionaux », dit-il. Il explique qu’il y a maintenant des négociations entre l’opposition en exil et celle de l’intérieur concernant une période de transition selon les principes de Genève I. Mais quelles factions au sein de ces deux oppositions participeront à ces négociations ? Allam affirme qu’un nouveau groupe émergera avant un règlement avec le régime : « Un nouveau groupe qui soit d’accord sur un minimum de demandes ». Pour Kaïleh, « la solution dépend des puissances régionales ». Or, selon lui, un fait demeure : tous ces blocs politiques de l’opposition ne représentent pas les forces sur le terrain et sont détachés des brigades armées en combat sur le territoire syrien.

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