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Universités : La loi remise en question

May Atta, Mardi, 25 novembre 2014

L'Université d'Al-Azhar fait face à une recrudescence de violences en dépit du durcissement des mesures sécuritaires et de la nouvelle législation. Des universitaires s'interrogent sur l'efficacité de ces nouvelles dispositions.

Lors d’une manifestation organisée cette semaine, les étudiants d’Al-Azhar ont mis le feu à un bâtiment et à la voiture du recteur de la faculté de médecine. Les forces de l’ordre ont dû intervenir et une dizaine de fauteurs de troubles ont été arrêtés. Le président Abdel-Fattah Al-Sissi avait promulgué, il y a quelques semaines, un décret pour modifier la loi numéro 103 régissant l’Université d’Al-Azhar. En vertu des modifications introduites, la direction de l’université est autorisée à renvoyer tout étu­diant, professeur ou employé impliqués dans des actes de violences ou possédant des armes ou des matières explosives. En application de cette loi, plus de 30 étudiants ont été renvoyés et d’autres arrêtés par les forces de l’ordre. Cinq étudiants de l’Université d’Al-Azhar ont été déférés, cette semaine, devant la justice militaire à la Cour d’assises du Caire. Ils sont accusés de violences et de sabotage de biens publics, en incendiant un bâtiment de l’université. Une accusation prise sur la base du décret adopté par le président Al-Sissi, et qui s’étend aux bâti­ments et édifices sécurisés par l’armée. Conformément à cette loi entrée en vigueur depuis octobre dernier, toute agression contre une zone sous l’autorité de l’armée relève de la juridiction des tribunaux militaires. Cette loi a été promulguée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, suite à l’attentat qui a fait 30 morts parmi les militaires, le mois dernier au Sinaï.

Les avis divergent sur la nécessité et l’impact de ce genre de mesures aux universités. Si cer­tains y voient une nécessité pour endiguer la violence, d’autres estiment que la solution sécu­ritaire ne fera qu’exacerber la tension. Mohamad Abou-Hachem, vice-président de l’Université d’Al-Azhar, avoue que c’est la direction de l’université qui a demandé un durcissement de la loi pour pouvoir mettre un terme aux actes de violences qui se poursuivent en l’absence de sanctions dissuasives. « De quelle répression parle-t-on? Ces étudiants commettent de véri­tables crimes au sein de l’Université. Le jet de pierres et de cocktail Molotov ainsi que la dégradation des bâtiments s’inscrivent-ils dans le cadre de la liberté d’expression? Ce qui s’est passé l’année dernière à l’université d’Al-Azhar a été une véritable mascarade et on ne permet­tra pas que cela se répète. C’est par la force de la loi que l’ordre reprendra ses droits à l’uni­versité et je n’hésiterai pas à expulser tout étu­diant impliqué dans la violence », prévient Hachem.

Ahmad Ezzat, avocat de nombreux étudiants renvoyés de l’université, estime que la situation a empiré après la modification de la loi. « Avant cette modification, un étudiant ne pouvait être renvoyé qu’après la tenue d’un conseil de disci­pline qui examinait les accusations portées contre lui. L’étudiant avait le droit de contester la décision de son renvoi devant la cour admi­nistrative. Aujourd’hui, la décision revient au doyen de l’université et l’étudiant peut unique­ment faire appel devant la cour administrative suprême », explique Ezzat.

L’application abusive de la loi critiquée

Pour sa part, Hani Al-Husseini, professeur à la faculté des sciences, critique une application abusive de la loi. « 74 étudiants ont été exclus cette année sans preuves de leur implication dans les violences. Lors des déchaînements de violence à l’université, la police procède à des arrestations collectives d’étudiants parmi les­quels se trouvent des innocents. Des abus qui sont le terreau de la radicalisation de certains étudiants », dénonce-t-il. Pour lui, le dialogue et l’application rationnelle de la loi permettraient de contenir la colère de ces étudiants.

Achraf Al-Chérif, professeur à l’Université Américaine au Caire (AUC), regrette l’annula­tion des activités estudiantines pour des raisons sécuritaires. « Les jeunes ont besoin d’une atmosphère politique plus ouverte. Toujours en état d’effervescence révolutionnaire, ils récla­ment leur droit à s’exprimer et à manifester leur colère. Au lieu de les réprimer, il vaut mieux leur donner plus d’espace pour les activités estudiantines pour absorber cette énergie qui se transforme en violence », ajoute-t-il.

Une vision que ne partage pas Iglal Raafat, professeur de sciences politiques. Elle souligne que ces débordements à l’université font partie de la stratégie de la confrérie des Frères musul­mans. « Ces étudiants islamistes ne manifestent pas pour exprimer leurs avis. Ils sont chargés par la confrérie de perturber la vie universitaire et le processus éducatif. Il arrive souvent qu’ils se dirigent vers les salles d’études pour empê­cher les cours par force. Il faut donc faire face à cette politique avec beaucoup de fermeté », insiste Raafat.

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