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Les églises attendent leur loi

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mardi, 04 novembre 2014

Les Eglises achevaient cette semaine la rédaction d'un projet de loi sur la réglementation de la construction des églises. Le projet devrait être remis au gouvernement puis au Parlement, une fois élu, pour approbation.

les eglises
Tant espérée, la loi sur la construction des églises attend l'approbation du nouveau Parlement.

« Après plusieurs réunions, les trois Eglises égyptiennes ont convenu d’une proposition de loi unifiée pour la construction d’églises en Egypte. Cette loi est prête et attend l’approbation du nouveau Parlement », a déclaré le pape Tawadros II, chef de l’Eglise copte orthodoxe, à la chaîne égyp­tienne privée CBC. La semaine der­nière, les trois principales églises égyptiennes, orthodoxe, catholique et protestante, ont rédigé une propo­sition de loi concernant la construc­tion des églises. Cette loi tant atten­due par la communauté chrétienne, pourrait-elle enfin faire évoluer la situation actuelle? Les représentants des églises et des communautés chrétiennes semblent pour une fois optimistes.

Comme l’explique Gamil Habib, conseiller juridique à l’Eglise copte catholique, « pour préparer leur pro­jet de loi, les Eglises égyptiennes se sont basées sur la nouvelle Constitution, qui précise qu’un nou­veau projet de loi portant sur la construction des églises sera discuté dès la première session législative du Parlement, une fois élu. Au terme de la Constitution, cette loi doit être approuvée ». En effet, l’article 235 du chapitre des dispositions géné­rales de la Constitution 2014 stipule que « le Parlement, dans sa première session, doit émettre une loi relative à la réglementation de la construc­tion et la restauration des églises, afin d’assurer aux chrétiens la liber­té de pratiquer leurs rites religieux ».

Ainsi, le nouveau Parlement égyp­tien devra examiner ce nouveau pro­jet de loi qui vise à assouplir les limites imposées par la loi en matière de construction d’églises sur le terri­toire national.

Selon le conseiller, le texte préparé donne dans ses grandes lignes une définition précise de l’église et de sa forme, qui varie en fonction de la doctrine de chaque église. Le docu­ment décrit également les bâtiments rattachés aux églises et les services qui y sont fournis, tel que la création d’un centre médical, d’une garderie ou d’autres services.

Le projet suggère aussi que les critères utilisés pour la construction des églises soient alignés sur ceux de la construction des édifices privés. De même, le texte souhaite qu'une fin soit mise aux contentieux portant sur la propriété des terrains sur les­quels doivent être bâties les églises. Cette loi, si elle est approuvée, obli­gerait les autorités compétentes à notifier, dans un délai de 60 jours, l’approbation ou le refus d’une demande de construction d’église. L’absence de réponse, de la part du gouvernement, serait considérée comme approbation pour le com­mencement de la construction.

Construction par décret présidentiel

Plusieurs projets avaient déjà été présentés aux gouvernements suc­cessifs, dont le plus récent date de 2013, mais en vain. Jusque-là, aucune loi ne régissait la construc­tion des églises. Les dispositions législatives, en vigueur depuis 1934, rendent extrêmement difficile la construction des églises en Egypte. Toute nouvelle église doit être auto­risée par un décret présidentiel qui n’est délivré qu’avec le feu vert du ministère de l’Intérieur. Ce denier y ajoute « dix règles » appelées, non sans ironie par les églises chré­tiennes, « les dix commandements ». Ces règles interdisent, entre autres, de construire une église à proximité d’écoles, de canaux, d’édifices gou­vernementaux, de voies ferrées et de zones résidentielles, pour des raisons sécuritaires. Dans de nombreux cas, l’application rigide de ces règles a empêché la construction d’églises dans des villes et des villages habités par des coptes, surtout dans les zones rurales de la Haute-Egypte. A cela s’ajoutent les tracasseries bureaucra­tiques. Par conséquent, les permis étant difficiles à obtenir, plusieurs villages et quartiers n’ont pas d’églises, et beaucoup d’autres sont construites sans permis.

Pour Monsef Soliman, membre du conseil communautaire représentant l’Eglise orthodoxe, « cela fait de longues années que nous attendons l’approbation d’une loi pareille. Des restrictions ont depuis toujours été exercées sur la communauté chré­tienne concernant la construction des églises. On pouvait attendre entre 15 et 16 ans pour avoir une seule approbation, et qui pouvait se terminer par un refus. Il est temps d’affronter tous ces problèmes à tra­vers la loi ». Et d’ajouter : « Aujourd’hui, il y a un changement radical, la nouvelle direction du pays est prometteuse. Les mentalités ont changé, nous avons un gouvernement patriotique qui travaille pour le bien de la patrie et du peuple ». En juillet dernier, des responsables du minis­tère de la Justice transitionnelle avaient convoqué les représentants des différentes églises et communau­tés chrétiennes pour les charger de rédiger des propositions concrètes visant à surmonter tous les problèmes liés à la construction des églises, qui ont marqué également la présidence Moubarak. Cette semaine, le minis­tère a aussi déclaré la formation d’un comité de figures coptes et des repré­sentants de certains ministères, notamment de l’Intérieur et de la Justice, pour discuter du projet, en conformité avec les propositions contenues dans le projet de loi.

La loi seule… est insuffisante

Un développement de toute évi­dence est très important, mais qui, pour certains spécialistes, est insuffi­sant face aux défis qui restent à relever. C’est ce qu’affirme le pen­seur copte Gamal Assaad, qui sou­ligne qu’en parallèle à l’approbation d’une loi relative à la construction des églises qui a beaucoup tardé, il est indispensable de faire des cam­pagnes de sensibilisation à travers les médias. « Le problème n’est pas de promulguer la loi, mais surtout de garantir tous les moyens de son application. Nous avons en Egypte un grand problème de mentalité, voire même d’éducation qui fait qu’un bon nombre de musulmans radicaux refusent la construction des églises, estimant qu’elles vont à l’en­contre des principes de l’islam. Il est nécessaire de tenter de changer les mentalités à travers un dialogue national réel, pour pouvoir appli­quer cette loi. Sinon, il serait inutile de la rédiger. Il est temps de consoli­der le concept de la citoyenneté », dit-il.

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