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Les voiles de Daech

Najet Belhatem, Mardi, 30 septembre 2014

Voile islamique, plutôt tradition qu’obligation, Daech, les racines du mal et le décalage entre les gouvernements arabes, notamment dans le Golfe, et leurs populations, enfin la lutte contre cette organisation. Les thèmes de la semaine.

Un article publié dans le quotidien Al-Watan revient sur le sujet récurrent du voile. On y apprend que l’institution d’Al-Azhar a accor­dé le doctorat au cheikh Mostafa Mohamad Rached en charia et droit avec la mention excellent pour une thèse sur le voile du point de vue de la jurisprudence islamique. Thèse où il affirme que le voile ou le hijab n’est pas un devoir musulman. « Le cheikh a souligné dans sa thèse de doctorat que l’interprétation de versets coraniques en dehors de leur contexte historique a causé un amalgame sur le vrai sens du hijab de la femme en islam, que l’on connaît comme un voile sur la tête, chose qui n’a pas été évoquée dans le Coran. Le cheikh a précisé que certaines interprétations ont omis de se remettre à l’esprit rationnel ». Et d’ajouter : « Ceux qui s’opposent à la notion connue du hijab invoque les versets 53 et 59 du Coran qui, selon eux, montrent que le hijab est d’abord une séparation entre les femmes du prophète et les autres et ensuite que le Coran n’a demandé aux femmes en général que de cacher leur poitrine pour mettre fin à une coutume anti-islamique ». L’article a fait beaucoup de bruit sur le web et Al-Azhar a nié avoir cautionné une telle thèse. Une affaire à suivre.

Non loin du sujet, l’analyste et écrivain Nabil Abdel-Fattah se penche sur les origines du mouvement Daech, et de ce qui est appelé l’Etat islamique. « Les affrontements sécuri­taires des groupes djihadistes sans vision politique ni structure de réflexion autour de l’éducation, de la culture, de la religion et de l’économie, ont prouvé leurs échec », écrit-il dans le quotidien Al-Ahram. La question a besoin, selon l’auteur, d’un regard profond loin des thèses simplistes en cours: « Il est important de se pencher sur les racines de l’idéologie salafiste et djihadiste ». L’auteur fait un bref listing de ces origines et met en avant le discours idéologique religieux d’Al-Azhar et de ses oulémas, qui, en instrumenta­lisant le discours religieux au profit de l’Etat, ont provoqué des réactions au sein de l’institu­tion, menant à plus de rigorisme dans l’inter­prétation des textes. Les rigoristes, selon l’au­teur, voulaient ainsi élargir leur audience parmi les musulmans croyants et cela a provo­qué une concurrence féroce entre les courants modérés et radicaux au sein de l’institution. L’auteur note aussi le recul de l’idjtihad (l’in­terprétation des textes selon le contexte actuel) à cause de la suprématie de l’autoritarisme religieux qui soutient le pouvoir politique depuis plus de soixante ans.

En Effet, l’Etat islamique fait couler beau­coup d’encre dans la presse égyptienne et arabe, mais peu d’articles vont au-delà des thèses simplistes. Beaucoup font référence à la théorie du complot américain et occidental visant à une division des pays arabes. Cependant, un complot ne peut tenir la route sans un terreau favorable. Dans le quotidien saoudien Al-Hayat, l’analyste Ghareda Doghram commence son article par une phrase pertinente : « Le discours entre les pays du Golfe autour des défis que constitue Daech, et les alliances qui se font pour le détruire mon­trent un décalage flagrant entre les positions officielles et les sentiments des masses popu­laires. Il y a de la schizophrénie entre ce que veulent les pays du Golfe et les Etats-Unis. Il y a un décalage entre les gouvernements qui considèrent Daech comme une menace exis­tentielle et entre une sympathie populaire pour ce même Daech considéré comme une néces­sité dans l’équilibre des forces et l’équilibre de la terreur. Une partie des citoyens des pays du Golfe jugent que Daech n’a rien à voir avec l’islam, et une autre partie le considère comme l’islam pur et ne le considère pas comme un mouvement terroriste ». L’auteure ajoute que beaucoup de décideurs se voilent la face, s’entêtent à agir comme d’habitude et s’aventurent au milieu de divisions profondes. Elle souligne que le volet politique est le seul à même de mobiliser les populations contre Daech. Cela requiert des politiques nouvelles de Washington à Moscou, en passant par Pékin, Téhéran, les capitales du Golfe, l’Iraq et la Syrie.

« La guerre américaine qui a besoin de sol­dats sur le terrain a des objectifs flous et n’a pas de stratégie sérieuse », ajoute-t-elle. Elle relève comment Washington s’est appuyé sur les tribus iraqiennes dans la lutte contre Al-Qaëda, mais ces tribus se sont vu abandon­nées à leur sort face au gouvernement de Nouri Al-Maliki soutenu par les Iraniens avec la bienveillance américaine. « Le goût de la trahison est encore vivace et la peur de se voir abandonné par les Américains après avoir atteint le but est là », conclut-elle.

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