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Situation alarmante

May Atta, Mardi, 06 novembre 2012

L'attaque armée, qui a coûté dimanche la vie à trois policiers dans le Sinaï, relance les craintes sur la résurgence de ce fléau en Egypte.

Terrorisme
Les violences dans le Sinaï seraient le résultat d'infiltrations depuis Gaza.

Après le démantèlement d’une cellule terroriste à Madinet Nasr au Caire et l’attaque vendredi d’un poste de police à Nakhl dans le Sinaï, un autre incident survenu cette semaine est venu renforcer les craintes d’une résurgence des groupes terroristes en Egypte. Il s’agit de l’attaque armée ayant tué trois policiers dans la ville d’Al-Arich. L’incident a provoqué une vague de protestations au sein des forces de police contre l’anarchie qui règne dans la péninsule où des groupes radicaux prennent régulièrement l’armée et la police pour cible. « Ces hommes armés pourraient appartenir à un groupe djihadiste », ont déclaré des sources sécuritaires. En réaction à cet incident, le ministre de l’Intérieur, Ahmad Gamal, a limogé le chef de la sécurité pour le Nord-Sinaï, Ahmad Bakr.

Le 24 octobre, au Caire, les services de sécurité avaient annoncé le démantèlement d’une « cellule terroriste » de 13 personnes, dont un Tunisien et un Libyen, qui planifiaient le sabotage de plusieurs institutions vitales au Caire et dans d’autres régions. Le terroriste tué ce jour-là dans le quartier de Madinet Nasr, un certain Karim Al-Azizi, a été dans un premier temps présenté comme un ressortissant libyen membre d’Al-Qaëda, lié à l’attaque meurtrière menée le 11 septembre contre le consulat des Etats-Unis à Benghazi. Des informations qui ont été par la suite niées. Le ministère de l’Intérieur a déploré la diffusion d’informations contradictoires, sans toutefois donner de détails sur l’identité de cette personne. La saisie d’un arsenal de missiles et d’engins explosifs en possession d’un autre groupe n’a pas été officiellement liée à cette cellule.
Les personnes détenues ont été traduites au Parquet de la Sûreté de l’Etat. Entre-temps, le ministère de l’Intérieur a appelé les citoyens à la vigilance, les priant d’alerter la police de la présence de cas « susceptibles de porter atteinte à leur sécurité ou à celle du pays ».
Mais l’opacité avec laquelle ces informations sont distillées nourrit les suspicions. « Les informations relatives à la cellule de Madinet Nasr sont fabriquées », pense l’avocat islamiste Montasser Al-Zayat. « C’est une tentative de la part de l’appareil sécuritaire pour récupérer son emprise d’antan », ajoute-t-il sur la chaîne Al-Nahar.
Mohamad Saad, avocat de Nabil Abdel-Moneim et Ramy Ahmad, deux détenus dans le coup de filet de Madinet Nasr, pense de même. « Les informations relayées par les médias sont truffées de détails erronés. Jusqu’à présent, il n’existe aucune preuve concrète sur l’appartenance de ces détenus à un groupuscule terroriste », dit-il. Magdi Salem, un autre avocat dans la même affaire, ajoute que ses clients ont été torturés par des chocs électriques. « Il est clair que le ministère de l’Intérieur utilise les médias pour suggérer qu’il s’agit d’une organisation terroriste importante », accuse Salem.
D’autres estiment en revanche que la libération, au lendemain de la révolution, de plusieurs terroristes prônant un islam violent dont certains incarcérés depuis des décennies, est liée à ce regain de violence.
Une explication à laquelle rétorque Tareq Al-Zomor, fondateur du parti de la Construction et du développement, bras politique de la Gamaa islamiya. « Il n’y a plus lieu de parler d’un recours au terrorisme à l’intérieur de l’Egypte. La révolution a imposé une nouvelle réalité et nous a donné une place sur l’échiquier politique », assure l’ancien leader de cette faction qui a renoncé à la violence suite à des « révisions idéologiques ». Al-Zomor reprend à son compte les accusations contre les services de sécurité. Selon lui, les personnes impliquées dans ladite cellule de Madinet Nasr cherchaient probablement à trafiquer des armes depuis la Libye pour soutenir les révolutionnaires en Syrie et ne cherchaient pas à exécuter des opérations en Egypte.
Achraf Al-Chérif, politologue et spécialiste des mouvements islamistes, offre également une réalité moins alarmante en ce qui concerne le Sinaï. « Le djihadisme dans le Sinaï est particulier. La situation là-bas est difficile, outre les problèmes de chômage et de manque de services dont souffrent tous les Egyptiens, les habitants du Sinaï n’ont pas le droit de s’approprier des terrains, ils sont exclus des projets de développement et des activités touristiques, et leur loyauté à l’Egypte est toujours mise en question. Ils sont souvent arrêtés et torturés. Il y a une sorte de vendetta entre eux et la police », explique le chercheur.
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