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Pas d’enjeu pour les Egyptiens

Mohamed Abdel-Hady, Mardi, 06 novembre 2012

Le scrutin présidentiel aura été suivi avec peu d’enthousiasme en Egypte, qui a néanmoins été mentionnée plusieurs fois dans les débats entre les deux candidats.

Elections américaines
Pour beaucoup en Egypte, les deux candidats se valent.

Alors que le nom du prochain président américain n’était pas connu au moment du bouclage de l’Hebdo, l’événement international des élections suscite peu l’intérêt de la rue égyptienne. Déjà submergés par l’actualité locale, les Egyptiens pensent de surcroît que le résultat du vote qui s’est déroulé dans la nuit de mercredi à jeudi (heure locale) est peu susceptible de changer la politique des Etats-Unis envers leur pays ou ceux du monde arabe.

L’Egyptien ordinaire préférerait voir à la Maison Blanche un président qui met en valeur ses origines africaines et musulmanes et qui tient à ménager, ne serait-ce que verbalement, les sentiments des Arabes, à un autre qui affiche ses tendances fortement pro-israéliennes et qui prône une politique « plus ferme » avec les islamistes. Mais pour les politiques, les deux candidats se valent plus ou moins.
Le pessimisme est le fruit d’une déception récente, celle qu’a créée le président démocrate Barack Obama qui, au début de son mandat, a tenu à rompre avec les politiques de son prédécesseur républicain Georges W. Bush, dont les deux mandats furent notamment marqués par l’invasion d’un pays musulman, l’Afghanistan, et d’un pays arabe, l’Iraq.
En 2009, Obama s’est adressé au monde arabo-musulman depuis Le Caire. Un discours qui a suscité beaucoup d’espoir, notamment en ce qui concerne le soutien du processus de démocratisation dans ces pays et une révision du soutien inconditionnel assuré par les Etats-Unis à l’occupant israélien. Plus de trois ans après, l’espoir a donné lieu à la désillusion. Les Etats-Unis sont restés fidèles aux dictateurs des pays du Printemps arabe jusqu’à la veille de leur chute, et ledit processus de paix reste gelé.
Une fois de plus, les intérêts américains dans la région dépassent la personne du président. Finalement, les Etats-Unis auront toujours besoin de l’Egypte comme pays stratégique sur le plan géopolitique, comme intermédiaire entre Israéliens et Palestiniens et comme allié dans leur campagne contre l’Iran. Et avant tout, Washington n’a jamais caché sa prédilection pour la « stabilité » du Moyen-Orient, indépendamment de la nature des régimes au pouvoir dans les pays de cette région.
Nabil Fahmi, ancien ambassadeur d’Egypte aux Etats-Unis, rappelle que depuis les années 2000 l’administration américaine a commencé à prendre conscience du poids que représentent les Frères musulmans et de l’importance d’entamer des contacts avec la confrérie. « L’Egypte a toujours compté pour les Etats-Unis en tant que puissance régionale », note-t-il.
C’est un peu ce qu’a laissé entendre l’ambassadrice américaine au Caire, Anne Paterson. « Les relations égypto-américaines continueront à prospérer indépendamment des résultats des élections américaines », affirme la diplomate dans une interview cette semaine au quotidien saoudien Asharq Al-Awsat.
Respecter le traité avec Israël
Mais il n’y a que les intérêts américains qui laissent s’attendre à une constance des relations, vieilles de plus de trois décennies, avec l’Egypte. En fait, depuis son élection l’été dernier, le président Mohamad Morsi n’a pas rompu avec la politique étrangère de son prédécesseur Hosni Moubarak, une politique qui faisait du Caire un « partenaire stratégique » de Washington. Morsi a également tenu à rassurer la communauté internationale en s’engageant à respecter le traité de paix signé avec Israël en 1979.
Ces prises de position ont réduit les craintes au sein du Congrès et du Sénat de voir un régime théocratique s’instaurer en Egypte, permettant du coup la mise en marche d’un accord sur la réduction d’un milliard de dollars de la dette égyptienne due aux Etats-Unis. Le gouvernement américain a également promis d’offrir des facilités fiscales pour encourager les entreprises à investir en Egypte, tout en soutenant la demande égyptienne d’un prêt de 5 milliards de dollars au Fonds Monétaire International (FMI). Sans parler de l’aide américaine annuelle de 1,1 milliard offerte à l’Egypte après les accords de paix avec Israël et qui a été ramenée graduellement à 1,5 milliard de dollars.
Cela dit, certains analystes craignent notamment une « crispation » des relations avec Washington, comme ce fut la situation pendant les deux mandats de Bush Junior. Gamal Soltane Abdel-Gawad, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire, craint surtout pour la coopération économique. « L’arrivée de Romney au pouvoir risque de réduire les investissements américains en Egypte et de compliquer le déblocage du prêt sollicité auprès du FMI », craint-il. Mais vu la situation dans laquelle se trouve l’économie égyptienne, il serait impensable pour le régime des Frères musulmans de risquer leurs relations avec l’Oncle Sam, malgré un discours populiste de plus en plus usé.
C’est ce que suggère en tout cas le discours des Frères. « Les rapports égypto-américains reposent sur les intérêts communs et non sur autre chose. Obama, tout comme ses prédécesseurs, est un fervent défenseur des intérêts d’Israël. Le changement, c’est nous qui devons le créer quel que soit l’occupant de la Maison Blanche », affirme Hamdi Hassan, porte-parole du bloc parlementaire des Frères musulmans (2005-2010).
Amr Darag, cadre du Parti Liberté et Justice (PLJ), renchérit : « La politique américaine envers l’Egypte n’a jamais changé que son président soit démocrate ou républicain, il peut seulement y avoir une différence dans la manière et le style dont certaines questions sont traitées, mais sans plus ». Darag assure que le PLJ n’affiche aucune préférence pour l’un des candidats. « C’est une affaire intérieure qui appartient aux Américains », dit-il.
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