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Nouveau foyer terroriste à la frontière libyenne

May Al-Maghrabi, Lundi, 21 juillet 2014

L'attentat de Farafra, qui a fait 22 morts et 4 blessés, a choqué par son ampleur et sa violence. Pourchassés dans le Sinaï, certains groupes terroristes opèrent désormais à partir du désert libyen.

Nouveau foyer terroriste à la frontière libyenne
Les funérailles, une scène devenue coutumière pendant le mois du Ramadan.

22 gardes-frontières ont été tués et 4 autres bles­sés, samedi, dans une attaque contre un point de contrôle militaire près de l’oasis de Farafra, dans le gouvernorat d’Al-Wadi Al-Gadid, à l’ouest du pays. Il s’agit de la deuxième attaque d’envergure en l’espace de 2 ans contre des sol­dats de l’armée pendant le mois du Ramadan, et l’une des plus impor­tantes depuis la destitution du prési­dent islamiste Mohamad Morsi.

Selon l’enquête préliminaire, un kamikaze s’est fait sauter au milieu d’un baraquement du camp militaire, avant que le camp et le barrage le jouxtant ne soient attaqués par des hommes à bord de 4x4. Les agres­seurs ont arrosé le camp à la mitrailleuse lourde et ont tiré plu­sieurs roquettes antichar. L’une d’elles a fait sauter le dépôt de muni­tions.

Selon le porte-parole de l’armée, environ 20 tireurs montés à bord de véhicules armés ont lancé cet assaut surprise. Les agresseurs ont tiré au lance-roquettes et à la mitrailleuse lourde et ont échangé les tirs avec les soldats. Trois terroristes ont été tués. Un drapeau noir d’Al-Qaëda a été trouvé dans l’un des véhicules endommagés des assaillants.

L’Etat durcit le ton

La présidence a décrété un deuil national de 3 jours alors que le Conseil de défense nationale a pro­mis de frapper le terrorisme d’une main de fer et de renforcer la sécurité le long des frontières.

Dimanche dernier, le président Abdel-Fattah Al-Sissi, qui a assisté aux funérailles des soldats, a présenté ses condoléances aux familles des victimes et a promis de « venger leur sang et de purger le pays du terro­risme ».

Dans un communiqué, la prési­dence a affirmé que ce « crime hai­neux » ne restera pas sans réponse. « Le terrorisme sera éradiqué. Tous les responsables et auteurs d’actes contraires à la loi recevront la puni­tion qu’ils méritent », indiquait le communiqué.

Depuis la destitution du président islamiste Mohamad Morsi, le 3 juillet 2013, les attaques revendiquées par les groupes islamistes armés contre les forces de sécurité et l’armée se sont multipliées, surtout dans le Sinaï. Selon les sources militaires, ces attaques ont fait plus de 500 vic­times. L’armée a lancé, il y a un an, une vaste campagne contre les fiefs terroristes du Sinaï, tuant un certain nombre de djihadistes et en arrêtant d’autres.

A la recherche des coupables

Aucun groupe n’a revendiqué jusqu’à présent la responsabilité de l’attentat de Farafra. Dans les précé­dentes attaques, des groupes inspirés d’Al-Qaëda, comme Ansar Beit Al-Maqdess, avaient annoncé leur responsabilité des attaques menées contre l’armée et la police. Les experts soulignent une possible contagion des violences qui secouent la Libye voisine, en proie à l’anarchie. Farafra est la dernière oasis située au sud-ouest de l’Egypte, avant la fron­tière avec la Libye.

Ahmad Ban, spécialiste des mou­vements islamistes, craint qu’il ne puisse s’agir d’un nouveau groupe terroriste plus dangereux que les pré­cédents. « L’ampleur de l’opération et son caractère hardi appuient cette hypothèse. D’habitude, les opéra­tions terroristes visant les forces de sécurité se faisaient par des tirs spo­radiques ou en déposant des bombes artisanales. Mais cette opération était très bien planifiée, les terro­ristes savaient qu’il existait un stock d’armes sur les lieux. Ils se sont engagés dans un échange de tirs violents avec les soldats de l’armée, ce qui prouve que ces terroristes pos­sèdent une expérience dans les tech­niques de combat et sont lourdement armés ».

Ban met en garde contre une situa­tion alarmante, car les services de sécurité ne disposent pas d’informa­tions sur la nature et les objectifs de ces nouveaux groupuscules. « L’Etat ne possède pas de schéma détaillé de ces microcellules terroristes dont les opérations sont de plus en plus ciblées. A cet égard, il est nécessaire de coopérer avec les services de ren­seignements pour pouvoir collecter plus d’informations sans lesquelles il sera impossible d’endiguer le terro­risme. Il faut aussi revoir certaines failles qui facilitent ces attentats ter­roristes. Entre autres, le manque de sécurisation de certains points de contrôle ».

Ban critique les erreurs tactiques des forces de sécurité. « C’est une grave erreur militaire d’avoir un point de contrôle à proximité d’un entrepôt de munitions. Le manque de surveillance a permis aux terroristes d’infiltrer une importante quantité d’armes », fustige-t-il.

Mais comment ces groupes terro­ristes se sont-ils installés dans le Désert occidental ? Selon Ahmad Ban, après avoir resserré l’étau autour des groupes djihadistes dans le Sinaï, il était logique que certains de ces groupuscules se dirigent vers la zone frontalière avec la Libye. Une zone désertique connue pour son tra­fic d’armes. « Dans sa guerre contre le terrorisme, l’Etat s’est focalisé sur le Sinaï et n’a pas prêté attention à cette région frontalière, surtout après la montée de terrorisme en Libye. Ceci a encouragé les djihadistes du Sinaï à s’installer dans cette région. Ils sont aidés par les groupes terro­ristes qui prolifèrent en Libye », estime Ban.

Selon lui, cette opération vise à déstabiliser le régime actuel sous la présidence d’Al-Sissi, ennemi tradi­tionnel des islamistes radicaux depuis la destitution de Morsi. Il est possible aussi que ces groupes terroristes aient été encouragés par les victoires suc­cessives de Daech (l’Etat islamique en Iraq en au Levant).

Combat idéologique

« Cet attentat dévoile une défaillance sécuritaire, mais aussi idéologique, précise le politologue Sameh Eid. Si ces groupes sont armés de RPG, de roquettes ou de bombes, l’arme la plus dangereuse qu’ils portent ce sont leurs fausses idées religieuses. Ces djihadistes sont à 100 % convaincus que la police et l’armée sont des apostats. Face à de telles mentalités, la solu­tion sécuritaire ne peut pas à elle seule éradiquer le terrorisme ». Pour Sameh Eid, l’institution sunnite d’Al-Azhar, connue pour sa modéra­tion, est incapable de mener ce com­bat, crucial pour l’avenir du pays .

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