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Mosquées : L’Etat impose sa tutelle

Ola Hamdi, Mardi, 08 juillet 2014

Le ministère des Waqfs (bien religieux musulmans) a fait fermer plusieurs mosquées et près de 1000 zawyas (petites mosquées). Seuls les imams diplômés d’Al-Azhar et possédant un permis sont autorisés à prêcher.

Mosquees
Le ministère des Waqfs a fait fermer plusieurs mosquées et près de 1  000 zawyas.

Les fermetures de mosquées et de zawyas et l’exclusion d’un certain nombre d’imams et de prêcheurs connus comme Mohamad Jibril, Mohamad Hassan et Ishaq Al-Howeini interviennent suite à une récente loi approuvée par l’ancien président Adly Mansour, à la fin du mois de mai, et portant sur les prêches religieux.

Cette loi limite les prêches et les leçons religieuses à des diplômés d’Al-Azhar qui détiennent un permis du ministère des Waqfs. La loi s’applique aux espaces publics utilisés comme mosquées. Les personnes en dehors de ces deux institutions peuvent aussi être autorisées à prêcher, mais seulement avec la permission du ministère des Waqfs.

Ceux qui violent la loi encourent des peines allant d’un à trois ans de prison et une amende comprise entre 20000 et 50000 L.E. La peine est doublée en cas de récidive.

La promulgation de la loi a été suivie d’une campagne visant à fermer les mosquées et zawyas, qui fonctionnent loin de la supervision du ministère des Waqfs ou d’Al-Azhar. Du point de vue de l’Etat, cette loi est importante pour contrôler certains cheikhs incitant à la violence et à la discrimination. Mais la loi est aussi critiquée et fait craindre un monopole étatique sur le discours religieux, l’anéantissement du pluralisme religieux et l’intervention de la sécurité dans le choix des imams sur des bases politiques.

Près de 600 zawyas ont été fermées avec le début du mois du Ramadan dans le gouvernorat d’Alexandrie et 400 autres au Caire, dans le cadre de cette campagne. Par ailleurs, de grandes mosquées comme celle d’Al-Fatah à la place Ramsès au Caire, Rabea Al-Adawiya à Madinet Nasr, Al-Hossari à la cité du 6 Octobre, et Al-Qaïd Ibrahim à Alexandrie ont été provisoirement fermées.

Pour les responsables, certaines zawyas incitaient aux conflits sectaires et politiques. Mahmoud Abdel-Razeq, sous-secrétaire au ministère des Waqfs en charge des mosquées, pense qu’exiger un permis est une mesure tout à fait normale qui n’élimine pas le pluralisme religieux. « Certains cheikhs salafistes sont diplômés d’Al-Azhar et peuvent demander un permis s’ils le souhaitent », explique-t-il. Abdel-Razeq affirme que le ministère n’autorisera jamais l’utilisation des mosquées à des fins politiques. « Les mosquées ont été conçues pour l’adoration de Dieu et rien d’autre », dit-il.

Controverses

Mais cette décision de contrôler les prédicateurs ne plaît pas aux partisans du courant islamiste. Pour eux, c’est une décision politique. Et le débat politique s’installe. « Fermer les mosquées au mois du Ramadan, et empêcher les prières des tarawih, sont la preuve que le régime a peur », affirme Magdi Qorqor, dirigeant de l’Alliance nationale pour soutenir la légitimité (un groupement de partis et de mouvements islamistes).

« La fermeture des maisons de Dieu est un grand crime et cela confirme que le ministère des Waqfs est géré par le ministère de l’Intérieur. Je ne vois aucune raison qui puisse justifier une telle décision, surtout que les mosquées représentent une grande importance pour les musulmans durant le mois du Ramadan », explique un imam, qui a requis l’anonymat.

Un autre imam, dans une mosquée à Hélouan, qui a également requis l’anonymat, affirme avoir reçu des instructions du ministère des Waqfs de ne pas invoquer Dieu contre les oppresseurs et d’éviter de réciter des versets qui parlent de l’oppression et des oppresseurs. « De même, il est interdit de donner des leçons sur le même sujet dans les mosquées », affirme-t-il.

« Il existe 270 mosquées à Hélouan, et seulement 70 imams sont accrédités d’Al-Azhar, donc il y a 200 mosquées qui seront hors service à cause de ce règlement. Il y a des hommes âgés qui ne peuvent pas aller loin pour prier. Quelle est leur faute?! », s’interroge l’imam.

Le ministère des Waqfs rejette ces critiques. « Nous démentons les mensonges de certains groupes extrémistes qui disent que le ministère a interdit la prière des tarawih dans certaines mosquées, qu’il a fixé la durée de la prière à 45 minutes, ou a empêché les imams de parler de l’oppression ou des oppresseurs. Tout ceci n’est pas vrai », dit un communiqué du ministère.

Le sous-secrétaire du ministère des Waqfs, Mohamad Ezzeddine, nie avoir limité la prière des tarawih à un petit nombre de mosquées. « Ces mesures visent àimposer un contrôle sur la prédication, plutôt que de la laisser à des non-professionnels », dit-il. Nader Bakkar, porte-parole du parti salafiste Al-Nour, rejette le nouveau règlement du ministère des Waqfs. « La décision du ministère va ouvrir la voie à la prédication souterraine en Egypte », dit-il.

Bakkar suggère que l’Etat investisse davantage dans les institutions qui forment les prédicateurs, en particulier Al-Azhar.

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