Manoeuvre ou initiative politique? La décision des Frères sans violence de créer un parti politique soulève bien des interrogations. Ce mouvement, fondé par de jeunes membres dissidents de la confrérie des Frères musulmans, dit vouloir créer une nouvelle entité politique en rupture avec l’idéologie radicale de la confrérie, à l’instar de
Tamarrod, qui, par un vaste mouvement de pétitions, avait contribué au renversement de Mohamad Morsi, le 30 juin 2012.
Les membres du mouvement font campagne depuis plusieurs mois pour recueillir des signatures afin d’écarter les dirigeants les plus radicaux de la confrérie. Le mouvement a aussi annoncé qu’il entendait créer un parti politique qui disputera les prochaines législatives et municipales.
Le mouvement mise beaucoup sur la création de ce parti qui sera basé, selon ses fondateurs, sur des politiques et des idéologies démocratiques loin de tout esprit radical. Le ministère des Affaires sociales avait déjà refusé une demande du mouvement de fonder une organisation sous le nom d'« organisation Al-Banna ». Aspirant à un processus politique plus inclusif, ce nouveau mouvementa annoncé la semaine dernière son soutien au candidat à la présidentielle, Hamdine Sabahi.
« Notre choix de soutenir Sabahi est motivé par ses promesses de se réconcilier avec les Frères musulmans non impliqués dans des actes de violence, ceci alors que son rival, Sissi, insiste pour exclure les Frères définitivement de l’échiquier politique. Sabahi met dans le même panier les partisans de tous les mouvements islamistes. En donnant une nouvelle chance aux islamistes non impliqués dans la violence de se replacer sur la scène politique, Sabahi leur évite de basculer dans la radicalisation », indique Ahmad Yéhia, fondateur du mouvement.
Il souligne que le mouvement ne se limite pas aux dissidents des Frères musulmans, mais regroupe aussi des membres d’autres mouvements islamistes en divergence idéologique et politique avec leurs mouvements. « Le mouvement vise à représenter les courants islamistes modérés qui rejettent la violence. Nous représentons la troisième génération des Frères, celle qui est prête à prendre le relais », précise Yéhia.
Restructurer la confrérie

Les Frères musulmans ont été récemment impliqués dans plusieurs actes de violence. (Photo : Reuters)
Hassan Abdel-Rahmane, membre du mouvement, pense que la confrérie a besoin de se restructurer de l’intérieur, de revenir activement sur le terrain social et de reprendre son rôle dans la prédication. «
Les jeunes ont échoué à redresser la barre au sein de la confrérie, notre mouvement cherche à protéger les idéologies de son fondateur, Hassan Al-Banna. C’est que hélas nos dirigeants ont tellement instrumentalisé l’islam à des fins électorales. En optant pour la violence, la confrérie a dévié des principes de son fondateur, et c’est ce que notre mouvement cherche à corriger », souhaite Abdel-Rahmane.
Manoeuvre politique ?
Achraf Al-Chérif, spécialiste des mouvements islamistes, évoque deux hypothèses. Il redoute que ce mouvement ne soit qu’un instrument utilisé par le régime pour miner la confrérie. « Les Frères ne resteront pas à l’écart de la vie politique à jamais. Une réalité que connaît le régime et à laquelle il semble se préparer par des cartes de pressions dont il se servira lors des négociations avec eux », pense Al-Chérif.
Mais quoi qu’il en soit et loin de cette théorie du complot, ce mouvement ne pourra pas redorer le blason de la confrérie. « A l’encontre de leurs prétentions, ces jeunes Frères ne sont pas moins violents que leurs leaders et leur idéologie penche pour le radicalisme. Leurs divisions avec les cadres de la confrérie ont été toujours d’ordre tactique dans la mesure où ils se disputaient avec leur hiérarchie au sein du groupe sur certaines orientations mais pas sur les concepts », estime Al-Chérif.
Il pourrait s’agir d’une manoeuvrepour la confrérie visant à réintégrer l’échiquier politique.
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