
S'il n'est pas atténué en appel, le verdict risque d'aggraver la tension politique.
Le verdict de la Cour d’assises de Minya est le plus lourd jamais prononcé dans l’histoire pénale de l’Egypte moderne. 529 membres de la confrérie des Frères musulmans et partisans du président islamiste déchu Mohamad Morsi ont été condamnés à mort en première instance pour avoir attaqué le commissariat de police de Matay, au nord du gouvernorat de Minya, au sud du Caire, assassiné un policier et un soldat et s’être emparés des armes du commissariat. Sur les 529 accusés, seuls 153 sont en détention, les autres sont en fuite. 17 autres accusés ont été acquittés.
Le procès s’était ouvert le 22 mars et concerne au total plus de 1200 accusés impliqués dans des actes de violence et d’attentats commis contre des institutions gouvernementales et des biens privés. Il a été tranché par la Cour d’assises de Minya, dès la seconde audience. Les condamnés peuvent faire appel devant la Cour de cassation, et un nouveau procès pourrait alors avoir lieu. Les peines de mort prononcées par le tribunal doivent encore être validées par le mufti de la République. « Nous rejetons ce verdict donné par un régime illégitime », « Nous ne laisserons pas passer ce verdict facilement », scandaient les familles des accusés à l’issue du jugement.
Fermeté ou tentative d’intimidation? La décision du tribunal de Minya soulève de multiples réactions. « Ce verdict est politisé. C’est une honte pour la justice égyptienne », déclarait l’un des avocats de la confrérie à l’issue du verdict, soulignant que le tribunal « n’a pas donné à la défense suffisamment de temps pour présenter son plaidoyer »
De son côté, le Conseil national des droits de l’homme s’est dit « préoccupé » par ce verdict. En réaction au verdict, des membres de la confrérie des Frères musulmans ont mis le feu à une école primaire au village d’Abou-Chéhata, près du commissariat de Matay. Les services de sécurité ont évacué l’école et l’incendie a été maîtrisé.
Le verdict intervient dans un contexte particulièrement tendu alors que les accrochages entre les Frères et les forces de l’ordre se multiplient dans les rues, et alors que les universités sont en proie à des troubles continus en raison des manifestations d’étudiants islamistes. « Il est clair que ce verdict vise à intimider les Frères musulmans, c’est un message fort adressé à la confrérie pour dire que les débordements ne seront plus tolérés », analyse Sameh Eid, chercheur spécialiste des mouvements islamistes. Il est probable que le verdict soit atténué en appel. « Sinon, il risque d’aggraver l’impasse politique qui sévit en Egypte depuis la destitution de Morsi et de favoriser la poursuite de la violence », assure Eid.
La Cour correctionnelle de Sidi Gaber à Alexandrie avait condamné 14 jeunes filles des Frères musulmans à des peines de 11 ans d’emprisonnement pour chacune d’elles pour « rassemblement illégal, détérioration de biens publics et blocage de la circulation ». Mais le verdict avait été annulé en appel une semaine seulement après le jugement, et la peine a été atténuée à un an de prison avec sursis.
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