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En route pour la présidence

May Al-Maghrabi, Lundi, 13 janvier 2014

L’annonce de la candidature du général Abdel-Fattah Al-Sissi à la présidence de la République met fin aux spéculations et alimente un vif débat en Egypte.

En route
Perçu par beaucoup comme le sauveur de l’Egypte, Al-Sissi jouit d’une grande popularité.

Le général Abdel-Fattah Al-Sissi sera candidat à l’élection présidentielle si le peuple le réclame. « Si je dois déclarer ma candidature, il faut qu’il y ait une demande du peuple en ce sens », a déclaré, samedi 11 janvier, le général Abdel-Fattah Al-Sissi, ministre de la Défense, lors d’une réunion avec des responsables du pouvoir. Le général Al-Sissi a parallèlement appelé les Egyptiens à participer massivement au référendum sur la Constitution.

Perçu par beaucoup comme le sauveur de l’Egypte de la poigne des Frères musulmans depuis la destitution du président Morsi le 3 juillet, le général Abdel-Fattah Al-Sissi jouit d’une grande popularité. Certaines forces politiques ont clairement exprimé la volonté qu’il se présente à l’élection présidentielle et plusieurs campagnes ont même été lancées en faveur de sa candidature. Mais très discret, Al-Sissi n’a jamais donné de réponse claire. Aujourd’hui, sa candidature à la présidentielle semble être tranchée suscitant diverses réactions.

Le débat oppose ceux qui voient en lui l’homme capable de relever les défis de cette période et un rempart contre le terrorisme et le retour des islamistes au pouvoir, et ceux qui redoutent l’établissement d’un régime militaire à l’encontre des aspirations de la révolution de janvier. L’écrivain nassérien, Abdallah Al-Sennawi, trouve que la candidature d’Al-Sissi à quelques jours du référendum sur la Constitution incitera les citoyens à y participer massivement étant donné qu’il ne s’agit pas simplement d’un vote sur les textes d’une Constitution, mais sur la légitimité de la révolution du 30 juin, dont Al-Sissi est l’icône. « La candidature d’Al-Sissi à la présidence de la République va rassurer beaucoup d’Egyptiens effrayés par l’instabilité et le terrorisme en cours depuis la destitution de Morsi. Le peuple voit en lui une bouée de sauvetage », affirme Al-Sennawi.

Le mouvement Tamarrod s’est réjoui de l’annonce de la candidature d’Al-Sissi et projette d’organiser des manifestations massives le 25 janvier prochain, date de la commémoration de la révolution, pour soutenir la candidature d’Al-Sissi. Le parti salafiste Al-Nour, partenaire de la révolution du 30 juin, a aussi déclaré son soutien à la candidature d’Al-Sissi y voyant le président dont a besoin l’Egypte en cette phase critique pour rétablir l’ordre, combattre le terrorisme et relancer l’économie.

Au contraire, le mouvement du 6 Avril a annoncé son opposition à la candidature d’Al-Sissi qui risque, selon le mouvement, de « crédibiliser les prétentions que le 30 juin a été un coup d’Etat ».

L’écrivaine Fatma Naout affirme que la candidature d’Al-Sissi était nécessaire au vu de l’état de fragmentation dans lequel se trouvent les forces politiques actuellement. Pourtant, au départ, elle préférait qu’il reste ministre de la Défense, mais elle a changé d’avis. « Comme beaucoup d’Egyptiens qui ont participé à la révolution du 25 janvier, je voulais qu’on ait un président civil à la tête d’une nouvelle Egypte démocratique. Mais les forces politiques ont déçu le peuple par leurs divisions et leur incapacité de s’entendre. Parmi les candidats potentiels à l’élection présidentielle, Al-Sissi est le plus approprié pour occuper le poste de président », avoue Naout.

Oussama Al-Ghazali Harb, cadre du Front national du salut, trouve que si le général Al-Sissi décide de disputer l’élection présidentielle, il doit savoir qu’il doit gérer le pays dans un esprit démocratique et dans des circonstances tout à fait différentes de la situation d’avant 25 janvier 2011. « Nous ne pouvons pas nier que la candidature d’Al-Sissi à la présidentielle est devenue une revendication populaire et les Egyptiens misent beaucoup sur lui. Toutefois, au moment où il décide de devenir le président de l’Egypte, il doit savoir qu’il sera un président civil et un politique, et non plus un général. Il doit admettre qu’il fera l’objet de critiques et que ses décisions seront négociables. L’Egypte n’admettra pas un retour en arrière ou des dérives », prévient Harb.

Plus lucide, le politologue Hassan Nafea trouve qu’Al-Sissi doit étudier scrupuleusement la décision de sa candidature à la présidentielle et son impact sur la scène intérieure et extérieure. « Personne ne peut nier que sans le soutien d’Al-Sissi à la révolution du 30 juin, l’Egypte aurait plongé dans le chaos. C’est presque sûr que s’il se présente à la présidentielle, il remportera l’élection vu sa popularité écrasante. Mais, il doit étudier minutieusement toutes les conséquences de sa décision. Le peuple mise beaucoup sur lui et la situation en Egypte n’est pas facile. C’est pourquoi si le général Al-Sissi n’a pas de programme politique et économique concret capable de satisfaire la rue, il décevra ses partisans et perdra beaucoup de sa popularité. Chose que les Frères musulmans utiliseront pour resurgir sur la scène politique », conseille Nafea.

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