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Référendum : les islamistes divisés

Mohamed Abdel-Hady, Lundi, 09 décembre 2013

Les Frères semblent se diriger vers un boycott du référendum sur la Constitution. Al-Nour se prononce pour « Oui » alors que les autres courants islamistes affirment réfléchir sur la position à adopter.

Quelle attitude adopter face au référendum sur la nouvelle Constitution ? Alors que celui-ci doit avoir lieu en janvier, le camp islamiste est divisé. Le parti salafiste Al-Nour a annoncé qu’il se prononcerait en faveur du « Oui » au moment où les Frères musulmans appellent au boycott et que d’autres factions islamistes restent indécises.

« Le parti participera à ce référendum et votera Oui pour faire prévaloir les intérêts suprêmes du pays et éviter davantage de chaos. La Constitution est un premier pas sur la voie de la stabilité », a déclaré le chef du parti Al-Nour, Younès Makhyoune. Et d’ajouter : « Nous n’accepterons pas les surenchères sur les articles relatifs à l’identité et à la charia, les articles du nouveau projet de Constitution préservent l’identité arabo-islamique de l’Etat et la référence à la charia en tant que source de législation ».

Al-Nour ne s’estime pas concerné par l’interdiction des partis religieux dans la Constitution. « Al-Nour n’est pas un parti religieux et n’est donc pas concerné par l’article interdisant les partis à caractère religieux », a défendu le vice-président du parti, Talaat Marzouq.

Cette attitude d’Al-Nour lui a valu les critiques des autres mouvements islamistes, notamment des Frères musulmans, qui l’accusent de « se jeter dans les bras de la sécurité » et de « brader les acquis du courant islamiste incarnés par la Constitution de 2012 ».

Hamza Zawbaa, porte-parole du Parti Liberté et justice, organe d’expression des Frères musulmans, s’en est pris vivement à Nader Bakkar du parti Al-Nour sur son compte Twitter en qualifiant les appels de ce dernier à voter « Oui » à la Constitution de « trahison et d’insolence ».

Les Frères musulmans ont prévenu leurs partisans que la simple participation au référendum, même pour voter « Non », donnerait de la légitimité à ce dernier. « Nous ne reconnaissons ni la Constitution, ni le référendum. La seule Constitution légitime est celle de 2012. Le comité des 50 a été formé par un gouvernement putschiste. Nous ne pouvons que boycotter ce référendum », affirme Tareq Al-Morsi, porte-parole du Parti Liberté et justice.

Un argument qui a poussé le parti de la Construction et du développement, de la Gamaa islamiya, alliée de la confrérie, à envisager un boycott du référendum. Alaa Aboul-Nasr, secrétaire général du parti, explique que « contrairement au parti Al-Nour, nous pensons que nos intérêts politiques ne passent pas avant nos principes fondamentaux. La position d’Al-Nour ne nous surprend pas. Ce parti appartient à l’école salafiste d’Alexandrie qui fait passer la sécurité et la stabilité avant toute autre considération. D’ailleurs, il a toujours entretenu de bons rapports avec les militaires et la Sûreté d’Etat, même sous Moubarak ».

D’autres partis islamistes n’ont pas pris de décision définitive. C’est le cas des partis Al-Watan et de l’Egypte forte. « Notre parti ne reconnaît pas le comité des 50, et par conséquent, sa décision sera soit de voter Non, soit de boycotter le référendum », a indiqué le porte-parole d’Al-Watan, Yasser Abdel-Aziz.

Même son de cloche pour Ahmad Imam, porte-parole de l’Egypte forte. « Nous pensons que la feuille de route elle-même devait être soumise à référendum, ce qui n’a pas été le cas. Nous désapprouvons les séances à huis clos du comité des 50 qui n’est pas représentatif de la population et qui a renforcé les pouvoirs de l’institution militaire par rapport à la Constitution de 2012, jetant les bases d’une 2e République militaire, comme si 60 années de domination militaire n’avaient pas suffi », dit-il.

Al-Nour se détache du courant islamiste

L’attitude d’Al-Nour tranche avec celle des autres mouvements islamistes. Constatant que l’attitude des Frères musulmans a porté préjudice au courant islamiste dans son ensemble, Al-Nour a opté pour une position plus « pragmatique ». Par souci de préserver le caractère consensuel de la nouvelle Constitution, le comité des 50 a cherché un compromis avec Al-Nour. « D’un côté, l’article 219 a été supprimé, de l’autre côté, la formule Etat civil a été subrogée par « gouvernement civil », analyse le politologue Saad Hagrass.

Selon lui, les accusations récurrentes de trahison lancées par les Frères musulmans à l’encontre d’Al-Nour n’ont fait que conforter ce dernier dans son attitude. Al-Nour sait également qu’il peut, en l’absence des Frères musulmans, se réserver une place importante sur le nouvel échiquier politique, que ce soit au sein de la coalition au pouvoir ou dans les rangs de l’opposition.

Les Frères, eux, semblent décontenancés et envoient des signaux contradictoires. « D’un côté, ils annoncent qu’ils vont boycotter le référendum, car leur participation serait synonyme de reconnaissance des événements du 30 juin et du pouvoir intérimaire actuel, de l’autre, ils songent à participer pour voter Non. Dans les deux cas, la chute de leur popularité jouera en leur défaveur, surtout si le Oui l’emporte à une écrasante majorité », explique Saad Hagrass.

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