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Que reste-t-il de la place Tahrir ?

Najet Belhatem, Mardi, 19 novembre 2013

A quelques semaines du 4e anniversaire de la révolution du 25 janvier, les révolutionnaires se sentent isolés. Certains commentateurs fustigent même l’élan de Tahrir en 2011 et d’autres parlent de plan B pour la présidence.

La situation en Egypte ressemble à celle du Caire pris à la gorge par des embouteillages monstrueux. Rien ne bouge et tout bouge en même temps, une cohue de voitures et de politiques et de nouvelles rapportées par la presse où l’on peut lire par exemple qu’un étudiant « a inventé un nouvel emblème qu’il a appelé Taleta (trois) en réponse à l’emblème de Rabea brandi par les Frères musulmans et leurs supporters (formé d’une main à 4 doigts) ».

Donc, l’emblème taleta formé de trois doigts symbolise le « 3 juillet, date de l’éviction du président Mohamad Morsi ». Très sérieusement, le quotidien Al-Watan, qui a consacré un long article à ce « scoop », continue sur « l’élève en secondaire qui a conçu son emblème sur son ordinateur pour unir les opposants de la confrérie des Frères musulmans ». Le journal conclut ensuite que « la directrice générale de l’inspection éducative de Banha a décidé d’honorer l’élève en lui octroyant un certificat d’honneur! ».

Cette histoire de doigts symbole d’emblème ne se termine pas là, puisqu’un autre journal, en l’occurrence le quotidien Al-Tahrir, publie un autre long article sur un avocat qui a intenté un procès contre le président Adly Mansour, le chef du gouvernement Hazem Al-Belblawi, et contre les ministres de l’Intérieur et de la Justice, pour « les obliger à interdire et incriminer l’emblème Rabea des Frères musulmans. L’avocat a affirmé que l’utilisation de cet emblème menace la sécurité nationale de l’Egypte, puisqu’il représente un soutien aux actes terroristes de la confrérie».

Dans le quotidien Al-Watan, c’est la révolution du 25 janvier qui est prise à partie par un éditorialiste, Mahmoud Al-Kerdoussi, qui représente une partie non négligeable d’autres éditorialistes et de tranches de la société. Il écrit : « Alors que nous menons une guerre contre le terrorisme des Frères musulmans, les mercenaires du 25 janvier (ndlr : les révolutionnaires) reviennent sur le devant de la scène alors qu’on croyait que la révolution du 30 juin les a fait taire à jamais. Ils veulent faire revivre feu la révolution du 25 janvier alors qu’ils savent qu’il n’en reste que l’emblème de Rabea, le drapeau d’Al-Qaëda enlaçant celui d’Israël avec les photos du traître Morsi. Il n’en reste que le bruit des tambours des Ultras et l’odeur nauséabonde des comptes bancaires secrets d’Ahmad Maher, chef du mouvement du 6 Avril, et Tweets du traître Mohamed ElBaradei … Il ne reste à ces mercenaires que le sentiment d’être honnis, et pourtant insistent toujours à dire que ce qui s’est passé le 25 janvier était une révolution! ».

L’espace public et la présidence

Le quotidien Al-Shorouk se consacre, lui, à sonder les pronostics des prochaines élections présidentielles. « Bien que toutes les sources proches du général Al-Sissi affirment qu’il a l’intention de se présenter à ces élections, d’autres sources parlent de plan B dans le cas contraire. Ils parlent du président actuel Adly Mansour, mais ses chances sont infimes, car il est le symbole de l’éviction de Mohamad Morsi. Mais le coût de la candidature d’Al-Sissi sera plus élevé sur le plan intérieur et international, surtout au regard des pressions américaines, même si l’Arabie saoudite et les Emirats font des efforts pour les conjurer », disent les sources. Le journal fait état de noms qui n’ont sur le plan de la réalité aucune chance de gagner ces élections, comme celui de Sélim Al-Awa, avocat et chef du groupe d’avocats chargés de la défense de Mohamad Morsi!

Dans le même journal, l’analyste et ex-député au Parlement, Amr Hamzawi, écrit dans un autre son de cloche qui n’est pas sans soulever de multiples critiques : « Entre 1952 et 2011, les élites égyptiennes au pouvoir ont eu recours à l’éviction du citoyen de l’espace public en violant les droits de l’homme (en construisant un mur de la peur), ou en réglementant la présence du citoyen en l’invoquant dans des foules de soutien pour légitimer une acceptation sociale pour ensuite se débarrasser de ces foules dès la fin de la mission. La rue est ainsi monopolisée au profit des élites et de leurs politiques auxquelles le citoyen sera soumis. Cela a toujours été accompagné de procédures constitutionnelles et juridiques oppressives qui incriminent toute manifestation du citoyen opposant dans la rue, taxant son opposition d’atteinte à la sécurité nationale».

L’auteur ajoute que depuis 2011, avec le Conseil suprême militaire, en passant par les Frères musulmans et leurs alliés « jusqu’à la composante militaro-sécuritaire issue du 3 juillet 2013, ces groupes tentent de récupérer l’espace public à travers une double stratégie : d’abord exiler le citoyen opposant et invoquer les foules pour se donner de la légitimité. Et cette stratégie est liée à un recours aux pratiques répressives et aux législations restrictives de libertés».

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