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Un combat multidimensionnel

Lundi, 23 août 2021

Le rapport national sur la lutte contre le terrorisme, publié par le ministère égyptien des Affaires étrangères, met en relief l’importance de l’approche globale adoptée par l’Egypte et la nécessité de ne pas nuancer la définition du terrorisme.

Un combat multidimensionnel
L’opération militaire antiterroriste « Sinaï 2018 » s’inscrit dans le cadre d’une stratégie nationale intégrale s’attaquant à tous les aspects de ce phénomène.

*Ahmed Eleiba

Pour la deuxième année consécutive, le ministère des Affaires étrangères a publié son rapport annuel sur l’approche égyptienne de lutte antiterrorisme, qui incarne surtout l’essor qu’ont connu la conception et les mécanismes de cette lutte. Selon l’approche égyptienne, tous les groupes terroristes s’alimentent de l’idéologie extrémiste de la confrérie des Frères musulmans, conçue comme berceau de ces organisations terroristes. Ce qui démontre l’importance du combat idéologique mené par l’Egypte pour mettre fin à ce phénomène. Et là, il est important de rappeler que de nombreux pays publient des rapports périodiques qui focalisent uniquement sur les aspects matériels de ces groupes, ainsi que sur leurs activités alors que l’approche égyptienne s’appuie sur l’impossibilité de séparer l’aspect matériel de l’aspect idéologique. C’est pourquoi, dans sa guerre contre le terrorisme, l’Egypte travaille sur plusieurs axes en parallèle : idéologique, législatif et militaire. Eviter les « deux poids deux mesures » et ne pas instrumentaliser le terrorisme pour des comptes politiques figurent parmi les plus importantes recommandations du rapport. Le texte incite la communauté internationale à afficher plus de transparence sur la carte des organisations terroristes à un moment où de nouveaux termes décrivant ces groupes apparaissent, tels « l’extrémisme violent » ou « djihadisme ». Des termes « fallacieux » qui, selon l’Egypte, risquent de donner des justifications voire une sorte de légitimité à leurs actes. D’ailleurs, le rapport attire l’attention sur la nécessité de tenir responsables les pays qui parrainent des organisations terroristes.

A titre d’exemple, les Etats-Unis classaient le régime de Saddam Hussein en Iraq, le régime des mollahs en Iran et aussi le régime des Talibans en Afghanistan en tant que régimes parrainant le terrorisme. Mais après la chute du régime de Saddam Hussein, l’environnement chaotique causé par l’invasion américaine de l’Iraq était propice à la propagation d’organisations terroristes. Contrairement, Washington s’est engagé dans un processus de compromis politique avec les Etats autrefois qualifiés de terroristes. Comme c’était le cas de l’accord du Groupe de travail conjoint Washington-Téhéran et des négociations de Doha entre Washington et les Talibans.

Le rapport fait aussi un état des lieux de nombreux Etats qui transfèrent des mercenaires vers les régions de crise et de conflits comme l’a fait la Turquie en Libye. Selon le rapport, au niveau de la lutte contre la migration clandestine, certains pays européens ont ouvert des canaux de communication avec des mafias existant dans les Etats du Sahel et en Libye et ont financé des programmes visant à limiter ce phénomène. De plus que dans certaines régions en crise, des Etats ont parrainé des médiations entre des organisations terroristes comme c’était le cas en Syrie. C’est ainsi que le rapport national dévoile le secret de ces relations sous une incapacité de lutter efficacement contre le terrorisme tout en l’instrumentalisant, comme le font certains Etats qui financent des organisations terroristes pour frapper d’autres parties.

Combat législatif et idéologique

Sur le volet législatif, il est important de mentionner que l’Egypte a été parmi les premiers pays au monde à promulguer des lois criminalisant le terrorisme, son financement et son soutien. Le rapport revient sur l’évolution des législations destinées à dessécher les ressources de financement des organisations terroristes.

La vision égyptienne va donc au-delà de la perception stéréotypée. Les idées peuvent jouer un rôle plus dangereux que les armes. L’évolution de la vision égyptienne sur la lutte contre le terrorisme, comme le montre le rapport, englobe l’apparition de réseaux et de transferts virtuels. De nombreuses législations internationales et régionales n’ont pas englobé cette évolution dangereuse, les organisations sont désormais financées par des transferts financiers virtuels, par le blanchiment de fonds et les transferts effectués par l’intermédiaire de réseaux de la société civile. Cependant, l’Egypte a acquis une grande expérience dans ce domaine au cours de ces dernières années. Ce qui a nécessité un processus législatif complet qui dépend non seulement de la législation pénale relative aux aspects matériels des opérations terroristes, mais aussi des aspects économiques, comme en témoignent les lois sur les institutions financières gouvernementales, les banques, les bureaux de change, etc.

Concernant la lutte idéologique, le rapport passe en revue le rôle des institutions religieuses en Egypte dans la lutte contre les idées extrémistes et la rectification du discours religieux, mettant l’accent sur le rôle d’Al-Azhar, du ministère des Waqfs et de l’Eglise copte, ainsi que sur l’évolution qualitative des publications, des rapports et des activités sur le terrain, en particulier parmi les jeunes. Le rapport attire également l’attention sur le rôle joué par l’observatoire d’Al-Azhar et son centre de traduction, considérant qu’Al-Azhar est un acteur central dans l’affrontement de la pensée extrémiste à travers les différentes plateformes sur les réseaux sociaux et sur Internet en général. De plus, Al-Azhar a récemment annoncé la création d’un centre d’études comme une nouvelle étape sur la voie du développement de la lutte intellectuelle contre le terrorisme.

Toutefois, d’aucuns estiment qu’il est indispensable que d’autres institutions, comme les ministères de la Culture et de la Jeunesse, jouent un rôle plus grand. Ces ministères estiment de leur côté que cela se fait par la promotion des activités intellectuelles et sportives auprès des jeunes, comme outil pour qu’ils ne basculent pas dans l’extrémisme. Il existe également des activités conjointes entre ces institutions et les institutions religieuses, outre le fait que les institutions académiques de sécurité contribuent elles aussi depuis un certain temps à la sensibilisation de leurs membres à ces aspects en faisant appel aux institutions religieuses, en plus de l’initiation aux principes des droits de l’homme. Par conséquent, ces aspects ne se limitent plus aux institutions religieuses bien que celles-ci jouent un rôle axial dans la lutte contre ces idées.

Couper l’herbe sous le pied

Sur le volet sécuritaire, le rapport présente la stratégie égyptienne basée sur la poursuite des membres de la confrérie terroriste des Frères musulmans (berceau du terrorisme), ainsi que les autres organisations terroristes. Dans leur guerre contre les Frères musulmans, les autorités travaillent sur plusieurs volets, dont la détection et la poursuite des éléments de la confrérie ayant fui à l’étranger, les coups préventifs visant à endiguer le mouvement à l’intérieur et à couper ses ressources financières et logistiques, sans oublier la lutte contre les rumeurs que répand l’organisation sur les réseaux sociaux pour déstabiliser le pays et décréditer les efforts de lutte contre le terrorisme en cours. Concernant la lutte contre les autres groupes terroristes, le rapport indique qu’ils sont traités dans un contexte préventif en adoptant des mesures pour la sécurisation des institutions et des personnalités, le contrôle ferme des frontières et la lutte contre les groupes terroristes qui font passer des armes et des matières explosives pour empêcher qu’elles n’arrivent aux éléments terroristes, tout en surveillant les éléments terroristes dans les ports via les accords de coopération internationale que ce soit par le biais d’Interpol ou d’accords de coopération judiciaire.

Finalement, on conclut que le rapport a présenté les dimensions de la vision nationale quant à la lutte contre le terrorisme et les mesures prises à cet égard. Un rapport qui témoigne surtout de l’évolution de l’expérience de l’Egypte dans la lutte contre le terrorisme. Une expérience qui ne se limite pas à l’aspect matériel du combat que représente la lutte armée, mais qui s’étend à la lutte par l’arme idéologique, civilisationnelle et celle du développement. Emanant de cette approche globale, l’Egypte a accompli d’énormes efforts en termes de lutte contre le terrorisme partant de sa conviction selon laquelle le terrorisme ne peut être toléré, ses actes ne peuvent être justifiés, il est impossible de négocier avec ses organisations ou ses éléments.

* Expert au programme de la sécurité et de la défense au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques

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