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Barrage: Nouvelle phase dans la bataille diplomatique

May Al-Maghrabi, Mardi, 13 juillet 2021

Le dynamisme diplomatique est en cours pour faire adopter le projet de résolution présenté par la Tunisie au Conseil de sécurité sur le barrage de la Renaissance.

Au Conseil de sécurité, Sameh Choukri a averti des répercussions des actes unilatéraux éthiopiens, e
Au Conseil de sécurité, Sameh Choukri a averti des répercussions des actes unilatéraux éthiopiens, exhortant le conseil à adopter le projet de résolution tunisien «   équilibré et constructif  ».

Que fera le Conseil de sécurité de l’Onu du dossier du barrage éthiopien de la Renaissance, après la séance tenue jeudi 8 juillet à New-York, à la demande de la Tunisie pour le compte de l’Egypte et du Soudan, afin de discuter de la « menace existentielle » que représente le projet sur les pays en aval? Lors de la séance du jeudi, le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, et son homologue soudanaise, Mariam Al-Sadiq Al-Mahdi, ont à nouveau expliqué les menaces que fait peser le barrage sur les droits de leurs peuples à l’eau, « un droit à la vie », au cas où aucun accord contraignant ne se poserait entre leurs trois pays.

Les deux pays ont exhorté le Conseil de sécurité à entreprendre une « diplomatie préventive » et ont demandé un accord juridiquement contraignant sur le remplissage et l’exploitation du barrage. « Ce projet éthiopien sur le Nil pourrait entraîner une pénurie cumulée d’eau en Egypte estimée à 110 milliards de m3. Ce qui réduira l’accès à l’eau potable, privera des millions de travailleurs du secteur agricole de l’eau nécessaire à leurs terres et détruira des milliers de feddans de terres arables », a alerté Choukri, appelant le conseil à assumer son rôle de la préservation de la paix et la sécurité. Un avertissement qui intervient alors que l’Ethiopie a déjà commencé le second remplissage unilatéralement, niant que le projet affectera l’Egypte et le Soudan, comme l’a dit le ministre de l’Irrigation éthiopien, prétendant, par ailleurs, que ce conflit ne relève pas de prérogatives du Conseil de sécurité.

L’Onu, de son côté, a estimé qu’un accord est possible entre les trois pays, avec de la confiance réciproque. « Pour parvenir à un accord optimal, la confiance, la transparence et un engagement seront essentiels », a assuré Inger Andersen, directrice du Programme des Nations-Unies pour l’environnement. « Bien que des progrès aient été réalisés dans de nombreux domaines lors des négociations, aucun consensus n’a été atteint concernant certains aspects critiques, notamment les dispositions pour la gestion de sécheresses prolongées, l’aménagement en amont et en aval du barrage et un mécanisme de règlement des différends », a regretté la responsable. Au niveau des 15 membres du conseil, les positions varient, le conseil appelant à une reprise des négociations sous l’égide de l’Union Africaine (UA) et des observateurs internationaux. Les Etats-Unis se sont dit prêts à « fournir un soutien politique et technique à l’Egypte, au Soudan et à l’Ethiopie dans la question du barrage », a déclaré, vendredi 9 juillet, Samuel Warburg, porte-parole régional du département d’Etat américain, alors que l’ambassadrice des Etats-Unis auprès du Conseil de sécurité, Linda Thomas-Greenfield, a déclaré que les négociations menées par l’UA devraient reprendre d’urgence avec des observateurs des Etats-Unis, de l’Union européenne et d’autres partenaires.

Mission ardue

Dans ce contexte, les efforts à déployer pour impliquer le Conseil de sécurité s’avèrent difficiles. D’autant plus que c’est la première fois que le conseil examine une question relative à des fleuves transfrontaliers. La Tunisie, membre non permanent et représentant des pays arabes, a présenté un projet de résolution qui devrait être voté au cours de cette semaine. Il vise à désamorcer la crise actuelle et éviter qu’elle ne se transforme en un conflit menaçant à la sécurité régionale et africaine (voir sous-encadré). Pour l’approuver, il nécessite l’approbation de 9 membres parmi les 15 du Conseil de sécurité, une mission ardue, vu les divergences de leurs positions et de leurs comptes comme a démontré la séance de jeudi dernier. Alors que les délibérations sont en cours entre les membres du Conseil, le dynamisme diplomatique s’intensifie que ce soit de la part de l’Egypte, de la Tunisie ou de la Ligue arabe pour convaincre les Etats membres du sérieux de la situation. Le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a déclaré, samedi 10 juillet, que la situation était « compliquée » en raison des considérations politiques et des intérêts enchevêtrés au sein du conseil. Choukri faisait référence à la réticence du conseil d’émettre des décisions précises à la hauteur de la gravité de la situation.

Pour sa part, l’ambassadeur Mohamad Idris, délégué permanent de l’Egypte auprès de l’Onu, a déclaré, dimanche 11 juillet, que la Tunisie coordonne avec le comité arabe chargé du dossier du barrage et qui regroupe la Jordanie, l’Arabie saoudite, le Maroc, l’Iraq et le Secrétariat général de la Ligue arabe sur l’adoption de son projet de résolution, et que des contacts diplomatiques intensifiés sont en cours en ce terme. L’ambassadeur Salah Héleima, vice-président du Conseil égyptien pour les affaires africaines, explique que la position du conseil devrait être formulée au bout de cette semaine après délibérations. « L’émission d’une recommandation non contraignante, mais de valeur morale, nécessite le vote de 9 membres parmi les 15 du Conseil de sécurité, même s’ils ne sont pas parmi les 5 membres permanents. Alors que pour émettre un communiqué présidentiel, dont l’influence sera plus efficace, cela nécessite de voter à l’unanimité le projet de résolution, ce qui est difficile d’atteindre », affirme Héleima. Il explique qu’à l’encontre de ce que prétend l’Ethiopie et des tentatives du Conseil de sécurité de ne pas s’impliquer dans des conflits sur l’eau, ceci relève par excellence des prérogatives du conseil, conformément à l’article 35 de la Charte des Nations-Unies d’agir avec tout différend ou toute situation de la nature de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales. « Ce qui sera le cas si l’affaire se transforme en une guerre d’eau entre les pays du bassin du Nil. Et là, il faut noter qu’en cas d’abstention du conseil de régler le conflit, l’Egypte aura pleinement le droit de protéger son droit à la vie au cas où son existence serait compromise, conformément à l’article 53 du chapitre 7 de la Charte des Nations-Unies qui autorise à un Etat menacé de recourir à protéger sa sécurité nationale jusqu’au moment où l’organisation pourrait, à la demande des gouvernements intéressés, être chargée de la tâche de prévenir toute nouvelle agression de la part d’un tel Etat », estime Héleima.

En attendant une décision du Conseil de sécurité, le diplomate indique que le transfert du dossier au conseil est en soi une réussite pour la diplomatie égyptienne et un point en faveur de l’Egypte et du Soudan appuyant leurs positions dans l’avenir. « Le discours du chef de la diplomatie égyptien a été inclusif, exposant tous les volets juridiques, techniques et politiques du dossier et étalant les risques sur la paix et la sécurité que représentent les plans éthiopiens visant à nationaliser un fleuve transfrontalier. La balle est aujourd’hui dans le camp du conseil, appelé à valoriser la sécurité mondiale », souhaite Héleima. Affaire à suivre l

Les plus importants points du projet de résolution soumis par la Tunisie au Conseil de sécurité

u La Tunisie, avec son projet de résolution, prévoit que le Conseil de sécurité demande à l’Egypte, à l’Ethiopie et au Soudan de reprendre leurs négociations à la demande du président de l’Union africaine et du secrétaire général des Nations-Unies.

u Il ordonne aux trois pays de parvenir, dans un délai de six mois, à un accord contraignant concernant le remplissage et la gestion du barrage.

u L’accord contraignant doit « garantir la capacité de l’Ethiopie à produire de l’hydroélectricité à partir du barrage et, dans le même temps, empêcher tout dommage significatif à la sécurité de l’eau pour les deux pays tributaires ».

u Le Conseil de sécurité, dans le cadre de la résolution, doit appeler « les trois pays à s’abstenir de toute déclaration ou procédure susceptible de nuire au processus de négociation », tout en appelant l’Ethiopie à « s’abstenir de poursuivre le remplissage unilatéral du réservoir du barrage » .

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