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Amani El-Taweel : Plus le temps passe, plus la situation se complique

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mardi, 01 juin 2021

Amani El-Taweel, présidente du département des études africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, revient sur les efforts de l’Egypte et du Soudan dans le dossier du barrage éthiopien de la Renaissance.

Amani El-Taweel

Al-Ahram Hebdo : L’Egypte intensifie ses efforts diplomatiques pour tenter de trouver une issue au différend avec l’Ethiopie sur la question du barrage de la Renaissance. Y a-t-il, selon vous, un espoir d’une relance des négociations ?

Amani El-Taweel : Etant donné que le temps presse, que l’Ethiopie se prépare au deuxième remplissage du barrage et que les négociations sont en suspens, l’Egypte tente d’intensifier ses efforts diplomatiques dans la région afin d’informer tous les pays du statu quo dans le dossier du barrage. D’où l’importance de ce dynamisme à cette heure précise.

L’Egypte s’intéresse spécifiquement à renforcer ses relations avec tous les pays du bassin du Nil et les pays riverains de la mer Rouge. On a vu par exemple la visite du président Abdel-Fattah Al-Sissi, cette semaine à Djibouti. L’emplacement géopolitique de Djibouti sur le golfe d’Aden et les îles de Bab Al-Mandab a une importance stratégique liée à la fois la sécurité de la mer Rouge et du Canal de Suez. Ainsi, l’Egypte a tenu à informer le président djiboutien, Ismaïl Guelleh, de la tergiversation de son voisin éthiopien durant les longues années de négociations.

— Et qu’en est-il du Soudan ? La ministre soudanaise des Affaires étrangères a entamé cette semaine une nouvelle tournée africaine ...

— Le Soudan aussi agit dans le cadre de ses intérêts stratégiques. Il est clair que les dommages pour le Soudan seront très importants si le deuxième remplissage est achevé sans accord préalable. Cela aura un impact sur toutes les stations d’eau et les centrales d’électricité soudanaises. Donc, le remplissage du barrage risque de mettre le gouvernement soudanais dans une situation embarrassante devant son peuple. Déjà, avec le premier remplissage, le Soudan avait subi de graves dommages, alors que ce remplissage n’était que de 5 milliards de m3 d’eau. Dans le deuxième remplissage, la quantité d’eau qui sera stockée sera de 13,5 milliards de m3 d’eau, soit trois fois plus que la précédente.

Sur un autre volet, la sécurité du barrage est toujours en question. Depuis le début des négociations, les rapports émis par les cabinets conseils ont recommandé des études détaillées sur la sécurité de cette construction immense qui stockera d’énormes quantités d’eau. Cela n’a jamais été accepté par l’Ethiopie. Ce qui relève le niveau du danger auquel sont exposés les pays en aval et plus spécifiquement le Soudan.

— Pensez-vous donc qu’une intervention américaine dans le dossier du barrage peut changer le statu quo, surtout que Washington s’est montré plus actif dans le dossier du barrage ?

— On ne peut pas vraiment dire que la position américaine a changé. Cependant, il existe une entente égypto-américaine qui est apparue après les efforts déployés par l’Egypte pour parvenir à un cessez-le-feu à Gaza et trouver une trêve permanente entre Israéliens et Palestiniens. Cette entente a permis à l’Egypte d’expliquer son point de vue sur la question du barrage et ses probables répercussions sur la région.

Mais jusqu’à présent, l’Administration américaine n’a pas fait de proposition concrète pour régler cette crise. La position américaine est claire sur la crise au Tigré. Washington a imposé des sanctions à l’Ethiopie. Cela peut être considéré comme un message indirect à Addis-Abeba portant sur tous les dossiers de la Corne de l’Afrique, y compris le barrage de la Renaissance. En d’autres termes, si l’Ethiopie conduit la région vers des perturbations et des conflits, elle ne pourra pas garantir que la position américaine sera neutre à son égard. Mais tout dépend de la volonté américaine.

— Alors que les provocations éthiopiennes se poursuivent, des images satellites montrent que la partie centrale du barrage n’a toujours pas été construite. Est-ce un indice sur le report du remplissage ?

— Il y a effectivement un ralentissement dans le processus de construction du barrage, mais ce n’est pas un recul dans la position éthiopienne. L’Ethiopie surveille de près les réactions politiques dans la région et se focalise sur le plafond de la position américaine. Washington appliquera-t-il de nouvelles sanctions à Addis-Abeba ? Mais une fois rassurée sur la position américaine, l’Ethiopie ne tardera pas à achever la construction et le remplissage du barrage.

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