
Plus d'un million d'habitants résident dans la zone informelle d'Al-Haggana. (Photo : Chaïmaa Abdel-Hamid)
« Tout ce que nous espérons, c’est avoir une vie décente ». C’est ainsi que Mohamad Abdel-Latif, l’un des habitants du quartier Ezbet Al-Haggana, résume les aspirations des habitants de cette zone. Une zone marginalisée, située à quelques kilomètres de Madinet Nasr, l’un des plus grands quartiers à l’Est du Caire, qui a toujours souffert de la propagation de la construction aléatoire, de la négligence et de la détérioration des services fondamentaux. Ici, à l’entrée de ce quartier défavorisé, la plus grande rue, appelée par les habitants « la rue principale d’Al-Ezba », il est très difficile de suivre le mouvement agité. Dans tous les sens, les tok-toks et les motos, principaux moyens de transport à Haggana, font des allers-retours rapides et aléatoires. Parmi eux, quelques voitures peinent à se frayer un chemin sur l’asphalte tordu et cassé. Des dizaines d’enfants jouent dans la rue, sans s’approcher des poteaux de haute tension, comme les ont prévenus leurs parents pour ne pas risquer leur vie. Une ambiance de cirque en plein air avec les sons élevés des chansons sortant à la fois des tok-toks et des magasins. Les surfaces des bâtiments allant de 4 à 12 étages, qui s’éloignent l’un de l’autre de quelques mètres, sont laissées en briques rouges. Dans ces petites ruelles, submergées par les eaux des égouts, de grosses pierres servent de passerelles pour les habitants.
Des conditions de vie précaires dont souffrent, depuis de longues années, les habitants de cette région (plus d’un million de personnes, selon les estimations, vivant sur une superficie d’environ 750 hectares, les nombres officiels sont à l’étude). « Nous rêvons de vivre en sécurité. La présence d’un commissariat de police est une nécessité. Nous souffrons quotidiennement de vols. Et les conflits sont jusqu'à aujourd’hui résolus par les anciens du quartier ou parfois encore pire par les voyous », affirme Hoda Sami, propriétaire d’une épicerie et résidente du quartier. Ahmad Abdou, quant à lui, espère la disparition des poteaux de haute tension. « Quand il pleut, c’est un vrai cauchemar. Les jeunes du quartier et les propriétaires des magasins se chargent d’éloigner les enfants des poteaux de haute tension de peur qu’ils ne soient électrocutés », explique-t-il. Quant à Oum Mahmoud, femme au foyer, elle rêve d’un avenir meilleur pour ses enfants : « Je n’ai pas les moyens d’aller vivre ailleurs. Mais je rêve qu’un jour, mes enfants puissent recevoir une bonne éducation, de bons traitements en cas de besoin et surtout, qu’on ne les traite pas d’habitants des bidonvilles ». De simples rêves qui devraient devenir réalité grâce au plan de réaménagement.
Un phénomène qui remonte aux années 1960
Ezbet Al-Haggana est l’une des zones informelles du quartier Est de Madinet Nasr. Dans un premier temps, la construction dans cette zone était autorisée, mais en raison de la présence des câbles de haute tension, tous les permis de construction ont été interdits. Une interdiction qui n’a pas empêché l’acquisition illégale de terres et la construction irrégulière dans cette région. L’urbaniste Soheir Hawas explique qu’il existe 11 types de bidonvilles en Egypte, dont les plus célèbres sont ceux formés en raison de l’exode rural des villageois à la recherche d’un gagne-pain et ceux formés aux extrémités de certains quartiers riches, afin de permettre à leurs habitants de résider près de leur lieu de travail. « Le cas du quartier Haggana est un mélange de ces deux types de zones informelles. Au début des années 1960, la loi stipulait la destruction immédiate de tout bâtiment contrevenant. Quelques années plus tard, le fait accompli a imposé aux autorités d’arrêter la suppression de ces zones qui commençaient pourtant à se propager dans la capitale. Dans les années 1970 et 1980, n’ayant toujours pas trouvé d’alternatives, le gouvernement a commencé à leur fournir des services vitaux comme l’électricité, l’eau ou les réseaux de drainage. Des services qui sont cependant loin de couvrir les besoins du nombre d’habitants qui se multiplie chaque année dans cette zone », explique l’urbaniste.
Des conditions qui avaient favorisé l’amplification du phénomène non seulement à Ezbet Al-Haggana, mais dans toutes les zones informelles. Un phénomène auquel l’Etat est plus que jamais déterminé à mettre fin.
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