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Guérira-t-on prochainement du sida ?

Dina Darwich (avec AFP), Mercredi, 16 septembre 2020

La rémission d’un patient séropositif sans greffe de moelle osseuse suscite un espoir prudent dans la lutte contre un virus des plus insidieux.

Percée potentielle annoncée l’été dernier par des chercheurs : un homme porteur du virus du sida en rémission depuis plus d’un an pourrait être le premier patient adulte à guérir de la maladie sans besoin d’une greffe de moelle osseuse.

Si ces dernières années, deux hommes — baptisés patients « Berlin » et « Londres » — semblent avoir été guéris après avoir subi une greffe de moelle osseuse pour traiter un cancer, une équipe internationale de chercheurs pense avoir un troisième patient qui ne montre plus de signe d’infection après avoir suivi un traitement différent.

Il s’agit d’un Brésilien de 34 ans dont le nom n’a pas été divulgué, qui a été diagnostiqué porteur du virus VIH (responsable du sida) en 2012. Dans le cadre de l’étude en question, il a reçu plusieurs médicaments antiviraux puissants, notamment du Maraviroc et du Dolutégravir (Tivicay), pour voir s’ils pouvaient l’aider à éliminer le virus. Après plus d’un an sans traitement anti-VIH, ce patient reste négatif au test de détection d’anticorps anti-VIH. Ricardo Diaz, expert en maladies infectieuses à l’Université de Sao Paulo, estime que le patient peut être considéré comme indemne de la maladie.

Selon le Dr Diaz, le mode de traitement de son équipe, qui nécessite des recherches supplémentaires, est une piste plus éthique pour les personnes gravement malades vivant avec le VIH que celle, à haut risque, de la greffe de moelle osseuse. Pour Sharon Lewin, directrice du Doherty Institute for Infection and Immunity à Melbourne, les conclusions de Ricardo Diaz sont « très intéressantes », même si elle remarque des limites à l’étude. « Ces données doivent faire l’objet d’une analyse plus approfondie », dit-elle.

Une piste qui reste à confirmer

Plusieurs rémissions prolongées ont par ailleurs été signalées dans le monde sans qu’une guérison puisse être affirmée. Maître de conférences en microbiologie et immunologie à la faculté de pharmacie de l'Université du Caire, Dr Radwa Sharaf estime qu’en règle générale, lorsque le traitement est arrêté, le rebond viral se produit dans les 3-4 semaines, à quelques exceptions rarissimes.

« L’un des principaux obstacles à la guérison du VIH-1 est le fait que le virus est intégré dans le génome des cellules infectées. Etant donné que le VIH-1 peut rester latent pendant des années et se réactiver à des stades ultérieurs, il est très difficile, et peut-être même impossible, d’éliminer toutes les cellules infectées, à moins que nous n’éliminions toutes les cellules par irradiation corporelle totale », souligne-t-elle.

Dans le cas présent, cependant, le patient n’a reçu ni irradiation ni greffe de cellules souches, il a plutôt été placé sous traitement antirétroviral intense. « Dans le cadre de cette stratégie dite choquer et tuer, il a reçu une substance appelée nicotinamide. Celle-ci est censée activer les cellules infectées de manière latente afin qu’elles commencent à produire le virus et soient ainsi détectées pour être éliminées par le système immunitaire. Dans le même temps, puisque le patient est sous traitement, les particules virales produites seront soit défectueuses, soit incapables d’infecter de nouvelles cellules », explique Dr Sharaf.

« La réussite de cette stratégie dépend de l’hypothèse que le nicotinamide active 100 % des cellules infectées de manière latente, ce qui est peu probable. Notre expérience avec le bébé du Mississippi qui, plus de deux ans après la fin de son traitement, a présenté à nouveau des traces du virus, me fait soupçonner un pareil scénario pour le patient de Sao Paolo », prévoit-elle.

Dr Ramy Aziz, professeur de microbiologie et d’immunologie, à la même faculté, partage la même prudence. Il souligne le fait que les quatre autres personnes de l’étude, soumises au même protocole, n’ont pas connu de rémission. « Mais cela n’est pas un constat d’échec, pas plus que le patient guéri n’est une preuve de réussite », s’empresse-t-il d’ajouter. « Si guérison il y a, elle pourrait être attribuable à la structure génétique du patient ou à son système immunitaire, ce qui rend ce cas unique peu concluant pour le plus grand nombre de patients. L’élargissement de cet essai permettra de dégager un éventuel lien de causalité entre le traitement et une guérison totale », explique le professeur.

Selon l’Onu, 1,7 million de personnes ont contracté le VIH l’an dernier et plus de 40 millions de personnes vivent avec actuellement. Bien que la maladie ne soit plus synonyme de mort certaine comme autrefois, les patients séropositifs doivent pendre un traitement à vie.

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