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Attentat de Bir Al-Abd, un acte désespéré

May Al-Maghrabi, Lundi, 04 mai 2020

L’attentat terroriste du 30 avril au Nord-Sinaï, qui a fait 10 morts et blessés dans les rangs des forces armées, est une tentative désespérée d’investir la crise du coronavirus pour déstabiliser le pays, affirment les observateurs. Analyse.

Attentat de Bir Al-Abd

Moins de 48 heures après un attentat qui a visé les forces armées au Nord-Sinaï, l’armée a annoncé la liquidation de 126 élé­ments takfiris. « Des armes de diffé­rents types, des balles et des ceintures explosives ont été saisis », a indiqué le colonel Tamer Al-Réfaï, porte-parole de l’armée, dans un communiqué publié dimanche 3 mai sur sa page officielle Facebook. 16 opérations militaires et 22 raids ont été menés par l’armée en coopération avec la police. « Les forces armées ont procédé à la destruction de 228 repaires, 172 véhi­cules, 226 motos, 630 engins explosifs et 8 tunnels, alors que les services de sécurité ont interpellé 226 criminels, personnes recherchées ou suspects », indique Al-Réfaï. Et d’ajouter que « ces opérations ont également fait 15 martyrs (4 officiers, 3 sous-officiers et 8 soldats (…). Les héros des forces armées continuent d’exercer leurs missions avec détermination pour éradiquer le terrorisme et sauvegar­der la sécurité et la stabilité de l’Egypte et de son peuple ». Dans une intervention sur la chaîne privée Extra News, le colonel Al-Réfaï a affirmé, dimanche, que les forces armées éten­dent leur plein contrôle sur le Sinaï et ont réalisé de grandes réussites sur le terrain au nord et au centre de la péninsule, où les infrastructures des groupes terroristes ont été détruites. « Nous avons agi en toute fermeté face aux groupes terroristes, qui ten­tent d’investir la crise du coronavirus pour relancer leurs activités, mais nous sommes déterminés à éradiquer le terrorisme », a déclaré Al-Réfaï. D’ailleurs, l’armée avait annoncé, vendredi, la liquidation de 2 éléments terroristes au Nord-Sinaï.

Jeudi au soir, un blindé de l’armée avait été la cible d’un attentat terro­riste au Nord-Sinaï. « Un officier égyptien, un sous-officier et 8 autres soldats de l’armée ont été tués ou blessés après l’explosion d’un engin piégé dans la ville de Bir Al-Abd au Nord-Sinaï », a annoncé l’armée. Vendredi, le groupe terroriste Daech a revendiqué l’attentat. L’attentat sur­vient en plein mois du Ramadan, alors que le pays est engagé dans la lutte contre la pandémie de Covid-19. « Que Dieu ait l’âme de tous ceux qui ont donné leur vie pour l’Egypte. Que Dieu ait l’âme de quiconque a irrigué de son sang la terre de cette patrie pour qu’elle reste vivante et que son drapeau continue à flotter haut dans le ciel », a écrit sur Twitter le prési­dent Abdel-Fattah Al-Sissi, s’enga­geant à poursuivre la lutte contre le terrorisme jusqu’à son éradication. « Les forces du mal tentent de kidnap­per le pays, mais grâce à Dieu et à la force de notre armée, nous sommes capables de les briser », a affirmé le président. Vendredi, les funérailles organisées pour les martyrs de l’atten­tat dans leurs gouvernorats respectifs se sont transformées en manifesta­tions dénonçant le terrorisme et soute­nant l’armée.

L’attentat de Bir Al-Abd a donné lieu à un déluge de condamnations. Au niveau international, l’Union Européenne, les Etats-Unis, l’Angle­terre et la Ligue arabe ont dénoncé l’attaque affichant leur soutien à l’Egypte dans sa guerre contre le ter­rorisme. Alors qu’en Egypte, les insti­tutions politiques et religieuses ont dénoncé une attaque « perfide et désespérée ». Le premier ministre, Moustapha Madbouli, a affirmé que « de tels actes lâches ne briseront pas l’Etat ». L’armée avait lancé en février 2018 une vaste opération militaire globale « antiterroriste » dans la région, mais aussi dans certaines par­ties du désert occidental, entre la val­lée du Nil et la frontière avec la Libye pour lutter contre le terrorisme. Depuis 2013, le groupe Ansar Beit Al-Maqdess, branche égyptienne de Daech, s’est implanté au Nord-Sinaï et a lancé maintes attaques contre les forces de l’armée, la police et les coptes. Ces attaques avaient été favo­risées par l’instabilité interne et le contexte régional avec, notamment, la présence de Daech dans des pays comme la Libye, la Syrie et l’Iraq. Depuis le lancement de l’opération, 845 terroristes ont été tués dans des affrontements, alors que des dizaines de dépôts d’armes et des dizaines de tunnels reliant Rafah à la bande de Gaza ont été détruits.

Le terrorisme acculé

Le colonel Hatem Saber, expert en matière de lutte antiterroriste, voit dans l’attentat de Bir Al-Abd une preuve de plus sur la régression des groupes terroristes. « Cet attentat, bien que son bilan soit lourd, reste une opération limitée commise par un engin piégé rudimentaire implanté sur une route désertique. Cela prouve que les groupes terroristes ne sont plus en mesure de mener des attaques d’en­vergure ou d’entrer en confrontation directe avec l’armée avec des armes lourdes comme auparavant. Il est clair que les ressources en armement, en financement et en recrutement de ces groupes ont été considérablement affectées », assure Saber. Pour lui, le lieu de l’attentat montre que Daech est désormais acculé au triangle situé entre Rafah, Al-Arich et Cheikh Zoweid. « Le groupe a essayé il y a quelques semaines de sortir de ce triangle et de se diriger vers Le Caire, mais il a été neutralisé. Il tente à pré­sent de faire de la résistance en se dirigeant vers la région de Bir Al-Abd au centre du Sinaï, une région déser­tique relativement à l’écart de la scène des opérations militaires anti­terroristes », explique Saber, souli­gnant qu’aucun pays au monde ne peut éliminer la menace terroriste à 100%, surtout l’implantation des engins explosifs et les attaques kami­kazes. « Pour témoigner la réussite des efforts de lutte antiterroriste dans le Sinaï, il suffit de savoir que les opérations terroristes ont baissé d’en­viron 95% par rapport à 2013», argumente l’expert.

Le général Khaled Okacha, membre du Conseil suprême de lutte contre le terrorisme, commente les opérations menées par l’armée ces dernières 48 heures. « Ces opéra­tions constituent un message dissua­sif aux groupes terroristes qui tentent d’investir la crise du Covid-19 pour se réactiver. Les quantités d’armes et de munitions détruites par l’armée montrent que les groupes terroristes s’apprêtaient à lancer une série d’at­taques », affirme Okacha. Il ajoute que l’enquête en cours avec les élé­ments terroristes arrêtés devrait dévoiler qui les soutient. « Il existe de nouveaux éléments terroristes qui tentent de créer de nouveaux fiefs », indique Okacha. Ahmad Kamel, spé­cialiste des mouvements islamistes, trouve que le danger actuel du groupe Ansar Beit Al-Maqdess réside sur­tout au niveau idéologique. Le groupe tente de recruter de nouveaux éléments, misant sur la présence du courant salafiste djihadiste au Nord-Sinaï. Il rappelle qu’il y a trois semaines, l’organisation terroriste avait appelé ses branches dans tous les pays à mener des opérations en profitant du fait que les gouverne­ments sont occupés par la lutte contre le coronavirus. « Une menace qu’il faut prendre au sérieux parce que même si les capacités du groupe ont régressé, celui-ci n’a pas disparu. C’est pourquoi en parallèle à l’opé­ration militaire dans le Sinaï, les institutions religieuses, les intellec­tuels et les médias doivent s’engager sérieusement dans le combat idéolo­gique pour contrer l’extrémisme », pense Al-Béheiri. Il souligne aussi l’importance du plan du développe­ment en cours dans la péninsule. « Cela évite que le Sinaï reste une zone isolée, propice au terrorisme. En impliquant les jeunes bédouins aux projets de développement, on barre la route aux groupes terroristes en les empêchant d’exploiter ces jeunes », estime Al-Béheiri. La guerre contre le terrorisme est de longue haleine. L’Egypte la mène avec détermination.

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