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Intempéries : Une meilleure gestion de la crise

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mardi, 17 mars 2020

Les intempéries qui ont frappé l’Egypte cette semaine ont fait de nombreux dégâts en dépit de la mobilisation des services gouvernementaux. Le gouvernement étudie la modernisation du réseau de drainage pour mieux évacuer l’eau des pluies.

Intempéries : Une meilleure gestion de la crise

Pluies torrentielles et vents destructeurs, des phénomènes qui ont accompagné, les 12 et 13 mars, les pires intempéries qu’a connues l’Egypte depuis plus de trente ans, faisant 20 morts et d’énormes dégâts matériels. Une situation qui aurait pu être pire. Selon les experts, la bonne gestion de la crise et la coordination entre les instances gouvernementales ont minimisé les dégâts. « Les Egyptiens, peuple et gouvernement, ont fait preuve d’une bonne gestion de la crise des intempéries. Les instances exécutives et sécuritaires ont bien géré une situation compliquée », a écrit, vendredi, le président Sissi sur son compte officiel Facebook. Par ailleurs, le premier ministre s’est réuni dimanche avec les ministres du Logement, de l’Electricité et des Télécommunications pour suivre les répercussions des intempéries. A la fin de la réunion, il a été décidé de mettre en place un plan pour moderniser le réseau de drainage sanitaire afin qu’il soit capable d’assimiler des quantités d’eaux plus grandes.

Jeudi matin, tous les gouvernorats du pays ont été frappés par des pluies torrentielles et des rafales de vent atteignant 60 km/h.

Bilan lourd

Des poteaux d’éclairage et des arbres sont tombés dans plusieurs régions, causant la mort de deux personnes. Les autoroutes inondées par l’eau des pluies ont causé maints accidents, alors qu’une collision a eu lieu entre deux trains, faisant 13 blessés. Les villages et les bidonvilles ont été les plus impactés par les mauvaises conditions météorologiques. A Al-Zarayeb, à Hélouan, des maisons en terre cuite ont été arrachées, causant 10 morts. Le quartier d’Al-Tagammoe au Caire a été complètement inondé. Selon l’urbaniste Medhat Al-Chazli, le problème du quartier d’Al-Tagammoe est qu’il est situé à une basse altitude par rapport aux régions qui l’entourent, ce qui facilite la stagnation des eaux des pluies, un défaut auquel il est impossible de remédier. « La seule solution réside en l’installation d’un réseau d’évacuation des pluies au quartier », explique Al-Chazli. Concernant le bidonville d’Al-Zarayeb, il estime que les dégâts ne sont pas surprenants étant donné la nature des constructions qui sont aléatoires et qui ne respectent pas les normes de sécurité.

A la hauteur de la situation

Au-delà des dégâts, la gestion de la crise sur le terrain a été remarquable. « Les mesures préventives qui ont été prises et la bonne coordination entre les instances concernées ont été derrière cette bonne gestion de la crise », explique le général Ossama Senger, ancien président du département de gestion de crises du Conseil des ministres. C’est ainsi que les services météorologiques ont alerté le gouvernement 48 heures avant les intempéries, ce qui a permis au premier ministre de donner un congé de deux jours pour les écoles, les universités et les fonctionnaires du secteur public et privé. Les instances concernées ont élaboré un plan de prévention pour remédier aux probables répercussions comme les coupures d’électricité, l’inondation des routes, l’effondrement des bâtiments vétustes, etc. Une cellule de crise travaillant 24h sur 24 a assuré la coordination entre toutes les instances. « Sans ces mesures préventives, on se serait retrouvé face à une véritable catastrophe vu l’ampleur des intempéries. Cette fois-ci, les camions d’évacuation des eaux se sont rendus vite sur les lieux où s’accumulaient les pluies. Les routes n’ont pas été bloquées comme auparavant et les sinistrés ont été secourus à l’instant », loue Senger, en faisant allusion aux intempéries qui, en 1994, avaient fait 600 morts et causé l’effondrement total d’un village à Assiout. Partageant la même vision, l’expert en développement local, Amgad Amer, ajoute que le travail des appareils concernés a été facilité, ce qui a permis d’identifier les régions où se trouvaient des défaillances du système de drainage. « On a pu constater qu’il existe une grande différence entre les infrastructures des anciennes et des nouvelles villes, ce qui explique pourquoi Le Caire, qui ne dispose pas d’un réseau pour l’évacuation des pluies et dont le réseau de drainage est vétuste, a pris plus de temps pour évacuer les eaux accumulé et c’était aussi le cas dans la plupart des gouvernorats. En revanche, les nouvelles villes dotées d’infrastructures modernes et conformes aux normes, telle que la Nouvelle Capitale administrative ou le quartier d’Al-Asmarate, n’ont pas éprouvé de problèmes de ce genre », note Amer.

« L’absence des réseaux d’évacuation des eaux des pluies dans la majorité des villes égyptiennes revient à la nature non pluviale du pays. Les pluies sont saisonnières et d’intensité médiocre. Une situation qui commence à changer vu les changements climatiques mondiaux », explique Amer. Une réalité que confirme Gamal Sayed, expert météorologique, qui explique que la période entre 2020 et 2025 sera marquée par un nouveau cycle solaire. « Cela veut dire qu’au cours des 5 prochaines années, le monde sera exposé à ce qu’on appelle le minimum solaire qui signifie que l’activité du soleil va diminuer, engendrant différents phénomènes météorologiques dans le monde. Concernant l’Egypte, ces changements climatiques provoqueront de multiples intempéries, tantôt sous forme de pluies torrentielles tantôt sous formes d’inondation. Une richesse qu’il faut investir, surtout avec la pénurie d’eau dont souffre l’Egypte », pense Sayed.

Le gouvernement reconnaît la nécessité d’installer un système de drainage pour l’eau des pluies, mais celui-ci est très coûteux. « Un nouveau système de drainage de l’eaux des pluies coûtera au moins 400 milliards de L.E., un budget colossal que le gouvernement ne peut assurer pour le moment », indique Hani Younès, porte-parole du Conseil des ministres. « L’Etat rénove actuellement les routes de la capitale, il faut profiter de ces travaux pour installer des réseaux d’évacuation des pluies », appelle l’urbaniste Medhat Al-Chazli. Et pour alléger le fardeau qui pèse sur le gouvernement, il propose d’appliquer ce plan graduellement avec la participation du secteur privé. « Ce plan peut commencer par les quartiers habités par des hommes d’affaires qui pourront contribuer au financement pour restaurer l’infrastructure des quartiers qu’ils habitent », pense-t-il.

Farid Abdel-Aal, directeur du Centre régional de planification à l’Institut national de planification, rappelle que l’installation d’un nouveau système de drainage pour l’eau des pluies nécessite aussi beaucoup de temps. « Il faut donc recourir à des alternatives plus réalistes, comme le fait que les revêtements des rues soient légèrement inclinés vers les trottoirs. On peut creuser sur les côtés des passages pour évacuer l’eau vers le Nil ou vers les lacs, les puits ou autres. Un système efficace et appliqué dans beaucoup de pays et nettement moins coûteux que l’installation d’un système de drainage », remarque-t-il. Selon lui, il faut profiter du stockage de ces grandes quantités d’eau pour compenser le déficit hydrique. Le gouvernement a multiplié au cours des deux dernières années la construction des barrages, des réservoirs et des lacs de stockage dans plusieurs régions, notamment dans le Sinaï, à Marsa Matrouh et à Alexandrie pour stocker les eaux des pluies et en profiter pour l’agriculture.

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